GRAMMAIRE
DES LANGUES ROMANES
GRAMMAIRE
LANGUES ROMANES
FREDERIC DIEZ
TROISIÈME ÉDITION REFONDUE ET AUGMENTÉE
TOME TROISIÈME
TRADUU| PAR
Alfred MOREL-FATIO et Gaston PARIS
PARIS F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
LIBRAIRIE A. FRANCK RUE RICHELIEU, 67
1876
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LIVRE IV.
SYNTAXE
La syntaxe enseigne à grouper pour leur faire exprimer une idée, c'est-à-dire en une proposition, les parties du discours qui dans l'étude étymologique ont été considérées au point de vue de la forme et de la flexion. Elle doit avoir égard non-seulement aux principes qui règlent en général l'assemblage des parties du discours entre elles, mais aussi à l'emploi des mots individuels qui appartiennent à Tune ou à l'autre. La proposition est simple ou multiple (composée); cette distinction, qui a sa raison d'être dans la nature des langues arrivées à un certain degré de déve- loppement, doit être observée aussi dans cette étude : la pre- mière partie traitera donc de la proposition simple, la seconde de la proposition composée. Les règles concernant la place que doivent occuper les mots dans la proposition ou l'ordre dans lequel doivent se succéder les diverses propositions pourraient être indiquées occasionnellement dans ces deux parties, mais une étude à part de cette question ne présente pas seulement des avan- tages pratiques, elle fait mieux apprécier un trait caractéristique important des nouvelles langues. 11 ne semble pas moins raison- nable de consacrer une section spéciale à la méthode de négation romane, essentiellement différente de l'ancienne méthode et moins simple. L'ensemble de la syntaxe romane se divise donc en quatre sections.
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PREMIERE SECTION.
PROPOSITION SIMPLE.
CHAPITRE PREMIER.
Substantif et adjectif.
Le rapport du genre roman au genre latin étant inséparable de la déclinaison a déjà été exposé au livre de la flexion : bien qu'il y ait des exceptions, le masculin roman correspond d'habi- tude au masculin ou au neutre latin, le féminin au féminin ; même les mots qui ont été empruntés aux langues germaniques conservent pour la plupart fidèlement leur genre (t. II, 14-22). Au point de vue de l'influence exercée par le sens le roman se comporte aussi comme la langue mère ; mais la terminaison a acquis une certaine influence. Les noms communs en a (fr. e), par exemple, qui désignent une personne masculine sont en général aussi masculins, mais beaucoup de mots nouveaux comme guida, spia, sentinella se rangent dans presque tous les domaines au genre féminin , et même les mots transmis par la langue mère comme propheta et papa sont quelquefois traités comme féminins en provençal et en vieux français, singularité que la terminaison seule peut avoir causée (t. II, p. 14 ss.). Dans d'autres cas on a accommodé la terminaison au genre : socrus devient en esp. prov. suegra, en port, sogra, en val. soacre\ nurus, ital. nuora, esp. nuera, port. prov. nora, V. franc, nore, val. nore. Les noms géographiques se sont en général réglés sur la terminaison. En effet ceux en a ont le genre féminin, les autres ont le genre masculin ; à ces derniers appar- tiennent ital. Messico, Perù, Napoli, Parigi (aussi féminin), Tamigi, Tevere, esp. Japon, Ferrol, Guadcdquivir, Rôdano, port, aussi Garumna, Guadiana, Sequana, franc. Portugal, Piémont, Danemark, Canada, Brésil, Paris, Lyon, Rhône, Danube, Elbe. Les noms des mois et des jours de la semaine sont masculins, ces derniers ne sont féminins qu'en valaque ; les noms des vents, sauf ceux qui se terminent en a, sont égale-
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ment masculins. Le changement le plus important concerne les noms d'arbres, qui sont devenus masculins (t. II, p. 15).
2. En ce qui concerne le nombre il faut remarquer : \) Les noms de personnes considérés comme noms communs passent sans hésitation au pluriel : ital. i Catoni, gli Scipioni (hommes comme Gaton et Scipion), esp. los Horacios y Virgilios, comme lat. Catones, Scipiones ou gr. o\ 'HpaxXéeç, ol ©Yjaésç (voy. chap.
2, § 5). — 2) En latin les noms de matière sont en grande partie aptes à être employés au pluriel, aussi bien ceux qui indiquent un assemblage peu condensé de petites parties que ceux qui désignent une masse; les premiers sont considérés comme un ensemble, les seconds comme des objets isolés : nives, gran- dines, imhres, arenae, pulveres, fruynenta, venena, carnes (morceaux de viande), pices (morceaux de poix). Dans les nou- velles langues le pluriel a pris une plus grande extension : on peut dire par ex. en it. nevi, piogge, areiie, farine, frumenti, orzi, latti. Uni, lane, carni, ori, argenti, rami, piombi, stagni \ en esp. nieves, lluvias, arenas, polvos, cenizas, trigos, lanas, carnes etc. ; en franc, neiges, pluies, arènes, poudres, sucres, chairs, ors, plombs. — 3) Des abstraits qui indiquent un état corporel ou intellectuel ou une activité peuvent de la même manière revêtir la forme du pluriel ; c'est là un trait syntactique important que la nouvelle langue possède en commun avec l'ancienne. Exemples latins : vitae, mortes, somni, risus, timorés, superbiae, audaciae, irae, odia, invidiae, amores, oblivia, honestates, satietates. De même en ital. vite, morti^ sonni, ozi, risa, gusti, timori, super bie, orgogli, ire, odi, invidie, vendette, ubbidienze, amori, obblii, posse Ger.
3, 51, umilitadi, onestadi, povertà, sanità', aussi les idées matérielles ardori, candori, rossori, splendori, niormorii, gridi, tuoni, caldi, geli. De même en esp. vidas, muertes, miedos, temores, iras, amores, zelos, ciumes, valores, saludes, piedades, temeridades. Fr. vies, morts, craintes, peurs, amours, fureurs, courroux, désespoirs, perfidies, bontés, respects, même patiences, au sens figuré feux, flam- mes, froideurs, les froiz et les chaus Ruteb. I, 31, comp. les notes de Ménage sur Malherbe p. 142 ; pr. las fams e las setz GRoss. 6741, néanmoins on restreint déjà dans cette langue l'usage de cette liberté. Les pluriels de ce genre désignent soit une véritable pluralité de l'idée (le morti degV imperatori) , soit une pluralité de modes ou d'expressions d'une seule et même idée (le bellezze les divers côtés de la beauté, le ire les mani-
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festations delà colère, gli amori les amours); quelquefois aussi ils ne font que renforcer l'idée simple*. Aux abstraits appartient aussi l'infinitif, mais dans ce cas on ne lui laisse prendre que rarement la forme du pluriel. Au reste ces pluriels sont surtout employés par la poésie artistique qui y voit et y cherche un ornement de style ; l'ancienne poésie plus naïve les favorise moins. L'allemand moderne au contraire a perdu beaucoup de ces pluriels qui étaient encore couramment employés dans l'an- cienne langue. — 4) D'autres cas sont lat. coeli, ital. cieli, esp. cielos, fr. cieuœ ; pectora, esp. pechos fréquent aussi bien dans le sens propre et appliqué à une seule personne qu'au sens abstrait ; barbae s'emploie de la même manière (dans Apulée et d'autres), esp. port, barbas ; litterae (lettre mis- sive) v.esp. prov. letras, v.fr. lettres, se rapporte à un seul objet de ce genre. — 5) Plusieurs substantifs sont exclusivement ou spécialement employés au pluriel, soit à cause de l'exemple donné par le latin, soit à cause d'un usage postérieur déterminé par la nature elle-même de l'objet. Une petite liste de ces mots a été donnée au tome II, p. 22.
3. Les attributions du substantif peuvent être remplies aussi par des adjectifs et des pronoms, des verbes (infinitifs) et des particules ; même par des phrases entières, comme en grec, voy. pour plus de détails à l'infinitif. Il faut encore relever ici la représentation périphrastique usitée en latin d'un substantif personnel par une proposition relative, qui est surtout favorisée par l'italien: lat. ii qui audiunt (auditores), ii quijudicant {judices)\ ital. a chi leggerà {al lettore); il maestro di color che sanno (de' sapienti) Inf, 4, 131 ; diè lor chi conduce 7, 74 ; esp. al que leyere etc.
4. Dans un cas déterminé on remplace régulièrement V adjectif par le substantif. Le latin exprime les matières considérées
1. En ce qui concerne le dernier de ces mots il faut remarquer qu'en provençal et en vieux français la forme plurielle des cas obliques amors s'est mêlée au singulier, en sorte qu'elle est devenue synonyme de mnor (l'amour, le dieu de l'amour). Il est vrai que Matfre Ermengaud a intitulé son ouvrage lo breviari d'amor et non d'amors, mais Molinier nomme le sien las leys d'amors et non d'amor ; d'autres auteurs ont écrit par amors (par amour), segon amors (selon l'amour), des poètes français ont dit la chasse d'amours, H jeu d'amours, sospris d'amours. Voici encore à ce sujet une petite remarque : le Vocabularius S. Galli latin-allemand (viii^ siècle) traduit déjà l'adverbe allemand gernlîho par l'expression ex amurs, dont le second mot, à cause de Vu et de ïs, doit être emprunté littéralement au français.
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comme attributs par des adjectifs, ce n'est que çà et là dans le style poétique qu'il se permet des substantifs comme sideris ora pour siderea, tegumenta frondis pour frondea. Dans la nouvelle langue, pour laquelle la forme de ces adjectifs en eus n'était pas commode, l'emploi du substantif est devenu la règle : ainsi poculmn aureum, argenteuyn, cupy'eum est devenu it. hicchier d'oro, val. pahar de aur, esp. vaso de plata, fr. gobelet de cuivre. Mais ce n'est qu'en français que l'emploi de l'adjectif est interdit (t. II, p. 277), aussi lorsque les poètes emploient le participe, comme Malherbe dans âge ferré pour de fer, siècle dore pour d'or, la critique réclame-t-elle. Il en est à peu près de même pour les noms géographiques : ainsi it. vino dîReno, Guittone d'Arezzo, mais on dit aussi Pietro Aretino, Serafino Aquilano; pour d'autres exemples voy. ch. 2, § 4. — L'espagnol présente la particularité suivante : des substantifs qui, accompagnés d'une préposition, représentent le sens d'un adjectif, peuvent en prendre immédiatement la place gramma- ticale et par conséquent aussi précéder le mot principal comme un véritable adjectif; c'est comme si nous voulions dire « la sans comparaison beauté » pour « l'incomparable » : la sin ygual helleza = la incomparable belleza Nov. 4; dos sin ventura amigos Num. 4, 1 ; el vano y sin provecho sentimienlo Gare. eleg. 1 ; el mas sin ninguna 7nala tacha {el ynas puro) CLuc. 45 ; aquel sin ventu7^a ; me tienen por de ningun juicio. Les autres langues n'usent pas aussi facilement de ce procédé. Mais on a un correspondant dans Fit. quel senza cuore. 5. \] adjectif au sens absolu (il sera question au chap. 4 de la construction de l'adjectif avec le substantif) ou bien repré- sente une personne considérée à un point de vue général, ou bien exprime une idée abstraite. 1) L'emploi de l'adjectif avec un sens personnel a pris dans les langues nouvelles une bien plus grande extension que dans le latin, qui ne sous-entend pas volon- tiers le mot homo. Homo doctus est rendu simplement par ital. il letterato, esp. el erudito, fr. le savant, val. invetzatul, et dans ce sens on admet aussi quelquefois l'emploi du féminin. — 2) Si l'adjectif exprime une idée abstraite, s'il représente une qualité comme telle, il revêt dans d'autres langues la forme du neutre, comme lat. jucundum, grec to xaXcv. Dans la plupart des provinces romanes la forme du neutre concorde ici avec celle du masculin : ital. il sublime, il bello, port, o grande, o for- moso, prov. lo vers, lo belhs, franc, le beau, V utile ; seul l'enchaînement de la phrase peut résoudre la question du sens.
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Mais en espagnol, par une heureuse circonstance, un article spécial lo s'est établi pour accompagner l'adjectif dans ce sens et prévenir ainsi toute confusion : lo verdadero, lo util, lo présente, lo pas ado, lo alto desta sierra, lo hondo deste valle. La désignation du neutre par la forme même de l'adjectif (à part les quelques cas de la comparaison anomale, comme ital. migliore, neutre meglio = melior, melius) n'est offerte que par les dialectes du nord-ouest dans lelir période la plus ancienne : prov. masc. bos, fém. bona, neutre bo, v.fr. bons, bone, bon; encore ce neutre est-il restreint à l'emploi adjectival parce qu'il se rapporte toujours à une idée pronominale neutre (qui peut être contenue aussi dans le verbe, généralement esser), comme dans aisso es belh (cela est beau) ; tôt lo 7^emanen ; tôt ^uant es avinen; no pot esser remazut que; belh m'es, bon m'es; mais si l'adjectif est pris substantivement on n'a pas, ainsi que nous l'avons dit, lo belh, mais avec la flexion lo belhs, gran perda hi fai lo remanens (le reste) Choix V, 11, comp. t. II, p. 56^. — 3) La représentation périphrastique de ce neutre par res est devenue très-usitée dans les nouvelles langues, qui toutefois emploient de préférence causa (t. II, p. 419) : ital. cosa incre- dibile (qqch. d'incroyable), esp. cosa nueva, prov. re novelh Choix V, 375, plus leugiera cauza (traduction de facilius) GO. 58^, fr. grand' chose, belle chose. Nous verrons plus bas au chapitre du pronom qu'on supprime quelquefois cosa en italien, en sorte que dans cette langue un féminin représente un sens neutre. Le valaque est la seule langue où le neutre absolu puisse être rendu par le pluriel du féminin, par ex. ceale pe- muntesti {res terrestres = terrestria les choses terrestres); delà cei buni invatze celé bune (on apprend des bons les bonnes choses, le bien).
1. Les grammairiens du xiii= siècle déjà admettent en provençal l'existence d'un adjectif neutre. Ainsi Uc Faidit parle d'adjectius, quanson pausat senes sxibstantiu, si cum mal m'es, greu m'es, fer nVes, estranh m'es qu'el aia dit mal de me GProv. p. 6 ; Raimon Vidal remarque : pot hom abreujar (c.-à-d. supprimer ïs de flexion) per rason del neutri el (c.-à-d. en lo) nominatiu el vocaiiu sincjular, aisi com qui volia dir : bon m'es car m'aves onrat ; m,al m'es car m'aves tengut ; bel es aiso ibid. p. 73. Raynouard, dans sa grammaire du moins, ne sait rien d'un neutre : dans bel m'es, greu m'es il ne voit pas autre chose qu'un emploi impersonnel de l'ad- jectif. Mais que dire de tôt ais quant es avinen'i Le triple genre de l'ad- jectif provençal a sans doute été reconnu pour la première fois dans la Poésie der Troubadours p. 299, car à cette époque les anciens textes grammaticaux étaient encore inédits.
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6. n se présente des cas où Tadjectif prend la place de Vad- verbe. 1) On a déjà remarqué au livre de la formation des mots (p. 427) que l'adjectif au neutre peut remplacer l'adverbe. Toutefois cette faculté n'appartient pas à tous les adjectifs; elle n'est concédée qu'à un nombre relativement peu important d'entre eux et presque uniquement à des adjectifs simples : on emploie dans les autres cas la composition avec mente. Mais ici, comme partout, la langue poétique est plus libre. Voici quelques exemples qui donneront une idée de ce procédé. It. 7nena dritto altriii Inf. 1 ; lo sol flamme g giava roggio Pg. 3 ; si alto miraron gli occhi miei P. Son. 12; corne dolce ella sospira 126; mirandol io fiso P. Cz. 24, 3. Esp. fermoso sonrri- saha PC. 881 ; duermes cierto'^ Gare. Fgl. 2; el viento que blando 'y prospero soplaba Nov. 7 ; se holgaron infinito. Prov. jatz mol o dur Jfr. 135^; tan suau non m'adormi Choix III, 98 ; vauc plus prion 104. Fr. ces fleurs sentent bon, mauvais', cette actrice chante faux\ il parle trop vite. Parmi les écrivains de la décadence Prudence emploie souvent l'adjectif pour l'adverbe, castum pour caste, severum pour severe (voy. l'index de l'éd. Cellar.). — 2) Veut-on donner comme attribut au sujet ou au régime un genre ou un mode d'ac- tivité, on change alors, comme en latin (tacita secuyn gaudet), l'adverbe en un adjectif, lequel toutefois ne peut être clairement reconnu que s'il est au féminin en a ou au pluriel, car autrement ce pourrait être aussi bien l'adjectif adverbial. Ital. la mente mia mirava fissa Par. 33; tu vedi certa Orl. 5, 54 ; pasto- relia mai sïpresta non volse piede 1, 11 ; che piû loyitana se ne vada 1, 20; ite velocil Esp. nubes que tan recias caminais GVic. 71^ ; alla va la luna SRom. 227 ; alza mas alla la rodilla Num. 4, 4; viendola andar tan ligera Nov. 1 ; hermosa y discreta respondio 4 ; port, commetteram soberbos os Gigantes o Olympo Lus. 2, 112 ; mais certas se conheçam as partes 5, 25. Les langues du nord-ouest ne paraissent pas favoriser cette expression ; cependant on dit en franc, une nouvelle venue (au lieu de nouvellement), des fleurs fraîches cueillies, v.fr. les chevaliers noviaoc venus Brut. I, 329; prov. la luna luzi clara Jfr. QQ^. Les adjectifs soLus, PRiMus, ULTiMUS prennent très-souvent aussi, comme en latin, la place des adverbes correspondants. Ital. soli tre passi credo ch'io scendesse Pg. 8 ; ella usez la prima ; uomini eletti ultimi vanno; esp. solos D. Antonio y B. Juan no quisieron ; yo d tan divina gloria la primera embestiré
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Cald. I, 83^; port, nellas sôs eœprimenta toda a sorte Lus. 3, 39. Franc, ils sont les seuls à plaindre Corn. Hor.\ le seul consulat est bon pour les Romains Corn. Cinn. ; 0 fleur que j'ay la première servie Mar. II, 317; elles entrèrent les dernières. En espagnol et en portugais junto (junctus, junctim) est employé à la fois comme adjectif et comme adverbe, par ex. esp. junto severidad con dulzura Gare. egl. 2 ; la multitud de gente y armas junta Num. 1,1; port, recebem junto e dào feridas Lus. 4, 39; 05 ventos juntos dando nella (se. vella) 6, 71.
7. Comparatif et superlatif. — La représentation romane de ces gradations a été étudiée déjà au livre de la flexion ; il reste encore, au point de vue syntactique, quelques particularités à relever. 1) Outre magis, plus, minus on peut aussi employer à cet usage melius : it. più contento e meglio sieur o Bec. 4, 1 ; meglio capace Orl. 3, 48; pr. lo miel presan el plus plasen Choix V, 12; lo mielh adreg lY, 46 ; v.fr. des 7nelz gentils Ch. d'Alexis ; les mielz vaillanz LRs. ; li miax vaillant Dolop. 241 (ce qui s'explique facilement par valoir mieux); mais en fait ce comparatif renvoie au positif ben sieur o etc. Dans Charl. v. 310 on trouve set anz e melz exactement comme le m.h.allem. siben jâr ode baz. En italien on dit aussi meglio di venti scudi. — 2) D'après la règle générale l'idée du superlatif est liée à l'article. Mais il est clair que l'article disparaît partout où un pronom précédant l'adjectif ne tolère pas l'article devant lui. On dit en français mes plus beaux jardins, mais en italien i mieipiù bei giardini etc. A rinverse l'article n'est pas tout-à-fait étranger au comparatif : il ne peut pas être supprimé lorsqu'on veut désigner l'objet comme un objet déterminé : ainsi dans la phrase provençale los fortz venson li forsor (les plus forts triomphent des forts) . Ici c'est le sens qui empêche les confusions. L'Arioste emploie très-souvent le comparatif avec l'article dans des phrases négatives, par ex. non era dopo il re di lui il più degno Orl. 5, 13, passage dans lequel le degré de comparaison est rendu clair par le di lui qui en dépend ; che la Bretagna non avea il più forte 5, 17; Annibal Caro dit io non ho mai conosciuto il più compito gen- tile uomo di questo. — 3) Si le superlatif, comme les langues en laissent généralement la liberté, est postposé à son substantif déjà précédé de l'article ou accompagné d'un possessif, il reste généralement sans article. Ital. ^ suoi compagni più noti e più sommi Dante ; neW et à sua più bella Pétr. ; tra l'altre
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gioje più cave che aveva Bocc; la donna la piû hella ch'io abhia mai veduta ; cependant on blâme dans cette langue la répétition de l'article. Esp. la desdicha mas fuerte ; port, seu filho mais velho ; a neve he o corpo o mais hranco. Prov. Votne pus grassios ; v. franc, le pris plus honneste ; m,es garnemens plus chiers. En français moderne au contraire on ne peut pas éluder l'emploi de l'article : la femme la plus vertueuse. En valaque le superlatif est accompagné de l'article cel et toujours placé après le substantif : nucul cel mai umhros, dat. nucului celui mai umbros. — Le superlatif avec l'article défini peut aussi s'unir au substantif accompagné d'un article indéfini : ital. un popolo il più incostante ; esp. un valle el mas secreto; port, huma estrella a "mais luminosa; angl. a nature the most délicate. — 4) Le superlatif organique au sens absolu n'indique qu'un degré élevé d'une qualité (duris- simo très-dur), aussi s'unit-il le plus souvent avec l'article indéfini : it. una bellissima casa, esp. un hombre doctisimo, et de même en v.fr. un grandisme nez. Toutefois l'article défini n'est pas absolument incompatible avec cette forme : des locu- tions telles que it. Vottimo parlât or e, la minima parte, Valtis- simo poeta, le virtuosissime operazioni, esp. el audacisimo cahallero BQuix. 1, c. 28, la afligidisima madré, prov. Valtis7ne tos, v.fr. H saintisme ber TCant. p. 83 ne sont pas sans exemples ^ — 5) Lorsque la comparaison porte sur deux objets seulement, le latin se sert du comparatif et non du super- latif. Les langues filles sont incapables d'observer cette règle partout où l'adjectif doit nécessairement être accompagné de l'article défini, car il en résulterait immédiatement l'expression à laquelle on donne le nom de superlatif : minor fratrum est en it. il minore de' due fratelli, fr. le plus jeune des deux frères, au contraire l'anglais dit the younger ofihe brothers. Mais si l'adjonction de l'article défini n'est pas obligatoire, l'ancien usage se maintient encore, ainsi en espagnol dans cette phrase où il s'agit de deux personnes : tû llevards la palma de mas verda- dero amigo (certioris amicipalmam reportabis) Num. 4, 1 (p. 73). — 6) Après des relatifs comme quantus, quam, ut, le latin emploie le superlatif pour marquer le plus haut degré de
1. Mussafia observe à ce propos : « La minima parte non corrisponde perfettamente a Vottimo parlatore\ questo è, como lo dicono, super- lativo assoluto (/c /rès-ôow ^«r/ewr), quello è relative» (non pas Za ^rès- petiie partie, mais la plus petite imrtie).
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la possibilité : quanta maœima poterat celeritate ; quant celerrime potuit ; ut blandissime potest ; de même en grec wç iiyj.am et en m. h. ail. s6 er schiereste mohte. Le roman emploie habituellement le comparatif qui suffit à rendre l'idée. Ital. quanto potea piû forte ne veniva Orl. 1, 15; corne meglio seppe, aussi corne il meglio seppe ; corne si puote IL meglio. Esp. plorando quanto mas se podia Bc. Mil. 770; como él pudier mejor PC. 2646. V. franc, plus tost que pot (lat. non pas celerius quam potest, mais celerrime) Gar. I, 137; cum il ains pot {le plus lot qu'il put) Rou II, 5. B.lat. quam citius poterit L. Roth. n. 280; quandocumque ego citius potuero Esp. sagr. XIX, 372 (de l'an 962). Mais il emploie le comparatif aussi après d'autres relatifs et avec difîë- rents verbes, par ex. après quando et ubi. On dit ainsi : ital. quando più dolcezza prendea (summam dulcedinem) P. Cz.\ dove noi possiamo meglio albergare (optime) Bec. 10, 9. Esp. quando (el sol) mas hermoso se muestra (pul- cherrime) Nov. 10. Pr. quant menz s'en guarda (r/iinime) Bth. 132; v.fr. là ù H esturs fust plus forz (d'après le lat. uhi fortissimum est proelium) LRs. 156. B.lat. uhicunque mis melius visum fuerit Tir. 10^ (de l'an 753); qualiter ipse melius praeviderit Lup. 530 (de l'an 774). Ensuite après le pronom relaiiiî : ital. quel piacer ch'ogni amator più hra7na Orl. 1, 51. Esp. lo que él mas deseaba\ segun que mejor entiendo Flor. I, 222 '^ ; port, a ren do mundo que eu mais araava Trov. n. 151. Prov. la re que plus volia Choix y, 74; Vom cui miels vai LR. I, 371 ; cil que genser se capdella 494 ; v.fr. le jouel qu'elle garde plus chierement TFr. 452 ; celle du monde qu'ayme mieux Ch. d'Orl. 51 ; mais fr.mod. ce que je désire le plus. B.lat. quemcunque meliorem invenerint Form. B. 31; faciat exinde quidquid melius elegerit Mab. 11, 668^ (an. 804); quale ille me- lius praeviderit Ughell. VI, col. 1283. — 7) Avec le verbe être il arrive souvent, en italien surtout, que les comparatifs organiques de l'adjectif sont échangés contre leurs adverbes correspondants, par ex. esse son meglio di te (au lieu de mi- gliori); che son peggio che porci (peggiori) Pg. 29, 115; s'altra è maggio {maggiore) Inf. 6, 48 ; lo cielo è maggio GCav. 349, et l'on trouve même un pluriel maggi\ l'arch. maggio a rarement, dans Guittone par ex., le sens adverbial qui lui revient de droit. En v. franc, aussi mielz (melius) peut être mis à la place d'un adjectif : cent cumpaignons des mielz
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et des pejitrs Roi. p. 56 ; prov. ab dels mels de la vila G A. 5272 d'après LR. IV, 182 (ab del mels d'après Fauriel). Gomp. chap. 12, § 4.
7. La gradation absolue d'une qualité est avant tout ex- primée au moyen d'adverbes. Les plus importants ont été énu- mérés au tome II, p. 441 ss. Il reste à remarquer : 1) Pour l'it. molto les dialectes du sud-ouest ont deux formes, esp. mdcho, MUY, port. MUiTO, MUi (aussi Mûi nasal); on emploie le plus volontiers la forme abrégée devant les adjectifs d'une certaine dimension {muy maramllado, aussi muy de buena gana). Multuni est déjà passablement répandu dans le latin du plus ancien moyen âge, par ex. vestimenta multum vilia, multum pretiosa Capit. Lud. pii, Georg. p. 825, déjà dans Augustin homine s multum superbi Hymn. adv. Bonat., dans Grég. de Tours multum callidus 3, 7 etc. Le fr. bien est un renfor- cement très-usité : bien bon, bien mal, bien malade ; les autres langues, qui possèdent déjà multum^ en font un usage plus modéré : ben chiaro,bien malo, bem cheio, lat. bene multi, b.lat. filiam bene idoneam Gr. Tur. 5, 33, homines bene francos Form. M. App. n. 5, de bene liber is hominibus 12, bene ingenuus 13. L'ital. assai exprime un degré un peu plus élevé que le fr. assez et le port, assaz ; l'esp. asaz est vieilli. L'ital. TRA, qui est littéralement le fr. très, n'est employé que devant certains adjectifs qu'indiquent les lexiques ; il en dit plus que le mot français : tradolce signifie extrêmement doux ; il en est de même de stra dans stragrande. Le v.fr. par, qui sert à renforcer d'autres adverbes d'intensité, est d'ordinaire attiré par le verbe, comme dans mut par fu liez MFr. I, 364; mut par esteit bons chevaliers I, 328 ; Veve par estoit moult parfonde voy. Roq. II, 203^; mult par esteit tenu Rou I, p. 195 ; moult par ingaus C. Poit. p. 51 ; trop par li estes dure MFr. I, 538 ; tant par est sages 424. Un exemple provençal est : 7nolt per foren de bon e de sobtil Bth. 187. On trouve en v. port, ma/ vos per esta; ben mi o per de- vedes a créer. Le lat. per aussi se sépare çà et là de son adjectif: per 'tnihi mirum visum est', per pol quam paucos. Un mot qui exprime un sentiment vif est l'adverbe de compa- raison tam (en roman aussi sic), lorsque la comparaison n'est pas consommée : « le jour est si beau » ; ital. era una si bella fanciulla ; esp. los cantos eran tan consolables, franc, il se porte si bien ; déjà en latin Hannihal opinionem de se auœit conatu tam audaci trajiciendarum Alpium. — 2) On
42 PROPOSITION SIMPLE.
renforce le sens du comparatif soit avec ces mots, soit avec d'autres : on dit ital. molto più hello ; assai piû ricco ; vie piû grande ; di gran lunga più dotto ; esp. mucho mas hello ; muy mejor ; port, muito ynais alto ; mui mais péné- trante ; hem mais ; prov. raolt plus tost Choix III, 39 ; trop miels ibid. ^\ pro mais Y, 34; fr. beaucoup plus avant; bien moins ; val. eu mult mai inalt. Il faut remarquer qu'en espa- gnol devant mas les adverbes mucho et poco peuvent être remplacés par les adjectifs correspondants : muchs. bella estoria Alx. 943; muchB. mas distancia Cald. ; de pocsi mas edad Nov. 9 ; et cette expression est encore correcte dans la langue moderne : mucha mayor agudeza Flor. éd. Wolf. II, 462^. Ex. v.ital. gemma molta cara Din. Comp.; in poca d'otta ibid.; moltdi fora spietata donna PPS. I, 206; per la molta novissima cosa CN. 21 ; di troppapiù gente Malesp. c. 45*. Nous observerons plus bas en parlant du génitif (§ 3) un phéno- mène tout semblable. Le superlatif organique aussi se laisse précéder d'adverbes d'intensité, comme ital. molto hellissir/io = lat. multo pulcherrimus , si scarsissimo , piû sommo, più pessimo ; esp. la muy finisima esmeralda, la mas mi- nima ohra. En effet on admet facilement pour traduire l'inten- sité d'une impression une nouvelle gradation de l'adjectif déjà gradué. Le grec [ji-aXXov cXêiwxspoç trouve un écho non-seulement dans le latin magis major Plaut. Men. proL, mais aussi dans l'espagnol mas mejor Rz. 285, dans le provençal pus melhor Choix,lY, 79, dans le v.fr. plus hauçor Aleœ. p. 64 ou dans le franc, populaire plus meilleur, que Henri Etienne compare à ^éXTtov jj.aXAov. Yoy. t. II p. 61 note, où nous avons relevé plusieurs superlatifs redoublés. On connaît le lat. proximus, proximior et l'allem. erster, ersterer. Même des adjectifs dont le sens n'admet pas de gradation peuvent en subir une : au latin magis unicus Plante Capt. 1, 2, 47 répond le français mon plus unique bien Corn. Hor. 1,3.
8. Les substantifs ne sont pas proprement capables de gradation. Il faut néanmoins observer les faits suivants : 1) Lorsque deux substantifs ayant la valeur d'attributs sont rapportés à un seul et même sujet, on peut partout désigner la
1. En allemand aussi on entend dire quelquefois eine rechte scJiœne Geschichte, ein redites liebes Kind, ein ganzer guter Mann, ein ganzes leeres Glas pour recht, ganz. Les langues se rencontrent souvent dans leurs procédés ; en v.franç. de même l'adverbe tout est échangé contre l'ad- jectif tout : on dit tous petis pour tout petits.
SUBSTANTIF ET ADJECTIF. NOMS DE NOMBRE. 43
prééminence de l'un sur l'autre au moyen de la particule compa- rative : ainsi it. egli è piu pitlore che scultore ; fr. il est plus poète que philosophe ; ail. er ist mehr Herr als Diener. Le même procédé est généralement permis aussi lorsque deux sujets sont comparés entre eux, surtout en espagnol : aquel es mas ladron que Caco\ port. Pedro es mais homem que Joâo\ franc, celui-ci est plus homme que son frère ; dans Malherbe je suis plus rocher que vous n'estes ; fut moins Hercule que toy. L'espagnol et le portugais appliquent volontiers au substantif encore d'autres particules intensives : esp. so?nos tan cab aller os como vos ; aquel es tan senor de mi vida que etc.; tan hijo fui de desdichas Cald. I, 265^ {tam ego homo sum quam tu Plante Asin. 2, 4, 83); de même niuy fijos d'algo, muy cazador, muy amigos, muy dama ; port, tanto senhora soya ser CGer. II, 14 ; era ja muito noite (au lieu de alla noite); he muito verdade ; é mui trobador Trov. Vat. p. 97; it. se voi foste cosî uomo como voi sete femmina CN. 156 ; v.fr. mult ies ber Bol. p. 119 ; 7nolt petis e molt enfes G. d'Angl. p. 123 ; en français moderne ce serait mal parler que de dire il est aussi poète que Virgile, il est beau- coup chevalier. Ex. b.lat. pro me nimium peccatori HL. II, 65 (an. 931), et m. h. ail. ir sît gar ze kint Ulr. von Licht. 41, 25. — 2) Plante a dit oculissime homo! o patrue mi patruissume ! des comiques grecs AavawTaxoç ; l'italien trans- porte de même dans le discours passionné la forme du superlatif issimo à des substantifs qui désignent soit des personnes, soit des objets, et dit fratellissimo (frère par dessus tous les frères), padronissimOy virginissima, Ricciardissimo, asinissimo, casissimo (le grand cas). L'espagnol dit duenisima, et on trouve dans le style de chancellerie du latin du moyen âge dominis- simus ; le terme opposé servissima omnium ancillarum se lit dans les Form. B. 8. A cet issimus le provençal oppose sa forme périphrastique, par ex. lo plus vassals GRoss. 2067; lo pus laire Choix IV, 421 ; v.fr. li plus sire FC. I, 410 ; le plus prodome Og. I, p. 28; li plus maistre Roi. p. 56; le plus trait our HCap. 190; le plus roy (PaaiXEUTaxoç) qui fut onc couronné Mar.; le plus âne La Font. fabl. 3, 1.
9. Noms de nombre. — 1) Dans la chronologie on se sert généralement des nombres cardinaux, seul le premier jour du mois est exprimé par primus. Exemples pour désigner a) des années: ii2\. Vanno mille settecento; esp. elano (de) mil y ochocientos ; port, o anno {de) mil oitocentos e doze ; fr. en
Vi PROPOSITION SIMPLE.
mil (au lieu de mille, dans la chronologie) sept cent quatre- vingt ; val. in anul o mie opt sute (en l'an 1800); h) les jours du mois, en général avec le mot die s sous-entendu : ital. il di primo d'Aprile ; ai due di Marzo ; a' dieci di Luglio ; esp. el prim,ero de Enero ; el primer Octubre ; d dos de Enero ; el decimo septimo de Junio ; port, aos quatro de Julho ; em vinte e oito de Decembro ; franc, le premier Janvier ; le six {de) Janvier ; le vingt Mars ; val. in opt Maiu. c) Les heures : ital. è un' ora ; sono le due\ a quattro ore, aile quattro\ esp. es la una\ son las dos; fr. il est une heure ; il est deux heures (et non pas sont, comme en ital. et en esp.); à trois heures; vak sijmt opt\ la doae cidsuri (vers deux heures, plur. du slave cias). — 2) Pour distinguer des personnages du même nom on emploie les nombres ordinaux qu'on place après le substantif sans article, comme it. Carlo quinto, esp. Felipe secundo, val. Francise inteiul, Carol al cincilea. Le franc, aussi dit Charles premier, Henri second^, mais aussi deux et à partir de trois il ne compte plus qu'avec des nombres cardinaux, sauf pour Charles Quint, Sixte Quint dont la forme a été calquée sur celle des langues du sud. En v. franc, la numération ordinale était égale- ment usitée, et Marot encore dit Loys douziesme, Montaigne Conrad troisiesme, Charles cinquiesme, jamais Charles Quint. Pour les citations ce sont en général aussi les nombres cardinaux qu'on emploie : it. libro tre, fr. chapitre vingt, val. in a treia carte (au livre trois). — 3) La perte des distributifs a rendu nécessaire la périphrase avec quisque : ainsi ital. le dita dell' uomo hanno ciascuno tre articoli (hominis digiti articulos habent ternos); esp. mozos de diez y seis anos cada uno (pueri senum denum annorum); val. avec cîd (quot) : tôt insul are cute doae certzi (quivis habet binos libros). Seul le distributif de Tunité, singuli, se retrouve dans l'esp. sendos, port, senhos, par ex. doce pueblos de sendos regiones (duodeni populi ex singulis regionibus) Alx. 807; dos ladrones de senas partes PC. 350 ; todos dem senhos soldos^. — 4) A la formule allemande selbdritt, gr. xpixoç auioç
1. La différence entre second et deuxième consiste en ce que ce dernier n'est pas employé pour clore une série : Machahèes, livre second (et non deuxième) y mais livre second ou deuxième des Rois.
2. Une forme provençale pour les multiplicatifs est per un dos (deux fois), per un très (trois fois), voy. LR. s. v. cen; comp. ital. per un cento PPS. 1, 193.
ARTICLE. 15
répond le franc, lui troisièyne, par ex. il échappa à peine lui troisième (lui et deux autres). Pour lui Tancienne langue employait soi : mes pères est soi cinqantisme Brut. I, p. 91; li rois soi qart s'en vint NFC. II, 343; aussi prov. Galvan era si tertz Jfr. 51^ ; b.lat. sihi seœtus Child. capit. Pertz
IV, p. 7 ; sihi duodecimus juret L. Fris, voy. DG. v. sibi ; dans une charte longobarde sihi septimus cum seœ preshi- teris Brun. 447 (an. 715). Cette expression sihi tertius etc. doit signifier «pour sa personne le troisième». Mais l'ablatif absolu n'est pas non plus sans exemple, ainsi dans un forai portugais juret se quinto SRos. I, 464^, et c'est de là que semble procéder la formule tout entière. — 5) Un nombre élevé indéterminé est rendu souvent, de même qu'en latin et dans d'autres langues, par centum ou i/nille, ce dont il est inutile de donner des exemples. Dans l'ancien roman on avait aussi quin- gentiy par ex. pr. cinc cent merce vos ren Jfr. 115'', comp. Choix III, 174, IV, 395; v.fr. cin cenz merciz de deu Charl.
V. 159, cinq cens M. diahle PDuch. 60 ; en cinq cent lius SSag. p. 70. L'expression latine traditionnelle était sexcenti, mais dans Plante quingenti non plus n'est pas rare : quingentos cocos Aul. 3, 6, 17, quingentos curculiones Cure. 4, 4, 31 ^
CHAPITRE DEUXIEME.
Article.
Nous passons maintenant à l'examen d'un élément du discours encore inconnu au latin ; il n'a pas l'air d'accompagner le nom et cependant il lui est parfois si indispensable qu'il en devient presque une partie complémentaire. Ce mot atone, qui ne dit rien par lui-même, l'article, a pour mission de mettre en relief un objet comme individu, soit qu'il s'agisse d'un individu déterminé ou d'un individu indéterminé. Dans le premier cas on se sert du démonstratif ILLE, dans le second du nom de nombre unus. Si l'idée doit rester générale on n'ajoute aucun article. L'intro- duction de l'article, surtout de l'article défini, a été un avantage pour les jeunes langues. Grâce à ce procédé facile l'objet se
1. Pour un nombre indéterminé plus petit l'italien, ainsi que l'observe Mussafia, se sert de quattro : venite a far quattro passi; ho da dirvi quattro parole; con quattro lagrimette lo sedussn.
^6 PROPOSITION SIMPLE.
présente à l'esprit avec plus de précision et de vivacité, l'expres- sion gagne en chaleur et en réalité ; dans l'ancienne langue ces nuances ne se reconnaissent que par le contexte. D'autre part on ne doit pas se dissimuler que la méthode des langues modernes porte beaucoup de préjudice à la simphcité de l'expression et que certaines élégances de style qu'on peut obtenir par un emploi plus libre ou par la suppression de l'article ne sont pas une compensation suffisante.
En ce qui concerne l'histoire de \ article défini ce qu'on peut dire c'est qu'il a dû se former de bonne heure : à partir du Yt siècle les chartes présentent des exemples suffisamment nombreux de ille employé avec cette valeur. Il serait superflu de réunir une nouvelle collection de ces exemples, car celles qui ont été composées par d'autres savants, surtout par Raynouard {Choix I, 39. 47-49) suffisent parfaitement à établir le fait en question. Aussi dès les plus anciens textes romans voyons-nous l'article en pleine application. Il est vrai qu'on ne le trouve pas dans les Serments, bien qu'il eût pu s'y présenter en deux passages : pro Christian pohlo et si Lodhuvigs sacrament, où l'offre la version allemande {thés folches, then eid). Mais d'une part le style de ce petit texte trahit l'intention de se rap- procher des formes latines, et d'autre part l'article n'avait peut- être pas encore acquis à cette époque toutes ses prérogatives. Dans le texte le plus rapproché en date on ne peut être surpris de l'absence de l'article tout au plus qu'en deux passages, bel auret corps et sovre pagiens, il est fréquent dans le reste du texte. Il se présente aussi dans le Boèce provençal et dans les textes français qui suivent immédiatement ^
L'histoire de V article indéfini n'est pas aussi claire. Des auteurs latins, surtout de l'époque ancienne, employaient le numéral unus avec une valeur plus ou moins pléonastique comme pronom indéfini dans les cas où le roman ou l'allemand appliquerait sans contredit l'article indéfini ; mais il ne faut peut-être voir là qu'une conception personnelle et non une intention de se con- former à un précepte grammatical obligatoire. Néanmoins c'est dans celte signification afiaiblie de unus que réside le germe de l'article indéfini. Mais ce n'est qu'à une époque tardive et peu
1. Si l'on compare au point de vue de la statistique de l'article l'évan- gile de saint Marc, ch. 1, v. 1-9, voici le résultat auquel on arrive : tandis qu'en grec il y a 22 exemples, le gothique n'en offre aucun ; le v.h. allemand et le français ont le même chiflpre de 19.
ARTICLE. il
à peu que les nouvelles langues ont dû en sentir la nécessité : à l'origine Fidée dans sa généralité a dû se montrer encore apte à embrasser la notion voisine d'individualité indéterminée, jus- qu'à ce qu'enfin la langue sur ce point aussi ait exigé plus de pré- cision. Du moins l'article indéfini est-il rare dans les chartes du moyen âge à côté du défini très-répandu ille ; il faut de la peine pour l'y découvrir, et en général unus peut y être considéré comme un nom de nombre ou un pronom indéfini ; cependant l'usage qui en est fait est déjà bien plus étendu qu'en latin. C'est lorsqu'il suit son substantif que ce petit mot s'éloigne le plus du sens de l'article, comme dans le passage calice^n argentewn, capsulam unam communem de serico Bréq. 20 (an. 475) et dans beaucoup d'autres. Il a plus du caractère de l'article lorsqu'il précède le substantif, comme dans ces passages : cum ad eum unus cuneus hostium adventaret Greg. Tur. 4, 49 ; hàbet ibi ecclesiam majorem et unam capellam Mab. I, 629 (vf siècle); infra ipsa terrula est uno pero, ce qui est tout-à-fait italien, Brun. 479 (an. 730); dédit nohis unam villam Esp. sagr. XL, 354 (an. 745); non convenit uno episcopo dicere etc. Hincm. 0pp. II, 605 (Ampère); se adu- narunt ad unum consilium Mur. III, 711 (ix® siècle); collecti in uno concilio Mab. III, 615 (an. 859); cf. DC. s. v. unus. Le sens décidément étranger à toute notion pronominale, comme dans la phrase homo est unum anhnal^ où unum n'a qu'une valeur pléonastique, ne se trouverait guère représenté dans les anciens diplômes. Si l'on considère les plus anciens textes de la langue vulgaire, on trouvera qu'il n'y avait pas place pour cet article dans les Serments ; Eulalie n'en ofire qu'un seul exemple {ad une spede). Parmi les langues romanes actuelles, le valaque est celle qui en restreint le plus l'emploi. Dans les domaines grec et allemand l'article indéfini n'a été introduit de même qu'après le défini. Il se risque déjà dans le Nouveau Testament (Winer, Gramm. % 17, 4), passe de là dans la Yulgate et dans la traduction d'Ulfilas, par ex. xpoasXOwv eTç -^pajApLaTsuç, accessit unus scriha, duatgaggands ains hokareis Matth. 8, 19. Le grec moderne evaç se comporte à peu près comme le roman unuSy mais la poésie, même lorsqu'il est pris dans le sens de tiç, s'en passe beaucoup plus aisément (y.6pY5 ^avOt] lyoùïcn^e.^ « une jeune fille blonde regardait au dehors », voy. Millier Neugriech. Volkslieder I, 4). Le v.h. allemand aussi emploie encore avec réserve l'article indéfini, à peu près comme la romana rustica, autant du moins qu'il nous est possible de nous en rendre compte.
DIEZ tll 2
48 PROPOSITION SIMPLE.
Voici encore quelques points à relever à propos des deux
articles. 1) Si l'article défini au génitif ou au datif est placé
devant un attribut, l'idée principale précédant, la désignation
casuelle n'est pas répétée : on dit ainsi di Roma la bella (et
non délia hella), à Frédéric le grand (et non au grand). —
2) L'article indéfini, conformément à l'idée qu'il représente, n'a
pas de pluriel. Cependant comme unus en qualité de pronom
peut passer à ce nombre, l'espagnol et le portugais ont pris
l'habitude de lui accorder comme article la même faculté : leo
unos libros {îr.je lis des livres); ha humas pessoas (il y a
des personne s)\ déjà dans le PCid : unos preciosos escanos
V. 1770; toutefois il peut aussi être supprimé. Mais il est surtout
attiré par des mots qui ne sont usités qu'au pluriel, ou qui à ce
nombre désignent un couple d'objets de même nature, comme
unas bodaSy unas letras Alœ. 735, unos zapatos PC. 3097,
unas manos ; v.port. humas esporas, hums zapatos SRos.
II, 269. En vieux français on trouve aussi unes armes, unes
chausses, uns espérons, unes hueses, unes joes (Orelli
p. 41), unes lettres TCant. p. 74, de même prov. unas novas
(une nouvelle) Choix III, 398, unas toalhas Leys II, 92,
unas forças (un gibet) G Ross. Le pluriel latin dans unae
nuptiae, unae litterae ne donne qu'un sens numéral, le m. h.
allemand dans einen zîten, zeinen pfingesten a plutôt une
signification pronominale. — 3) Pour le valaque il faut encore
observer : a) Tandis que toutes les langues sœurs préposent
immédiatement l'article au nom lorsqu'aucun attribut ne vient
s'intercaler, le valaque unit l'article déterminé au nom comme
un suffixe, ce qui donne sans contredit à l'expression une plus
grande brièveté : dinantea usiei casei unui gredinariu =
ital. dinanzi alla "porta délia casa d'un giardiniere. Il n'est
préposé qu'à des noms de personnes masculins, qui d'ailleurs au
nominatif ne sont pas accompagnés de l'article, par ex. nom.
Mihail, dat. lui Mihail, gén. a lui Mihail. Sur l'article cel
voy. plus bas § 18 ; — h) Au lieu du fém. una c'est une forme
plus brève o qui est entrée dans l'usage pour le nominatif et
l'accusatif, de sorte que una est restreint au sens numéral et
pronominal, par ex. ai tu o peane eu tine? Am una (As-tu
une plume avec toi? J'en ai une).
Après ces observations préliminaires nous passons aux détails. La règle simple n'est pas appliquée de la façon la plus rigoureuse. Certaines idées auxquelles l'article ne semble pas convenir le prennent néanmoins; des formules ou des locutions d'origine
ARTICLE. ' -19
ancienne le rejettent. Dans l'ensemble les langues concordent, mais elles se séparent souvent assez nettement dans les détails. La matière dans toute son étendue est difficile à épuiser ; nous ne pouvons accorder ici une place qu'aux principes les plus importants.
1 . L'article n'est dû en réalité qu'à la troisième personne ; la première et la deuxième, la personne de celui qui parle et de celui à qui l'on parle, sont suffisamment désignées par leur énonciation même. Les pronoms ego et tu sont en conséquence immédiate- ment préposés au substantif et jouent en quelque sorte eux- mêmes le rôle de l'article : on dit ainsi it. io infelice, tu anima bella, noi cittadini, voi pastori etc. Mais si le pronom contient l'idée principale et si le nom suivant ne fait que compléter l'idée, on ne peut rien objecter contre l'emploi de l'article : ital. io il signore iddio tuo, esp. yo el rey, fr. moi le seigneur, grec è^w 6 tXy]|jlwv, ail. ich der Heiland. — Les points suivants deman- dent à être examinés de plus près : 1) En espagnol l'article ou le démonstratif correspondant prend la place du pronojn de la première ou de la deuxième personne sous -entendu par Tesprit, sans que pour cela le verbe passe à la troisième per- sonne. Voici des exemples de cette tournure : como los rey es hahemos de guardar la fe (se. nosotros) SPart. I, p. 74; las très rompamos candados (se. nosotras) ; los que el debdo avedes (vosotros) PC. 716; ea caballeros los que seguisi DQuiœ. I, ch. 18. Si le nom accompagné de l'article est au cas oblique, la personne ne peut être déterminée que par le contexte : un agravio entre los dos disculpa tiene (entre nosotros) Cald. I, 263^ ; quedô de acuerdo entre los dos {nosotros). La même ellipse du pronom personnel se présente pour amho qui cependant exclut l'article : importa mucho à la salud de entrambos (se. nosotros) DQuiœ. 1, c. 15; de même ital. un sol voler è d'ainendue (se. di noi) Inf, 2, 139 ; acceso di furor contr' ambidue (noi) Ger. 4, 56 ; fr. je sais ce quil faut à tous deux (se. à vous) Mol. l'Avare 1, 5; et en lat. ut pro utroque (nostrum) respondeam Cic. Leg. 1, 11 ; ut jam cum utroque (vestrum) loquar Lael. § 10. On ne dirait pas en allemand : um mit heiden (au lieu de euch beiden) zu reden. Il va de soi qu'on peut aussi ajouter le pronom. — 2) Une liberté plus grande consiste à munir de l'article le vocatif, c'est-à-dire la deuxième personne. Gela a lieu surtout : a) Lorsque le vocatif est accompagné du possessif. Ital. caro il mio amico ! caro il mio amatissimo
/
20 PROPOSITION SIMPLE.
signor Florindo! En v.esp. partout : la mi mugier tan complida ! PC. 278 ; las mis primas ! 2790 ; la mi aima! Bc. Duel 8 ; ay ojos, los mis ojos ! Rz. 762; madré, la mi madré! Nov. 7. Prov. lo mieus belhs amicœ! Choix III, 23; vos Ihi meu amie! G Ross. 7218; los mieus amans! Choix TV, 136; v.fr. la moie gent ! Roi. p. 100; H nostre deu! 595; la moie ame! FC. II, 181. b) Sans l'adjonction du possessif, surtout dans la poésie populaire. Ital. vaghe le montanine pastorelle, donde venite si leggiadre e belle? Esp. los romeros bien vengays ! SRom. p. 8 ; que hazeys, la blanca nina? ibid. 242; dios te bendiga, la muchacha! Nov. 1 ; rey, el mejor de toda Espana! PC. 3283 ; amad la justicia todos los que juzgais la tierra S. Prov. 127. Prov. ai belh cors, la genser quel mo?i remanh! Choix III, 9; venetz manjar, lipro home del mon! IV, 349 ; v.franç. Iode, la meie aneme, nostre segnor Lib. psalm. 145, 1 ; dans une chanson populaire : bonjour, la belle Claire ! passez votre chemin, la fille! La Font, (formule assez usitée). L'article semble avoir pour mission d'ajouter à l'exclamation ou à l'inter- pellation de la vivacité et de l'énergie. Ainsi grec r^ r.Tiq h(dç>yj ! (goth. seulement ma^?z urreis !) Luc 8, 54; v.h.all. druhtîn mîn ther guato! Otfr. 3, 7, 1 ; m. h. ail. herre got der guote! gotder riche! sun der mine! On peut de la même manière employer le pronom démonstratif : it. di grazia, quel signor e, da che parte si va'\ (Blanc 288)^ — 3) Lorsqu'on français l'article se trouve placé entre deux titres, comme dans Mon- sieur le comte, on a là une espèce de composé et l'article ne disparaît pas au vocatif. — Nous savons déjà par le tableau présenté au tome II, p. 49 que le daco-roman unit l'article au vocatif (sur les rapports de l'article avec le possessif, voj. p. 103).
2. n était d'usage en grec de préposer l'article aux noms de personnes, en roman et en allemand l'article n'est pas usité dans cette circonstance. L'italien seul l'emploie devant les nom.s de famille ou de lieu d'origine d'hommes célèbres ou connus (ceux de l'antiquité exceptés), comme aussi souvent devant les prénoms de femmes connues, et dans ce cas il possède encore presque sa valeur démonstrative. On dit l'Allighieri, il Boccaccio, il
1. Bel aussi est en quelque sorte destiné à annoncer par lui-même le vocatif, auquel cas il signifie proprement «cher» ou répond au possessif latin : bel fiz = fili mi LRois 190; bels sires = mi domine 193 ; prov. bel companho Choix III, 313.
iRTICLE. 2\
TassOy il Buonarrotti, il Correggio, VAretino, il Winkel- mann, mais non pas il Dante, il Torquato Tasso (car Dante et Torquato sont des noms de baptême), de même la Fiametta, la Griselda; con Giovanni la Cornelia degli Alessandri congiunse Mach.^ Cet usage est suivi par l'espagnol et le français dans les noms italiens quand ils disent el Dante y el Tasso, le Tasse, le Titien. D'anciens auteurs espagnols mettent aussi Farticle devant d'autres noms illustres : el Cambises, el César, el Bruto, la Pantasilea et les écrivains modernes l'emploient surtout devant les noms de femmes d'une classe infé- rieure : la Montiela, la Camacha, la Canizares ; il a souvent une valeur démonstrative : el Fahio, el D. Juan, port, o Lou- renço de Sousa (c.-à-d. le Fabio dont il a été question, le D. Juan bien connu), o Gama, pr. de même lo Lazer Choix IV, 425, la Biatritz d'Est M. 83. A cela répond l'emploi de l'article en gothique pour donner une certaine énergie à l'ex- pression, comme dans sa Baraba, thamma Johannê, sô Mag^ dalênê.
3. Les noms communs qui ne s'appliquent qu'à un seul être acquièrent la valeur de noms propres et rejettent l'article. On a en premier lieu le nom Dieu qui, pris dans le sens de l'être suprême, n'est jamais accompagné de l'article. S'il est vrai, comme l'admet Fernow (SprachL § 356), que la forme secon- daire italienne iddio soit une réduction de il dio, et que la présence de l'article soit devenue dans cette expression si insen- sible qu'il ait pu se maintenir au plur. gli iddii ou au fém. la iddia, nous aurions là une exception curieuse à laquelle ne pourrait pas être comparé le grec mod. h 6£cç, formule dont l'origine remonte à une époque antérieure au christianisme. Mais il y a lieu de supposer ici une abréviation de la locution très- usitée domeneddio, produite par la chute de domen et le chan- gement de eddio en iddio (comp. iguale de eguale), ou bien, comme l'explique Blanc, on a compris la locution mercè di dio comme si c'était m.ercè d' iddio ^. L'article lui préposé en valaque au mot dumnezeu au datif n'a rien d'étonnant, puisque les noms propres eux-mêmes ne peuvent s'en passer. Le respect
1. Sur la raison qui a fait appliquer l'article aux noms de femmes, voy. Galvani dans VArch. sior. ital. XIV, 359.
2. Emmanuel Bekker a montré dans les dernières pages qu'il ait con- sacrées à des questions romanes que 17 dans dameldiex ne doit pas être regardé comme un article, mais bien comme une lettre dérivée de n (Monatsberichte der berl Ahad. 1866, p. 331).
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commandait de ne pas individualiser au moyen de Tarticle l'être dont on n'avait pas une notion précise; au contraire l'article accompagne partout la conception opposée le diable (5 ^taêoXoç, plus rarement §ia6oXoç dans le Nouv. Test.), bien que l'usage ancien soit encore hésitant : diaule servir dans Eulalie ; ne deàbles nen ont sur deu poested LRs. 111 ; enduremenz de diaule SB.; quide que ço deable seit Trist. II, p. 30; on diables renha LR. I, 448 ; aussi anemis (l'ennemi) sans article NFC. II, 40, au contraire lo diables Boèce 139, li diable LJ, (souvent) . Des individus de nature neutre comme le soleil, la lune, le ciel, la terre, ces dieux de l'ancienne mytho- logie, ne sont plus susceptibles d'être personnifiés par la sup- pression de l'article, il en est de même en grec pour -îjA'.oç, aeXYjvr^ oùpavcç, x4 qui dans la langue moderne sont ordinairement accom- pagnés de l'article, et en gothique pour les mots sunno, mena, himins, airtha, auxquels l'article est toujours appliqué en alle- mand moderne. Il semble qu'on trouve encore dans l'ancienne poésie romane un reste de sentiment pour une conception per- sonnelle du soleil, surtout quand on se le représente comme agis- sant. Prov. aranovei luzir soleill GProvr, on soleill lutz P. d'Auv. Ms.', soleilh vai colgar GRoss. 2223; que anc sollels no ipoc intrarJfr. 168^; quan fo soleils levatz GRoss. 4576; sols fo levatz 1313; v.fr. quant soleil esclarist Charl. V. 383. 443 ; solels est resconsés Gar. I, 20 ; kant solaus iert leveiz G Vian. 1272 ; solaus leva Ccy. 1523 ; même dans la langue des chartes si solels del mon era cubertz Coutum. d'Alais 1, 31 ; on trouve aussi, il est vrai, li soleilz, qui est la forme constante du Liv. d. rois. Pour la lune, en dehors des poètes pénétrés de la littérature classique, l'absence de l'article se remarque moins souvent : luna lutz se trouve par ex. dans GRoss. V. 1040. Le jour aussi, en tant que phénomène naturel, s'emploie souvent sans article : canjorn près a esclarsir Jfr, 68^ ; quand jors iert esclaris GVian. 14 ; la nuit aussi sans doute, ainsi même dans Pétrarque : notte 7 carro stellato in giro mena Son. 131 ; v.fr. nuiz est venue SSag. p. 38. Les noms des trois royaumes éternels. Yen fer, le purgatoire et le paradis n'ont pas non plus besoin d'article dans la nouvelle langue ; Dante le leur attribue volontiers. De plus quelques abs- traits employés avec un léger sous-entendu de personnalité allé- gorique se passent généralement de l'article. Pour amor il est inutile de citer des exemples. Natura évite l'article déjà dans les auteurs les plus anciens, comme çuatç dans Anacréon. Pr. cum
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la saup formar natura Choix III, 81 ; aissi parti natura IV, 416; natura-s meravelha 466; v. franc, sis oust nature furmez LRs. 246; nature le forma Brut. II, p. 65; et ce procédé est appliqué partout encore au xvi® siècle. V.ital. in oui natura mise tutta misura PPS. I, 49. Y.esp. aquellos que natura fizo parientes FJ. 68^; port, alli cosas natura quiz esynaltar R. Egl. 5 ; nas feras cuja mente natura fez cruel Lus. 3, 126, mais aussi aquelles que criou A natura sem lei 1, 53. Aussi le mot natura se présente-t-il sans être précédé de l'article à côté d'idées analogues qui en sont munies, comme en ital. quantunque puô natura e' l ciel P. Son. 210; esp. con natura y la virtud Flor. éd. Wolf II, 97. Seule la langue française ne renonce pas à l'article. Un autre mot de cette espèce est fortuna. Ital. veggio fortuna in porto P. Son. 231 ; toile ogni altro hen fortuna Orl. 3, 37. Esp. quando d fortuna place S. Prov. 116; los casos de fortuna Gare. eleg. 1. V. franc, ce jor les mena bien fortune Ruteb. I, 317 ; dans Montaigne avec et sans article. Ces deux mots se présentent-ils dans le sens d'êtres mythologiques l'article leur est de nouveau appliqué : it. io lono la Natura RLat. 25 ; de' hen che son commessi alla Fortuna Inf. 7, 62 ; esp. una ohra quiso la Natura hacer Gare. egl. 2 (p. 53); madré la Fortuna Flor. 255^ ; port, deus ou a Fortuna GVic. III, 382. — Enfin il est d'usage d'employer sans article les noms des jours de la semaine et des mois : ital. il fine di Gennajo ; io verra domenica ; de même en esp., en port, et en français. En valaque duminece signifie « tel dimanche » , duynineca « le dimanche en général ».
4. Les noms géographiques sont soumis à des règles spé- ciales. 1) En ce qui concerne les noms de pays la règle n'est stricte qu'en français : ces noms reçoivent l'article, à moins qu'ils ne soient originairement noms de villes, ainsi l'Europe^ la France, le Portugal, le Canada, mais Naples, Valence, Venise. S'ils se trouvent dans le rapport du génitif, la règle subit des restrictions. L'article disparaît lorsque le nom de pays est uni au sujet comme marque de distinction, surtout de provenance, comme dans les locutions les laines d'Espagne, le fer de Suède, les vins de France, la noblesse de Hongrie, même Vhistoire de France et dans les titres le roi de Saxe, l'em- pereur d' Autriche. Au contraire l'article reste quand l'idée principale exprime quelque chose qui tient au pays tout entier, une possession totale du pays : ici le nom de pays est plus indé-
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pendant de Tidée principale : les richesses de la Hollande, la fertilité de la Pologne, la liberté de la Suisse, la marine de r Angleterre. Au premier cas répond d'ordinaire en latin un adjectif, au second un substantif : aurum Hispanum signifie rigoureusement de l'or d'Espagne, mais aurum Hispaniae, l'or de l'Espagne, Il est vrai que Técrivain a le droit de choisir entre les deux modes ; comparez les titres d'ouvrages connus : histoire littéraire de la France et histoire littéraire d'Italie. L'article disparaît aussi dans une proposition générale après des prépositions : il est en France ; il vient d'Espagne. — En italien, en espagnol et en portugais la règle est moins précise. La plupart des noms de pays peuvent être employés avec ou sans article, cependant il est devenu indispensable à quelques-uns d'entre eux, d'autres s'en passent absolument. En italien on dit par ex. Vltalia et Italia, mais la Sarde gna, la Sicilia, la Cor- sica, la Cina, ilMessico, et simplement Cipro, Corfù, Malta, Majorica, Minorica. Esp. la Espana et Espana, mais la Mancha, el Elha, el Chile, la China, el Perû ; en portugais Portugal et Castella entre autres ne se font pas accompagner de l'article. Pour le rapport du génitif on applique à peu près la règle du français et l'on dit ainsi : it. il parlamento d'Inghil- terra, V imper at or e d'Austria, i principi délia Germania, le città delV Italia', esp. la sdhana de Holanda, el rey de Prusia, la riqueza de la Inglaterra, et après des prépo- sitions : it. egli mori in Ispagna ; esp. yo vuelvo a Francia. Le daco-roman emploie l'article : nom. Persia, dât. Persiei. — 2) Les noms de villes, à part quelques exceptions peu nom- breuses, comme ital. la Mirandola, il Cairo, esp. la Coruna, la Bahana, fr. le Havre, la Rochelle, la Haye, ne prennent pas d'article. Yal. avec article Roma, Londonul. — 3) Les noms de montagnes prennent toujours l'article en italien, excepté chez les poètes : l'Apennino, il Vesuvio, l'Etna ; les noms moitié mythiques Ida, Os sa, Pelione le rejettent, Olimpo, Parnaso pris dans le sens de noms communs se l'ad- joignent. Il est usité aussi en espagnol : el Caucaso, el Etna, el Lihano, el Olimpo, el Yesubio. Le français l'exige : F Etna, le Vésuve, le Mont-Cenis. L'article accompagne aussi les noms de lacs, de mers et de rivières ; cette règle n'est pas observée partout avec la même rigueur et moins encore dans le style élevé.
5. Dans les cas suivants les noms propres ne peuvent pas se passer de l'article : 1) Quand ils sont au pluriel : ital. gli
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Scipioni, ambo gli Enrichi, esp. los Mendozas, franc, les Corneilles, val. Ciceronii. — 2) Quand ils sont employés avec le sens de noms communs : it. l'Omero di Portogallo, l'Atene d'Italia, esp. la Venus de Medicis, la Galatea de Cervantes^ franc, le Bémosthène du siècle, le Jupiter de Phidias. — 3) Quand un adjectif qualificatif les précède : ital. il divino RaffaelCy ilverodio, l'inclita Borna, esp. el grande Ale- xandro, la casta Lucrecia, la antigua Tehas, franc, le bon Charles, le vrai dieu, la puissante Rome. Si l'adjectif est placé après, il attire à lui l'article qui n'est là que pour lui : ital. Raffaele il divino, Genova la superba, esp. Aleœandro el grande, Alonso el sabio, prov. Girardet lo ros, Tolosa la gran G A. 142, fr. Charles le bon, Rome la grande, \3il. (avec cel) Vasilie cel mare, Roma cea vechiç. L'adjectif se comporte ici comme une apposition et équivaut à un substantif : Giuliano il crudele est comme Giuliano Vapostata. Dans le style poé- tique l'article placé devant l'adjectif qui suit peut tomber : ital. Angelica bella, Ercole invitto, Roma santa, esp. Venus divina, Fenix hermosa, la voz de Boris bella, port. Mavorte valeroso. D'autre part il tombe nécessairement : a) devant l'ar- chaïque magnus : ital. Alessandro magno, Costantino m., Carlo m., esp. Aleœandro magno, S. Basilio m., franc, seulement Charlemagne (v.fr. Caries li magnes Roi., Hue le maine Ben. I, 348). b) Devant le nom de la patrie : ital. Pietro Aretino, Paolo Veronese, prov. Arnaut Catalan, Peire Espanhol, franc. Claude Lorrain, esp. généralement Fernande z el Castellano, Juan -Kh Ingles-, grec OouxuBiSyjç 'AÔYjvaîoç (aussi avec l'article), c) Devant les noms de nombre qui servent à distinguer des personnages du même nom : it. Ottone quarto (il quarto Ottone), esp. Bon Fernando tercero, B. Alonso ultimo (mais aussi el tercero, el ultimo), prov. Fré- déric terz Choix Y, 113, fr. François second, Louis neuf, val. avec l'article Henric al patrulea (Henricus IV), Josif al doilea (Josephus II). De même aussi ital. libro primo, esp. capitulo primer o, franc, tome quatrième. — 4) Les substantifs qu'on construit avec des noms de personnes se com- portent comme des adjectife : ils se font précéder de l'article, ainsi it. il re Alessandro, il duca Alfonso, il conte Orlando, il cardinal Bembo, il signor Federico. L'article s'omet de- vant les titres ecclésiastiques de frater, soror et l'adjectif sanctus : ital. frate Antonio, santo Arrigo, san Paolo, mais val. suntul Pavel etc.; devant le titre docte de magister : ital.
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maestro Lodovico, esp. maese Nicolas^ franc, maître Alain, de même que devant les formes dérivées de dominus : esp. Don Alfonso, Dona Sancha, prov. En Blacatz, Na Maria, v.fr. Dant Noble le lyon, Dant Gérard, fr.mod. Dom Mabillon. Les titres composés avec le possessif, comme fr. monseigneur, monsieur, madame, mademoiselle, it. monsignore, messere (et ser), madama, madamigella ne tolèrent jamais devant eux l'article défini, mais ils ne le suppriment pas lorsqu'un second titre suit : franc, monseigneur le maréchal, madame la duchesse, monsieur Charles, it. madamigella la haronessa, messer Lodovico, ser Brunetto.
6. Les idées génériques prises dans un sens collectif deman- dent l'article défini comme en grec et avec plus de rigueur qu'en allemand. Ainsi ital. l'uomo è mortale\ esp. el hombre es mort al ; fr. l'homme est mortel ; val. omul este muritoriu ; 6 àv6pa)TOç Ovr^Toç èaiu Ces passages de la Bible : stulti in ipsa die cognoscetur ira ; mulier diligens corona est viro suo sont rendus en italien par : il cruccio dello stolto è conosciuto lo stesso giorno ; la donna di valore è la corona del suo marito ; esp. del loco d la hora se conocerd su ira ; la muger virtuosa corona es de su marido ; franc, l'insensé découvre sa colère ; la femme vigilante est la couronne de son mari (Proverb. 12, 16 ; 12, 4).
7. Les abstymits qui expriment des qualités intellectuelles ou corporelles ou des manières d'être se font également volontiers accompagner de l'article défini. Aussi dit-on : ital. la sapienza è migliore che le perle ; l'odio muove contese ; il sonno è dolce, Esp. mejor es la sabiduria que las piedras predosas; el odio despierta las rencillas. Franc, la sagesse est plus estimable que ce qu'il y a de plus précieux ; le sommeil est l'image de la mort. Val. dreptatea este fundamentul impe- retziei (it. la giustizia è il fondamento del regno). L'article défini a charge de représenter ici l'idée abstraite comme quelque chose d'absolu, l'indéfini ne pourrait qu'en signaler un côté, un rapport, comme ital. una giustizia come quella di Salomone. Mais le proverbe, avec la concision qui lui est propre, supprime l'article même devant de semblables abstraits. L'article défini disparaît volontiers lorsque l'idée est personnifiée, surtout chez les anciens; c'est dans le Roman de la Rose qu'on peut le mieux se rendre compte de ce procédé.
8. Les noms de matière se comportent à peu près comme les abstraits. Si la matière est considérée dans son ensemble
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on la munit volontiers de l'article défini. Ital. la sua ren-' dita è migliore che l'oro ; se tu lo cerchi corne Vargento. Esp. sus frutos son mejores que el fino oro ; si como d la plata la buscares. Fr. si vous la recherchez coynme l'ar- gent. En ce cas ni le grec, ni l'allemand n'emploient l'article : ihr Ei7ikommen ist besser denn Gold ; so du sie suchst wie Silber ; y.peTcaov ^àp a'JTY)v èiJLTropsùsaSai ^^ /puŒiou xal àp*fupiou GYjaajpoù; ; èàv ^Y)T-^<aY); aOxYjV wç àp^upiov (Prov. 3, 14 ; 2, 4). — L'ancienne langue allemande faisait accompagner de l'article indéfini les noms de matière, lorsqu'il s'agissait d'une partie de la matière : wîz alsam ein snê ; grûen alsam ein gras ; schoene al s ein g oit ; ein wazer iesch (demandait) derjunge man. Cet usage n'est pas inconnu au roman : ital. lo spazzo era una rena Inf. 14, 13; corne un ghiaccio nel petto gli sia messo (un morceau de glace) Orl. 23, 64 ; esp. blanca cuemo un cristal Alœ. 1191 ; un oro colado Cron. rim. éd. F. Michel v. 929 ; cada voz es un veneno Cald. I, 263*; pr. us argens GBoss. 4257, una lia Fer. 4280, unhplom M. I, 185; V. franc, une avainne (un champ d'avoine) G. d'Angl. p. 109, une porre (de la poussière) SSag. 70.
9. Lorsque le substantif, soit abstrait soit concret, s'unit au verbe de façon à n'exprimer avec lui qu'une idée unique, on ne lui adjoint plus d'article. Nous avons des exemples de ce procédé dans une masse inépuisable de locutions, la plupart d'origine ancienne. Ital. par ex. aver compassione, correr pericolo, dar risposta, far onore, far motto, metter cura, por mente, prender moglie, prestar fede, riprender via, sentir famé, tener compagnia. Esp. correr monte, dar fin, hablar pala- bra, hacer fiesta, meter mano, mudar manera, prestar paciencia. Franc, avoir pitié, courir risque, demander pardon, faire signe, livrer bataille, mettre fin, porter envie, prendre garde, prêter serment, trouver moyen. Val. aveà lipse (habere inopia^n, carere), face prune (filium parère), prinde vorbe (suscipere sermonem), pune nume (imponere nomen) . Le substantif dans ces locutions représente l'idée principale : aussi ces deux parties du discours peuvent- elles souvent être rendues par un seul verbe qui contient l'idée du substantif : rispondere, parlare au heu de dar risposta, far motto. Dans beaucoup de phrases sanctionnées aussi par un fréquent usage où l'individualité du verbe ressort nettement, on s'épargne l'emploi de l'article qui ne serait qu'une addition inutile. Ces sortes de phrases ont été surtout usitées dans l'an-
28 PROPOSITION SIMPLE.
cienne langue, par ex. franc, ceindre espée, prendre escu, vuidier arçon ^ vestir robe nueve, renoier crestienté , traiter paix, tolir vie. L'article est supprimé aussi lorsque le substantif dépendant d'une préposition désigne d'une manière générale le moment, la manière et le lieu. Ces locutions, qui ne se ratta- chent pas nécessairement à un verbe déterminé, sont également nombreuses : ital. andare a caccia^ a cena, in chiesa^ venire dacasa^ sortir e di casa ^ dicorte, levarsi inpiede, venire per tempo, nuotar per mare, vivere in ozio, avère in mano, prestare ad usura, cominciare da capo. De même avec le verbe être : essere a casa, a corte, a palazzo, a teatro, a letto, in campagna, in cielo, in paradiso. Il n'est pas nécessaire d'emprunter des exemples aux autres langues (voy. t. II, p. 429); nous ne citerons que quelques expressions valaques : merge a case [ire domum), vent in minte {venire in men- tem), vent pre liime (venire in mundum, nasci), fi in pedûre {esse in silva), fi de fatze, {esse de fade, c.-à-d. esse praesentem). L'allemand dans les locutions de ce genre retient mieux l'article, mais son plus ancien dialecte s'en passait aussi facilement que le roman, cf. in himinam (èv toÏç oùpavoîç), in thiudangardjai (ev ir^ paaiXsfa), in authidai (èv ty^ èp^HJ-^p), in alh {de, xb hç>Q'i), in karkara {de, çuXay/riv).
10. Lorsqu'un substantif s'emploie pour préciser le sens d'un autre substantif, pour en indiquer la matière, le contenu, la desti- nation, en un mot pour en faire connaître les propriétés, on ne lui adjoint pas d'article, et ce procédé a déjà été signalé à propos des noms de pays. L'union des deux noms s'effectue surtout au moyen des prépositions de et ad. Ex. ital. vaso di vetro, hicchiere di vino, dignità di principe, nave a remi, veste a fiori, scala a lumaca, hicchiere da vino, mulino da vento, azione da cavalière; esp. azeite de oliva, haril de harina , navio de carga, molino de viento ; franc, monnaie d'or, verre de vin, verre à vin, magasin à foin ; val. inel de aur, otzet de vin, vas de vin, moare de vunt (on dit plus souvent in vunt). Quand le second substantif exprime d'une manière précise le but du premier, il exige la présence de l'article : ital. cassa délia farina (la boîte destinée à la farine), cassa di farina (une boîte avec de la farine), donna dal latte (la femme qui apporte le lait); franc, bouteille au vin, pot au lait, magasin à la farine, marché aux herbes, poste aux lettres, femme aux cerises. Cette attribution d'un sens plus précis au second substantif a, assurément, quelque chose d'arbitraire, aussi les
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diverses langues se contredisent-elles entre elles et avec elles- mêmes : pourquoi par ex. bouteille au vin et verre à vin ?
11. Le substantif qui joue le rôle d'attribut uni aux verbes être^ devenir, paraître, naître, mourir, lorsqu'il désigne le rang social, la nation, la parenté, les qualités morales, rejette l'article indéfini. Ital. io son dio geloso ; figliuol fui d'un beccajo ; egli è capitano ; io sono Tedesco ; egli è diventato pittore ; semhra uomo féroce ; questo mi pare atto vile ; nacque gentiluomo ; mori cristiano. Esp. yo soy soldado ; sodés ardida lanza PC. ; era homhre diligente ; hijo es de un labrador ; soy Espanol ; se ha hecho gentilhombre. Fr. il est roi ; il est fils de son père ; il est père de quatre enfants ; il est devenu grand orateur ; il me paraît honnête homme ; il se montre homme de courage ; il naquit prince et mourut mendiant. On a là des verbes régis par un double nominatif, au nombre desquels on peut compter aussi farsi et mostrarsi ; le nom attribut prend la place d'un adjectif auquel en ce cas on n'appliquerait pas non plus d'article : sembra gentiluomo revient à sembra gentile. Si on individualise le second substantif l'article indéfini reparaît. Ital. questo è un Italiano che conosco. Fr. toujours après le démonstratif c'e^^ : c'est un Français etc. Val. avec ou sans article : Antonie este mare filosof', din neamul este un Sas (di nazione è Sassone), mais aussi Romen de nastere. — Les verbes avec un double accusatif ont la même action que les précédents, même lorsque le second accusatif est rattaché au verbe par une prépo- sition : ital. Io credo galantuomo ; Io fecero re ; Io elessero in papa, ou au passif : fie creduto galantuomo-, fu fatto re^. On trouvera d'autres exemples au chap. 5 à propos de l'accu- satif.
12. L'apposition dispense de l'emploi de l'article, qu'elle soit produite par un seul substantif, comme ital. dio padre, esp. tierra madré, prov. Albert marques, ou par un substantif accompagné d'une épithète, comme ital. quegli è Orner o, poeta sovrano Inf. 4 ; Virgilio, dolcissimo padre Pg. 30 ; vide in quel bel seno, opéra di sua man, Vempia ferita Ger. 12,
1. 1] faut observer qu'avec le verbe nommer l'ancienne langue emploie volontiers l'article : ital. che ha nome la pantera PPS. I, 190; esp. â esta llaman la floresta SRom. 63; v.fr. si ot non (nom) H quens Pavien Ruteb. II, 209; il avoit nom le seigneur de Gontay Com. 345; m'apelle on un lévrier \ gr. xaXeÏTai -rà ôvojxa aùxoù ô Xoyoç; (pwvstTÉ [xe ô SiôàcxaXoç N. Test.', m.U.alI. man hiez in der Bâruc ; ich heize ein ritter.
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81; esp. Sevilla, ciudad famosa\ su hermano, honradisimo cahallero\ (aquel) duerme, garzon cansado y afligido Gare. egl. 2 ; port, a unica Phénix, virgem piira ; prov. lo reys engles, coms peitavis ; Alazais, molher d'En Barrai ; franc. Goa, colonie portugaise ; cet amour, source de tant de haine ; val. prietenie, repaos vitzii noastre (amicitia, recreatio vitae nostrae) . Cette règle procède en principe de celle qui a été exposée dans le paragraphe précédent, si l'on considère l'apposition comme l'abréviation d'une phrase com- posée avec le relatif et le verbe substantif : Omero^ poeta sovrano équivaut à Omero che fu poeta sovrano. L'article n'est pas, il est vrai, absolument éliminé, il peut s'employer avec à propos pour mettre en relief le substantif. Il est couram- ment usité en valaque, par ex. nenorocirea ta, o urmare nebuniilor taie (ital. la disgrazia tua, [un] effetto délie tue stoltezze); religiunea, fiia ceriului (la religione , [la]figlia del cielo).
13. Lorsqu'un régime qui dépend du verbe hahere ou tenere indique une propriété essentielle du sujet et que ce régime reçoit une qualification, il prend l'article défini et l'adjectif est traité comme un attribut. Ital. hanno dura la testa PPS. I, 4 ; gli^occhj ha vermigli e la barba unta ed atra Inf. 6 ; avea l'anima torta Orl. 3, 5 ; un abete ch'alta avea la cima Orl. 4, 14; stanco ho il destrier 2, 39. Esp. tenian los cdbellos de oro (subst. pour adj.) Nov. 5; ténia delicado eljuicio Nov. 11 ; port, a mai hebrea teve Lus. 1, 53; sereno o tempo tens 2, 61 etc. Prov. lo kap te tremblant Bth. 116; tant a lo vis esvanuit 202 ; avial cor dolent 101 ; franc, elle a les cheveux blonds ; il a l'esprit pénétrant ; il a la mémoire sûre. Gela a lieu aussi après d'autres verbes d'une signification analogue à celle de habere, dont plusieurs sont particulièrement employés en espagnol. Ital. lunga la barba portava\ esp. luenga trae la barba PC,\ la galera las vêlas traya de seda S Rom. 244 ; los perros lleva cansados (les chiens qu'il conduit sont fatigués) 259. L'ancien style se passe plus volontiers de l'article que le nouveau : v.fr. bel auret corps, bellezour anima Eulal.\ pr. corps ac bo e pro Bth. 28; v.it. quella ha bionda testa PPS. I, 31. Le grec favorise en ce cas l'article : Toùç ovuxaç \>^^'^à\o\ic, e^wv Theophr. (Winer Gramm. § 17, 2); ïyti Tov TïéXsy.uv è^uxaTov (la hache qu'il a est très-aiguisée); iîstcw- pwjjiévYjv £X£T£ TYjv xapâiav u[Aa)v? (goth. daubata habaith hairtô ûtjar? adhuc caecatum habetis cor vestrum^.) Ev. Marc. 8,
ARTICLE. S^
17 ; gr.mod. £?/,£ xà jj-axia aav èXaiav (elle avait des yeux comme des olives) MùUer Volksl. II, 50. Le valaque n'exige aucun article, par ex. ea are nas frumos (ella ha il naso forynoso). — Dans le cas où l'on peut rendre le sens de la préposition cum par habere il est aussi généralement d'usage d'employer l'article : ainsi ital. venue con la testa alta {avendo la testa alta); esp. con los brazos abiertos ; grec tJi.£7aXY) tî^ çwvy^ Içrj Ad. Apost, 26, 4.
14. Plusieurs substantifs immédiatement unis les uns aux autres , dont chacun à Tétat isolé exigerait l'article défini , peuvent s'en passer lorsqu'on a en vue l'ensemble des idées qu'ils expriment plutôt que chacune de ces idées isolément. Il est presque superflu de citer des exemples d'un procédé aussi fré- quent. Ital. misericordia e giustizia gli sdegna Inf. 3, 50 ; simula e patria e stirpe e setta e nome e sesso Orl. 3, 76 ; amor, senno, valor, pietate e doglia facean un dolce con- cento P. Son. Esp. enagena de sus ojos muerte, danos, enojos, sangre y guerra Gare. Le français retient mieux l'article : il dit la miséricorde et la vérité ne vous aban- donnent point, tandis que l'italien et l'espagnol se contentent de substantifs sans article : benignità e verità non t'abando- neranno ; misericordia y verdad no te desamparen. Val. demi hertie, peane si cerneale (it. dammi carta, penna ed inchiostro)\ avec l'article : sorele, luna, stelele simt trupuri ceresti (il sole, la luna, le stelle sono globi celesti). Deux substantifs peuvent s'attacher l'un à l'autre et devenir ainsi des formules compactes dont l'essence serait détruite par l'adjonction de l'article, par ex. pr. cel e terra, sol e luna, patz e guerra, espada e lansa, foc e sanc, ou avec une allitération qui resserre encore les liens de la formule : brancs e brotz, dolz e dans, fuelha ni flor, frug ni flor, fer ni fust, planca ni pon, pueg ni plan, sens e saber.
15. Dans la phrase négative avec nunquam l'idée sur laquelle porte la négation, lorsqu'elle est prise dans un sens général, peut se passer de l'article indéfini. Voici quelques exemples : ital. timida pastorella mai si presta non volse piede Orl. 1, 11. Esi^. nunqua en tan buen punto cavalgd varon PC. 411 ; ponzonosa fiera nunca fué aborrecida tanto Gare. cane. 5; port, cithara ja mais cantou Victoria Lus. 2, 52. V. franc, oncques cuer n'eut si dure destinée Ch. d'Orl. 131 ; fr.mod. jamais contre un tyran entreprise conçue ne permit d'espérer une si belle issue Corn. Cinn.;
32 PROPOSITION SIMPLE.
jamais femme ne fut plus digne de pitié. Lorsque la néga- tion s'opère avec non ce procédé se présente le plus souvent dans le cas où une proposition relative se rapporte à l'objet nié. Ainsi ital. non avea membro che tenesse fermo Inf. 6, 24 ; corda non pinse mai da se saetta che si corresse 8, 12 ; se non trova campione che lo faccia mentir e Orl. 4, 58. Esp. vasallo que traspassa mandado de senor nol dehie valer etc. Bc. 8il. 740. Prov. ja amicx non er memhratz qu'anc iratz fos Choix IV, 13. C'est à la suppression de l'article dans la phrase négative que plusieurs substantifs comme per- sona, res, passus, punctum, gutta, mica (fr. personne^ rien, pas, point, goutte, mie) doivent leur acception abstraite; nous reviendrons sur ce point. Cette expression concise est familière aussi à l'anc. allemand : nie man (niemand) so hôhez lop getruoc ; ez wart nie wîp so hôch ; ezn geschach nie kinde alsâ wê ; gesprach nie wort ; ich ver gaz ir nie tac = Y. franc, jamais j or, oncques Jor ; angl. never man was so enamoured. — Après la préposition sine lorsqu'un infinitif suit et dans d'autres cas où le génie des langues romanes sent une négation complète ou atténuée, comme dans la phrase dé- pendante du comparatif, dans l'interrogation, dans la proposition conditionnelle, on se passe souvent de l'article indéfini. L'article fait même défaut avec le verbe chercher, lorsque le régime est indéterminé, comme it. cercate fonte più tranquille P. Son. 20 ; port, busca Mouro que por piloto d nao Ihe mande Lus. I, 83.
16. Il n'est pas rare de supprimer l'article lorsqu'il se trouve en contact avec les adverbes de comparaison quomodo et sic et avec leurs synonymes. 1) Après quomodo cette suppression est fréquente, surtout chez les poètes. It. come nocchier PPS. I, 318 ; com' aquila vola Inf. 4, 96 ; come cieco va Pg. 16, 10 ; sono in voi si come studio in ape 18, 58 ; come volgesi schiera 32, 19 ; corae sole farfalla P. Son. 110 ; quai cervo fugge 174. Esp. como sierpe ponzonosa Gare. cane. 5 ; como arco turquesco BQuiœ. I, 15; como liebre 16; port. como dama Lus. 2, 38 ; como menino 43 ; como paciente ovelha 3, 131. Prov. clars com dia\ v. franc, blanche cume flur Roi. p. 107; vermeil come cerise Rom. fr. 9. Mais aussi it. bianco come la neve; esp. hijos como una flor\ port. candida como a bonina. L'article manque de même après des formules adverbiales d'une signification analogue : ital. a guisa di fanciullo ; in forma di candida rosa ; prov. a lei de fin
ARTICLE. 33
amador ; v. franc, en guise d'orne fier. — Quand sic ou tam précède un adjectif attributif on supprime avec élégance l'article : it. si perfetto destHero ; si gran dono ; cosi nohil soggetto ; esp. tan estrano cuento; tan grande culpa; port, tâo grande reputaçào ; tainanha vergonha ; v.fr. si lonc sermon SB, 525"; si bêle famé Bert. 68. Fr.mod. avec l'article : un si savant homme, mais dans Marot : si belle créature, et encore dans Malherbe : en si belle prison ; aussi ital. una cosi bella fanciulla\ esp. un ta^nano secreto. On dépouille aussi la plupart du temps les adjectife de comparaison de l'article : ital. simile i^npresa ti conviene; esp. en semejante caso; franc. pareille occasion. Il en est de même pour talis et tantus, voy. plus bas §21.
17. La poésie se débarrasse sans scrupule des deux articles comme d'éléments prosaïques partout où le sens le permet, mais surtout lorsque le substantif est accompagné d'une épithète. Nous ne pouvons citer ici qu'un petit nombre d'exemples. Dante dit : duro giudicio lassû frange In fi. 2, 96 ; tuono accoglie d'infimiti guai 4, 9 ; rinnovello disperato dolor 33, 5 ; secol si rinnuova, torna giustizia e primo tempo umano Pg. 22, 70. Pétrarque : ecco d'un ve?ito occidental dolce confiorto Cz. 2; in nobil sangue vita umile e quêta Son. 179. L'Arioste : perché alto misterio mi fiacesse palese 3, 12. Le Tasse : orrida maestà net fiero aspetto terrore accresce 4,1 \ nel palagio régal sorge antica torre 6, 62. Calderon : con alas de lino vuela alla nave presumieyido todo el mar pequena es fiera I, 90^. Camoens : edificarCio novo reino 1, 1 etc. Chaque page de ces poètes témoigne de la liberté dont jouit le style élevé, surtout en italien, puis en espagnol et en portugais, pour laisser de côté l'article, qui n'a pas même l'avantage de désigner exactement le cas. La poésie populaire, naïve, se comporte dans ce cas comme la poésie artistique. Le substantif tout seul suffit à Tancienne romance espagnole , elle dit par exemple {el) cavallero con vergûenza estas palabras dezia S Rom. 251 ; cabellos de mi cabeza me llegan al corvejon 308. La poésie héroïque française et provençale présente cette particularité qu'elle supprime volontiers l'article devant les noms de peuples au pluriel : Angevi van prumier GRoss.; Breton sont van- teor ; tel plait ont Romain commencié Brut.; dient paien Agol.\ prengent Franceis Charl.\ mélange des deux procédés: Breto e lhi Gasco GRoss. 1885; Frances e lhi Breto 8063; Franc les enchaucent, Mancel et Angevin et li Normant DiEz m 3
34 PROPOSITION SIMPLE.
Gar. I, 108. Peut-être le sovre pagiens (ÏEuMie doit-il déjà être considéré comme un exemple de ce procédé (voy. plus haut p. 16)*. On le trouve parfois aussi en espagnol : Moros lo reciben PC.\ aforzaron christianos Bc. En outre le vieux français emploie très-souvent sans article l'adjectif belle devant des noms propres : bêle Aude GVian. 42, bêle Yolans, bêle Boette Rom. fr., par conséquent comme l'angl. fair Rosa- mond. La même suppression se produit çà et là dans tous les dialectes devant des substantifs jouant le rôle d'épithètes : ital. re Cay^lo, re Sacripante Orl.\ esp. rey Alexandre Alœ.; conde Claros SRom,; prov. comsF. GRoss.\ v.franç. rois Ekenbright vov. Havelok, rois Pépins Bert., cuens Tibaus Rom. fr.
18. h' adjectif en s'unissant au substantif n'écarte pas l'ar- ticle, il peut même l'attirer, comme nous l'avons vu. En valaque dans ce cas l'article défini suit le premier nom, qu'il soit subs- tantif ou adjectif, par ex. ^pomwl dulce ou dulceh pom, fém. penura albe, albsi penure^. L'article indéfini fléchi précède et
1. Est-ce là un trait emprunté à l'ancien allemand? Otfried et le Ludwigslied disent tout aussi facilement sans article Frankon, Northman, Kriachi.
2. Déclinaison du substantif avec l'adjectif : a) Masculin.
Sing. N. pomul dulce
G. a pomului dulce D. pomului dulce A. pre pomul dulce V. pomule dulce
Plur. N. pomii dulci
G. a pomilor dulci D. pomilor dulci A. pre pomilor dulci V. pomilor dulci
dulcele pom a dulcelui pom dulcelui pom pre dulcele pom dulceÇle) pom dulcii pomi a dulcilor pomi dulcilor pomi pre dulcii pomi dulci(lor) pomi
h) Le féminin a cela de particulier qu'au génitif et au datif singulier le second nom met e pour e.
Sing. N. penura alhe
G. a penurei alhe D. penurei aïbe A. pre penura alhe V. penure alhe
Plur. N. penurile alhe
G. a penurilor alhe D. penurilor alhe A. pre penurile alhe V. penuri(lor) alhe
alha penure a alhei penure aïhei penure pre alha penure alhe penure alhele penuri a alhelor penuri alhelor penuri pre alhele penuri alhelor penuri
ARTICLE. 35
les noms suivent sans flexion casuelle ; le principe le plus cons- tant est de mettre le substantif en premier lieu et l'adjectif en second : un hçrbat mare, o case mare y dat. unui herhat mare, unei case mare (Barcianu § 76). Dans cette langue, outre l'article enclitique on applique aussi le démonstratif cel, lequel ou bien précède son nom comme dans cel neroditoriii fregariu selbatec (ital. Vinfecondo moro salvatico)^ ou bien vient se placer en compagnie de l'adjectif après le substantif muni de l'article, comme dans oraiorul cel mare, aussi marele orator (il grande oratore)\ val. du sud omlu acelu bunu ou acelu omu bunu. Par là les formes de l'article s'accumulent d'une manière inconnue aux autres langues, et cela est surtout sensible au génitif et au datif : supt stepenirea lui Constantin imperatului celui d'inteiu crestinesc [sotto il governo di Costantino, primo iynperatore cristiano). Cet entassement de petits mots est un trait caractéristique de la langue valaque. L'emploi de cel est nécessaire devant le superlatif (p. 9); devant les nombres cardinaux : cei zece Romani (i dieci Romani)\ celor patru seraci (ai quattro poveri); et dans les cas où l'article a une valeur démonstrative décidée, comme dans cel de astezi (quel d'oggi, hodiernus). Nous avons signalé p. 25 l'emploi de cel devant les noms propres accom- pagnés d'un adjectif. — Il a été question dans le chapitre pré- cédent de l'emploi de l'article avec l'adjectif neutre.
19. Il y a des adjectifs qui ne s'unissent pas à l'article de manière à former avec lui un groupe qualificatif, mais qui au contraire le précèdent immédiatement, à moins qu'ils ne soient, par exception, placés après le substantif ; à l'article équivalent ici le démonstratif ou le possessif. Ces adjectifs sont lotus, médius , ambo, solus. 1) Totus : ital. tutto il mondo (il mondo tutto) ; tutto quel giorno ; tutta un' ora, aussi ogni lor virtù ; esp. toda la mar (la mar toda)\ todos aquellos hombres\ todo unpueblo^\ de même en port. prov. ; franc. toute la terre ; tout un peuple ; de tout mon cœur ; val. tôt omul ; toate feptura ; totzi trei. Ce procédé est aussi connu d'autres langues qui possèdent l'article, comme gr. -Tîaaa y; à^éXy], cXr^v TYjv v'jxTa, y) r.zXiq cXy), goth. alla so haïrda , v.h.allem. aller ther liut, der liut aller. En latin aussi la construction
1. En V. espagnol quelquefois todo las hombres etc., selon la pratique du langage familier qui ne fait pas sonner Vs dans ce mot devant las, las. On a aussi en v.port. todolos pour todos os.
36 PROPOSITION SIMPLE.
ordinaire est totus iste mundus, totos hos menses, omnia mea hona. Il faut encore remarquer que l'italien entre tutto et un nombre cardinal n'intercale pas l'article mais le petit mot e : tutti e tre, tutte e quattro^, — 2) Médius après des prépo- sitions : ital. per )nezza la f route ; di mezzo il cielo (mais un uomo di mezza et à d'âge moyen) ; esp. en média la fornaz Bc. Mil. 366 ; prov. per meias las palutz ; comp. le v.h.aU. untar mitten then lerarin Grimm IV, 402. Ainsi placé il finit par devenir lui-même une préposition, voy. ch. 6. — 3) Ambo : ital. arribo le mani ; ambedue gli occhi ; v.esp. amos los hrazos ; amas mis fijas ; entrambas las manos (esp.mod. ambos punos, entrambas partes) ; port, ambas as màos ; ambos os dois ; pr. amdos los huelhs ; ambdui H rei, aussi ab ambas mas Choix III, 406 ; v.fr. ambez dous les pais ; andeuz les piez ; manque en fr.mod.; val. eu amundoe munile\ imbe pertzile comme ital. ambo le parti: l'article est construit avec le substantif, non pas imbele pertzi. Il occupe la même place dans d'autres langues : grec à[i-çoîv Taîv BiaOY)7.aiv, goth. bathoskipa Luc. 5, 7, v.h.all. beidu thiu skef, thiu skef beidu y angl. both the poets. — 4) Solus (seulement); esp. deœanse llevar de solos los cuidados ; tengo sola una pena ; port, quem de sô o amor se pagava R. Men. c. 12. En italien il est d'usage de mettre solo après le substantif ou l'article : qui veder puoi l'immagine mi a sola ; la sola parola compone i lamenti ; franc, la seule imagination en fait horreur. — Si totus dans des langues si diverses se re- fuse à toute fusion avec l'article, cela tient sans doute à ce que les noms de nombre (et totus est aussi un nom du même genre
1. La nature de cet e est très-hypothétique. Compris comme copule {omnes et très) il n'aurait aucun sens et cette acception ne s'appuierait sur l'usage d'aucune autre langue. Salviati (voy. Blanc 233) le regarde comme une abréviation de cioè {omnes, id est très) : ce serait l'abré- viation d'une locution bien lourde. L'expression tutti e tre renvoie à un nombre déjà connu et est en quelque sorte la continuation de ambo qui signifie tutti e due; e pourrait donc avoir un sens démonstratif et à cette idée répond l'opinion de Blanc /. c. qui y voit une forme de l'article qu'on retrouve dans l'ancienne langue pour i. Mais il y aurait lieu de se demander pourquoi l'on ne dit pas aussi bien tutti e cavalli, outre que Ve dans cette locution (ce qui d'ailleurs n'a pas échappé à Blanc) rem- place aussi le féminin le. Enfin pour tutti e tre les anciens disaient déjà souvent tutti a tre, tuttatre, ce qui rappelle la formule espagnole toute semblable ambos à dos. Cet a est-il l'expression primitive, et quel sens la préposition pouvait-elle avoir ici?
ARTICLE. 37
qui détermine d'une manière définitive et qui par conséquent n'admet pas de gradation) quand ils suivent l'article supposent un objet dont on connaît déjà la quantité, « les deux amis l'ont abandonné », tandis que la fonction de totus est de déterminer cette quantité pour la première fois : « les amis Font abandonné tous». Lorsque le substantif en lui-même n'a pas besoin d'article, il ne paraît pas et l'on dit : ital. tutta Roma, esp. de todo corazon, franc, à toutes jambes \ il en est de même lorsque totus esi em'^lojQ ^o\xv quis que (voy. ch. 3). D'autres langues laissent l'article de côté d'ordinaire dans les cas oii le sens est moins précis : grec Travxsç àvGpwTrot, goth. allai gudjans Math. 27, 1, v.h.all. aller liut, aile man. L'emploi de médius et de solus doit être jugé comme celui de totus. Quant à ambo il suppose, il est vrai, un nombre déjà déterminé (deux), mais il représente ce nombre à nouveau comme un tout et cesse ainsi d'être une simple épithète : « les amis l'ont abandonné tous deux ». — Sur le prov. eis (en eissa la semana) voy. ch. 3,
§5-
20. Un nombre cardinal qui retire une partie à un nombre
énoncé ou sous-entendu est généralement pourvu de l'article défini. Ital. délie sette volte le sei Dec. 3, 1 ; le due parti asevuole tenere e'iterzo è délia gente PPS. I, 16. Esp. très colpes le avie dado, los dos le fallen è cl uno ha tomado PC. 768 ; seis cristianos, los quatro para el remo y dos muchachos Nov. 2. Prov. dos regismes ten e per l'un non es pros Choix IV, QQ ; de cinc ducatz los très ibid. Y, 94 ; V. franc, de ses sept rois li ont ocis les dous AgoL, voy. Fer. p. 184^; quatre manières del mal d'idropisie, des dous puet l'um guarir, des dous altres ne mie TCant. p. 170 ; des sénateurs sui l'un TFr. 533 ; franç.mod. des trois les deux sont morts Corn. Hor.\ Numa est l'un des sept rois de Rome. Des langues étrangères qui possèdent l'article se conforment à cet usage. Gr. twv xévxs xàç Buo [xoipaç véi;.ovTat Thuc. 1, 10 ; grec mod. àirb xà léaaapa à-KiBia èTTYJpav to êva David Gramm. gr. mod.\ aùioç xà léaaapa l^ça^e, Twv Sub Çwyîv yji.^'(C,zi MùUer Volksl. I, 106 ; m.h.all. driu dinc, diu zwei sint ère und varnde guot, daz dritte ist gotes hulde Walth. p. 8. On traduirait en allemand les exemples grecs par : von den vier Birnen nahmen sic eine ; mer davon todteté er, den beiden andern schenkte er das Leben. On trouve de même en m. h. allemand déjà sans l'article siben sper, der verstach er driu und ich viemu Ulrich v. L. p. 74.
38 PROPOSITION SIMPLE.
21. Qu'arrive-t-il à l'article lorsqu'il se rencontre avec un pronom'? Celui-ci le supprime-t-il, ou peuvent-ils tous deux subsister l'un à côté de l'autre? Tout dépend de la nature, de la forme et de la place du pronom ; on ne peut pas s'attendre à ce que tous les dialectes procèdent de la même manière. 1) Le possessif ïièiRii autrefois nullement gêné par l'article, qui, plus tard, dut céder dans quelques dialectes; voy. pour plus de détails le chapitre suivant. — 2) Le démonstratif ne s'accommode avec l'article qu'en valaque, et seulement lorsqu'un nom précède : on dit ou bien acest om ou bien omul acesta, comme gr. 6 àv/;p outoç, mais non pas acest omul, comme gr. ouioç ô àv/jp. — 3) L'article est nécessaire au relatif qualis, et dans cet emploi il rappelle immédiatement le démonstratif (ille qui); l'it. che et l'esp. que le prennent aussi, sous certaines conditions, ce dont il sera ques- tion dans la proposition relative. Qualis comme intey^rogatif ne l'appelle qu'en français et seulement lorsqu'il se rapporte à plusieurs objets déjà nommés, autrement non : lequel aimez- vous mieux de ces deux tableaux-là^ v. franc, a ses clers prist conseil, H quels dirreit sa cause TCant. p. 41 ; or me dites, li quel ce est ; rarement en prov. comme la quai ten- riatz per meillor d'una domna etc. Choix IV, 30 ; comp. val. carele dintru acestia (lequel parmi ceux-ci?). L'article a ici sa valeur déterminative et distinctive et ne se comporte pas tout-à-fait comme le gr. 6 toÎcç. — 4) Quant au pronom indéfini, l'article indéfini n'ajouterait rien à sa signification et le défini la détruirait. Cependant il peut se présenter des cas où on l'admet, soit pour établir une distinction de sens, soit comme véritable pléonasme, a) Alter s'emploie en italien avec l'article indéfini, et aussi, avec élégance, sans cet article : un' altra volta, altra volta ; non trovo altro rimedio ; lorsque alter est pris substantivement il s'adjoint l'article : un altro (uomo), un' altra {donna) ; les formes altri et altrui s'en passent. Il est plus rigoureusement exclu en espagnol et en portugais où l'on ne dit que otro caballo, otro nombre, outro dia, 0 reino que outro pede. Prov., dans Boèce 127 altre (se. hom), mais un' autra (se. domna) LR. I, 497. Fr. avec l'article : c'est un autre homme ; c'est bien une autre affaire; V. franc, quelquefois sans l'article : ne me feres autre conforf? Ccy 271. Yal. sluge altuia (esclave d'un autre). Le v.h. alle- mand se passe très-habituellement de l'article , on trouve même ander pour ander man, comme esp. otro, b) Certus est employé en italien avec l'article indéfini, en espagnol, portugais
ARTICLE PARTITIF. 39
et provençal sans cet article, le français connaît les deux pro- cédés : un certo signore, en cierta ocasion, en certo dia, certain argent, {un) certain homme. L'article n'est pas usité avec les expressions spécialement espagnoles fulano et zutano : mi senora fulana me envia; port, fulano, hum fulano. Dans le latin unus quidam et dans le gothique ains sums les deux mots doivent être regardés comme des pronoms, c) En italien qualche, en provençal et en v. français chascun peuvent s'adjoindre pléonastiquement l'article, Régnier et Molière disent encore un chacun, et cet usage persiste dans les patois, surtout dans ceux du midi de la France. Le v.fr. auquant est volontiers muni de l'article : ço dient H alquant TCant. p. 19 ; des moines H alquant p. 146, de même dans la Pass. du Christ 123 alcans en cruz fai soslevar et los alquanz faiescorcer, on trouve aussi li aucun Ccij. 1846 et li quels que soit p. ex. GVian. 471. — 5) Talis lorsqu'il remplit l'office d attribut ne se fait pas escorter de l'article indéfini, lorsqu'il a la valeur d'une épithète il ne le prend nécessairement qu'en français. Ex. it. taie è il mio stato ; io gli son tal vicino ; in cotai guisa. Esp. mi desgracia es tal ; tal cahallero andante ; port. nunca se vio tal desventura. Prov. tal ieu soi e tal serai; us tais prezicœ LR. I, 457. Fr. tel était l'état des affaires; il faisait un tel bruit ; v. français généralement sans article. Neutre : ital. a taie io son venuto ; esp. nunca tal creyera ; ivanç.je ne vis jamais rien de tel. Lorsque talis renvoie à un objet déjà connu il peut être accompagné de Tarticle au moins en espagnol et en portugais : los taies escritores ; o tal con- selho; gr. c tûiojtcç àv/jp; v.h.all. der solîhher. Il lui arrive souvent aussi d'être précédé d'un démonstratif : ital. tra questi cotali ; quei tali cittadini; esp. esta tal senora ; port, estas palavras taes; lat. hic talis, ille talis. Sur l'emploi de l'article avec talis pris dans le sens de quidam, voy. le chapitre suivant. — Tantus n'a pas besoin de l'article indéfini : ital. tanto uomo, travagli tanti, esp. tanto amor etc.
22. Article partitif. — Un emploi spécial de l'article défini s'est particulièrement développé en français. Si l'on veut dési- gner non pas un tout ni une pluralité d'individus, mais une partie d'une façon indéterminée, sous la dépendance d'un verbe transitif, au lieu de mettre le régime sans article à l'accusatif, on se sert de la préposition de qu'on fait suivre du nom accom- pagné de l'article ; la préposition et l'article se confondent avec l'expression du génitif. On dit ainsi donnez-moi du vin ;
40 PROPOSITION SIMPLE.
prêtez-moi des livres ; j'ai trouvé des amis ; et de même avec des abstraits : il me témoigne de V amitié. En latin de s'emploie dans ce sens après des verbes pour représenter la soustraction d'une partie d'un tout matériel, comme en grec àr.ô, en allemand von (voy. chap. 6, prép. de)\ le français a fini par reporter cette pratique sur des idées abstraites et des objets pris dans un sens tout-à-fait général, où la valeur locale de de se fait encore à peine sentira Le nom affecté de l'article partitif peut passer au rapport du datif, en se faisant précéder, selon la règle du français, par à : qui voudrait confier cela à des traîtres'^ et même d'autres prépositions peuvent prendre cette place, comme dans avec de l'argent, dans du vin ; de qui ferait pléonasme est naturellement excepté (on ne dit pas se nourrir de de viande, mais bien se nourrir de viande). Enfin rien n'em- pêche de donner aussi à la locution partitive la place du sujet et de dire par ex. du pain me suffit, de l'eàu vaut mieux que du vin. A ce propos il faut encore observer qu'un adjectif pré- cédant le substantif exclut l'article et ne tolère que la préposition de : j'ai hu de (et non pas du) don vin ; j'ai vu de belles mai- sons, d'assez belles maisons; dat. à de bon vi^i, à de belles maisons. Mais si les deux noms expriment une seule idée ils sont traités conjointement comme un substantif : il a des belles lettres, c'est-à-dire il a de la littérature ^ Quelque profondes que soient les racines qu'a jetées cette manière de parler, elle n'en demeure pas moins bannie de beaucoup de phrases consa- crées par l'usage (voy. § 9). Cet article se présente déjà en V. français, mais beaucoup plus rarement, et il reste plus fidèle à la signification primitive, comme dans les Liv. d. rois 213 pristrent del ewe (d'après le lat. hauserunt aquam)\ au reste on disait encore boire vin, savoir nouvelles, envoyer gens.
1. H. Etienne, Traictè de la conformité du lang. fr. avec le grec p. 4 (1569), compare à ce propos le franc, manger du pain avec le grec çayelv Tou àpTou, manger le pain avec «payeiv tov àpxov, manger pain avec çayeiv âpxov.
2. Pourquoi l'adjectif n'admet-il pas l'article? Peut-être parce que dans les cas dont il s'agit l'article se rapporte à un total dont on retire une partie, hoire du vin c'est «prendre pour boisson le vin». L'adjectif, en vertu de la propriété qu'il a d'individualiser, supprime cette idée de totalité : hoire de bon vtn c'est «< boire un bon vin (d'une bonne espèce) ». L'adjectif, lorsqu'il suit, ne contrarie pas l'article, car alors il n'indivi- dualise que postérieurement, comme apposition : j'ai bu du vin rouge, du vin gui est rouge. En m.h.allemand on trouve les deux procédés : ich irinke des guoten wînes; ich trinke guotes wines.
ARTICLE PARTITIF. 4-1
saisir armes, doner gages, il y avoit sages hommes, on voit venir chevaliers, en ce bon val sont plaisirs excellens Mar.; on trouve plus souvent la préposition seule sans article : ne manga de paiyi ne but de vin Saœ. II, 157 (exemple dans lequel une négation fait sentir son influence, voy. Génitif § 3); pourveez moy de papier (fr.mod. procurez-moi du papier) TFr. 513. — En provençal il semble se présenter plus rarement et de préférence avec des adjectifs : trobaran de Verba GRoss. 598 ; demanden de l'aigua 199 ; ai ieu de bons pensamens Choix IV, 5 ; el n'ac de grayis bens e de grans mais V, 45 ; n'ai sofertz de grans mais Guir. Rorn. Ms. ; far an de grans assais Choix III, 263 ; ieu sai de tais IV, 94 ; ab las espazas et ab d'autres feramens GO. 311. — En italien l'usage de l'article partitif s'est également beaucoup étendu, sans être toutefois aussi rigoureusement obligatoire qu'en fran- çais : on dit aussi bien sono anni que sono degli anni che ci conosciamo. Les grammairiens donnent la règle, qui est peut-être une distinction trop fine, qu'on doit employer l'article partitif lorsqu'il peut être échangé contre alcuno ou alquanto : datemi pa7ie signifie du pain en général, datemi delpane quelque peu de pain (alquanto di pane), les deux formules répondent au fr. donnez-raoi du pain. L'article partitif est également usité avec des abstraits : ella ha délia tenerezza per me ; esso ha dello spirito ; et il se présente aussi dans les rapports du datif et du nominatif : parlare a degli sciocchi ; si trovano degli esempiK Devant des adjectifs l'usage est hésitant, l'article peut être toléré : si sentono di belle cose ; vi aveva di valenti uomini Dec. 10, 4'; gV insegnavano di buone orazioni 7, 1 ; vi ha di ciechi uomini ; ho délie buone nuove. Ici aussi Tu sage remonte très -haut : un poète antérieur à Dante dit sostene di gran pêne PPS. I, 224, et l'on connaît assez l'expression de Dante dimandar delpane Inf. 33. — La gram- maire espagnole et portugaise rejette absolument cette appli- cation de l'article, et en fait on n'en trouve presque d'exemples que chez les plus anciens poètes : ainsi dans le P. del Cid nos dardn del pan 681 ; cogiô del agua 2811 ; casar con de aquestos mios vassallos 1773 ; dans Ruiz fallards de las chu fêtas 989 ; dans Santillana f,zo debuenas canciones Sanch.
1. « fla ddla tenerezza, dello spirito. Neologismi, che fanno contra al genio clella lingua. Parlare a degli sciocchi si trova, ma è assolutamente da fuggire (Mussafia). »
42 PROPOSITION SIMPLE.
I, p. LXi; ovo de senalados homhres lvi; dans Gil Vicente dalde pan con del ayo 83^; corner de las viandas danosas Calil, é L. 37^ ; dans la poésie populaire : dar del vino, dar del pan S Rom. p. 8; port, hi ha de homens ruis GYic; em- prestae-me do azeite ibid. III, 271 ; arrancam das espadas Lus. 3, 131. — Le valaque ne connaît pas l'article partitif.
CHAPITRE m.
Pronom.
La richesse considérable en formations pronominales dont il a été question au tome II p. 73-104 et 415-422, rend quelque peu difficile la syntaxe de cette partie du discours. En effet d'une part on a beaucoup de synonymes qui ont chacun une valeur spéciale, d'autre part de petites différences de forme ont eu pour conséquence de grandes différences dans l'emploi, enfin plusieurs de ces mots ne sont usités qu'à un cas ou à un nombre déterminé. 1) Avant tout il est important de distinguer les pronoms subs- tantifs et les pronoms adjectifs. En outre il existe des pronoms formés tout-à-fait comme des adjectifs, qui ont cela de parti- culier qu'ils ne peuvent être placés devant aucun substantif, parce qu'ils contiennent déjà en eux-mêmes une idée de subs- tantif ou qu'ils renvoient à une idée de ce genre. La grammaire française les nomme absolus pour les opposer aux pronoms purement adjectifs qu'elle nomme conjonctifs ; cette distinction a été introduite aussi pour le pronom personnel. — 2) Les pro- noms substantifs sont soit personnels, soit neutres ; les premiers sont souvent produits par l'union d'un pronom adjectif aTec homo ou persoutty les seconds de même avec causa ou res : ital. ciascun uomo, ogni uomo, franc, chaque homme, toute personne, de m. ital. questa cosa, che cosa, fr. celte chose, autre chose, prov. mia res, nulla res, on emploie moins una causa, nulla causa. — 3) Plusieurs féminins d'une signification personnelle et neutre qui jouent le rôle de pronoms substantifs sont employés dans quelques langues comme masculins, on dit : v.ital. nulla cosa è tanto gravoso PPS. I, 82; v.port. algun rem FSant. 545 ; prov. ren que hom sia Choix III, 330 ; re nascut GRoss. 4087 ; fr. personne ne sera assez hardi ; rien n'est bon ; on m'a dit quelque chose qui est très-plai- sant. — 4) En italien on supprime souvent cosa, par ex. questa
PRONOM PERSONNEL. 43
ver ameute è graziosay et de là nuUa pour l'ancien nulla cosa *. Nous constaterons plus bas que le daco-roman aussi emploie des féminins dans le sens neutre ; de plus il exprime le neutre pluriel du latin par le féminin du même nombre, par ex. toate sunt gâta [oynnia sunt pay^ata), vorhî multe {multa loqui); les autres langues ne peuvent pas arriver à ce résultat sans adjoindre un substantif au pronom ; ainsi en provençal c'est par totas causas qu'on doit remplacer le lat. or}mia,\oy. G0.22b^. — 5) Les pronoms substantifs italiens colui, costui et cotestui peuvent se passer au singulier et au pluriel de la caractéristique du génitif; lui, lei et loro procèdent de même pour la marque du datif, cui et altri pour la marque des deux cas : per lo colui consiglio ; amor mi py^ese del costui piacer (del placer di costui) Inf. 5, 103 ; per lo costoro amore ; io dissi lui, io risposi lei (T^oét); quella il cui helV occhio tutto vede; aima gentil cui tante carte ver go ; hanno poienza di far altrui maie. Altrui, autrui jouit de la même liberté en pro- vençal, en français ancien et moderne, cui en provençal et en V. français seulement.
1. PRONOM PERSONNEL.
1. Nos et vos, lorsqu'ils servent à désigner une classe de
l. Tobler a montré comment le pronom féminin est généralement employé dans le sens d'un neutre {Jahrbuch Mil, 338 et dans ses Milthei- lungen I, 270, aussi dans le Dis dou vrai aniel p. 22) par les exemples suivants : il en ra une doné tel ; H a tele donnée (pr. a'n donat a Jaufre tal.. . û7 tal colp donat LRom. I, 153); puis ja altre n'en ferons; ceste m'a il baslie; ital. di sorta glien' ho data una. On est sans doute convenu d'expliquer d'autres cas par la chute d'un substantif, ce qui est possible pour l'it. in quella (se. ora), mais non pas pour m questa Petr. Canz. 17, à moins qu'on ne veuille suppléer dans ce passage meditazione.
Du reste cet emploi de pronoms féminins dont il vient d'être ici question rappelle un procédé analogue qui se présente pour divers adjectifs dont les féminins ont pris la valeur de substantifs indépen- dants et dont le sens répond à des neutres latins, féminins à côté desquels subsiste encore çà et là une forme masculine, c'est-à-dire neutre. Exemples : ital. esp. prov. alba, franc, aube (proprement la blancheur du ciel); ital. chiara, esp. prov. clara, franc, glaire; it. grossa, esp. gruesa quelque chose d'épais, un tas ; esp. larga distance ; it. lunga longueur; ital. nuova, esp. nueva, prov. pi. novas nouveauté; it. piana, \)vov. plana, franc, plaine, esp. llana un outil plat; ital. piena surabon- dance ; v.franç. pure la vérité pure; ital. secca bas-fond, esp. seca banc de sable; ital. stretta étroitesse; v.franç. voire, esp. pi. veras ce qui est vrai, vérité.
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44 PfiOPOSlTION SIMPLE.
personnes, s'unissent généralement à alteri. Ainsi ital. noi altre donne pensiamo cosî ; pr. anc vos autres non deman- detz venjansa Choix IV, 136 ; aussi franc, nous autres, vous autres. En espagnol nosotros, vosotros ont tout-à-fait pris la place de nos, vos (tome II, p. 82); ces derniers ne sont plus employés qu'en parlant d'une seule personne : dans le style de chancellerie on les applique à un groupe d'individus (nos los Inquisidores). Cette règle n'a pas pénétré en portugais, mais on fait dans cette langue un usage très-libéral des combinaisons nosoutros, vosoutros.
2, Quant au pronom de la troisième personne, quelques langues ont établi dans la manière de l'employer une distinction fine, suivant qu'il se rapporte à des personnes ou à des choses. 1) L'italien possède pour cette personne deux mots, egli et esso. Le masc. egli, plur. eglino, au nominatif au moins, ne se rapporte qu'à des personnes; ella, lui, lei, loro aussi repré- sentent plus volontiers des personnes. Mais esso s'emploie indif- féremment pour des personnes et des choses et tient lieu volon- tiers des autres pronoms, en vertu du principe d'euphonie, comme dans lui con essa au lieu de lui con lei, — 2) En français, le nominatif et l'accusatif du pronom de la troisième personne {il, lui, ils, euœ\ elle, elles) seuls s'appliquent aussi bien à des choses ; les formes accompagnées de prépositions {de lui, à lui, d'eux, à eux ; d'elle, à elle, d'elles, à elles ; contre lui, avec elle) ne renvoient qu'à des personnes ou à des objets personnifiés; en renvoyant à des objets on emploie en et y (plus bas § 6) : pour des êtres qui ne connaissent pas la distinction des sexes des adverbes sont assez bons. Cette distinc- tion rigoureuse des objets personnels et impersonnels, qu'igno- rent d'autres dialectes, tels que l'espagnol et le portugais, n'a pas non plus toujours existé en français. Dans la plus ancienne période de la langue cette règle n'était pas encore établie ; on trouve par ex. li hom est en lei neiz [en la cite) SB. 532" ; vos conformeiz a lui (se. exemple) 535 *! ; et même chez des écrivains d'une époque plus récente, par exemple chez Molière, on trouve et on blâme des infractions contre la règle telles que par elles {les actions), pour lui {l'intérêt). Cependant on tolère l'application du datif lui et leur à des animaux et à des plantes, et Ton dit ainsi coupez-lui les ailes {à l'oiseau)] il faut leur donner de l'eau {aux plantes).
3. En français le remplacement du nominatif par l'accu- satif est devenu une règle. En effet, partout où le pronom ne se
PRONOM PERSONNEL. 45
borne pas simplement à indiquer la personne du verbe, mais se présente avec une valeur indépendante comme sujet et réclame aussi en conséquence l'accent, les nominatifs je, tu, il, ils, que l'usage a ravalés presque au rang de simples mots formels, ne suflSsent plus, et leur place est prise par les accusatifs moi, toi, lui, eux ; ce changement ne pouvait atteindre elle, nous, vous, elles, car ces pronoms ont la même forme à Taccusatif. Cependant ces formes expressives ne sont pas immédiatement préposées au verbe, au contraire celui-ci reste accompagné des nominatifs faibles, on dit : moi je dis et non moi dis. Autres exemples : moi je n'en sais rien ; lui il s'en alla ; ils sont venus nous voir eux et leurs amis ; lui qui me l'a donné ; qui a fait cela ? moi ; il est plus riche que moi ; je ferai comme toi ; c'est toi ; toi seul. Cet accusatif se trouve aussi en anglais et en danois dans les formules it is me, it is him, it is her, det er mig. Le réfléchi soi se présente aussi comme sujet, mais non pas d'une manière indépendante : il est toujours réuni à même : il faut conduire ses affaires soi-même] angl. he told me himself. Si l'on se reporte à l'usage ancien on ne tarde pas à se convaincre que les formes du nominatif étaient loin d'avoir cédé à celles de l'accusatif dans la proportion admise aujourd'hui. On lit par ex. dans les Serments : si salvarai eo; quid IL mi altresi fazet ; ne lo ne neuls ; ce qu'on traduirait aujourd'hui par : ainsi sauverai-je moi ; que lui à moi pa- reillement fasse ; ni moi ni nul. Dans des textes postérieurs : je qui le ains (moi qui l'aime); je et vous ; je par 7na foi ; il et sa lignée ; il ou ma femme ; il seuls, il mismes ; je Jehan Froissart ; encore chez Marot je qui suis ; je de ma part. Toutefois il était aussi d'usage alors de mettre l'accusatif dans le cas où le pronom n'était pas directement uni au verbe, par ex. mei e ceste femme LRs.\ je ne vous fauldray mie, ne moi, ce dit Guichart QFA. 435; moi et mon frère Oarins nos irons la Gar. I, 68. Cela était surtout usité après les particules de comparaison comme et que. Les traces de ce procédé sont si rares en provençal qu'on peut à peine le regarder comme indigène. On lit dans le Choix III, 60 : mo7î escudier e me aveyn cor, où le substantif aussi est à l'accusatif. La grammaire italienne ne l'admet pas non plus et cependant on trouve assez souvent chez des écrivains anciens et modernes lui, lei, loro pour egli, ella, eglino et elleno (voy. surtout Blanc 226 ss.). En outre on s'est habitué à assigner la forme de l'accusatif au pronom dépendant du^rbe esse : io non sono
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46 PROPOSITION SIMPLE.
te ; s'io fossi lui ; aussi che fosse creduto lui Dec. 3, 7 ; de même après come : egli è corne me stesso ; io sono padre corne te ; sei donna come lei ^ Le grec moderne applique aussi dans ce cas l'accusatif, par ex. aÙToç sTvai i^s^aXo? aàv (grec anc. waav) àdéva (il est aussi grand que toi). Dans les Serm. de S. Bernard p. 523"^ on lit il serait si cum deu (pour deus). Les langues du sud-ouest ne savent rien de ce procédé ^,
4. Pronom personnel conjonctif. — Pour les deux cas obliques, l'accusatif et le datif, des deux nombres du pronom per- sonnel, le roman possède deux formes, l'une absolue et l'autre conjonctive (t. II, p. 76). La première trouve son application lorsqu'il s'agit de faire ressortir l'idée pronominale, aussi l'accent lui revient-il toujours, la seconde s'emploie lorsque l'accent du verbe prédomine ; lorsque le pronom se trouve sous la dépendance de prépositions la première forme est la seule applicable. La forme absolue suit donc le verbe comme tous les autres régimes selon la construction ordinaire, la forme conjonctive accom- pagne le verbe qu'elle suit et avec lequel elle s'agglutine souvent, voy. pour plus de détails à la quatrième section. Ital. ho detto a LUI ed a lei et gli ho detto ; vedo voi et vedoi^z ; date a LORO et date loro (pour cette dernière expression on a aussi en v.it. dategli). Esp. parece d mi et PARECEme; digo d vosotros et os digo ; via d tI et te viô. Fr. je ne loue que lui et je le loue; il conseilla à elles et il leur conseilla. Val. el au zis MIE et el mi au zis^ Le neutre ne se distingue du masculin qu'en espagnol et en provençal : él le quiere, él lo quie^^e ; sel lo quier, sel o quier ; dans les deux cas l'it. dit egli lo vuole et le fr. il le veut^. Les avantages syntactiques de cette méthode sont évidents : les mots atones se condensent en formes plus courtes, mais cependant distinctes, et se subordonnent à l'accent de la partie du discours dont ils dépendent. La chute de la particule
1. On ne peut sans doute plus contester que Pétrarque Son. 93 ait écrit cià che non è lei (d'après d'autres cià ché non c in lei), voy. Blanc 267. Cette leçon a été acceptée aussi par Marsand.
2. Du moins les expressions dont se sont servis D. Diniz : o coraçon pode mays ca mi p. 101, ou Gamoens, dans une de ses chansons, porque sois maior que mim, semblent être des gallicismes.
3. «Le pronom personnel conjonctif» remarque à ce propos un savant roumain « est toujours appliqué, même à côté de la forme absolue, de là el mi-a zis et el mi-a zis mie ; eu l'am vezut et eu l'am vezut pre el ».
4. Rarement, dans Jaufre par ex., le prov. lo est aussi employé pour so = ital. cià : quant la veg, lom dobla mai mon mal B. Chr. prov. 250, 4. Voy. Paul Meyer Derniers troub. p. 64.
PRONOM PERSONNEL. 47
ad introduite pour Texpression du datif rapproche la nouvelle méthode de celle de l'ancienne langue. Il faut encore observer : 1) Les pronoms conjonctifs ne s'appliquent que pour rendre l'ac- cusatif et le datif. Le verhe substantif lui-même doit se prêter à être accompagné de Taccusatif au lieu du nominatif : ital. io lo sono, io la sono (qui ne se trouve pas chez les bons écrivains); esp. yo le soy, yo la soy, yo Io soy, ellas las son ; fr. je le suis, je la suis (voy. plus bas chap. 4, § 2). Et ce qui prouve qu'on n'a pas à faire ici à des formes du nominatif dérivées de ille illa illud, mais bien à de véritables accusatifs, c'est en espagnol la forme le qui, usitée à l'origine pour le datif seulement, a fini par s'employer aussi pour l'accusatif (§ 5), et l'abus constaté plus haut de ce dernier cas vient aussi à l'appui de cette opinion*. — 2) En place du neutre on se sert aussi du fém. la, en sous-entendant causa, surtout en italien et en espagnol, et ici ordinairement dans certaines phrases. It. non posso capirla ; voi me la pagherete cara ; giacchè ho tempo, voglio un poco discorrerla ; ben ascolta chi la nota Inf. 15, 99 ; l'ha fatta bella (il a fait là une belle affaire); de même ella (res illa) non andrà cosî. Esp. el mas diestro la yerra ; dios te la dépare buena ; hacersela (tromper qqn.) etc. Peut-être le val. o (= illam pour le sens) doit-il être jugé de la même manière : el a zis o (il l'a dit); el 0 de de (il l'a donné). — Ce système est, comme on le sait, inconnu au latin, bien qu'il s'y trouve des formes abrégées comme mi pour mihi et, d'après Festus, aussi nis pour nobis, mais ces formes ont, à cause de la longueur de la voyelle, une dimension trop grande pour servir comme mots atones. Cette langue possède d'autre part dans les enclitiques met et pte un expédient suffisant pour faire ressortir l'idée du pronom. Mais le grec moderne présente pour la troisième personne une analogie parfaite en ce qu'il emploie la dernière syllabe d'aùxcç, comme le roman celle à' ille, au heu de la forme complète, par ex. Uq to (it. dallo); xbv -piùpiliù (lo conosco)] ôéXo) tcv YptJ'et (gli voglio scrivere)\ ty;v pXé'iïu) [la vedo). En v.h.allemand sie, sia, imo, inan s'affaiblissent en se, sa, mo, nan et en m.h.allemand si, ez, im, in, ir se réduisent à s, z, em, en, er, ce dont il s'est encore conservé quelques traces dans les patois allemands ; mais c'est dans le m. néerlandais que ces formes appuyées se sont le
1. Il ne faut pas voir des accusatifs dans les formes italiennes fami- lières, mais qui se trouvent aussi chez de bons écrivains, la pour ella, le pour elle, par ex. la va cosi-, se le vi piacciono (le cose). Déjà dans les PPS. 1, Z1 : se c'è fallanza, la è tua.
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48 PROPOSITION SIMPLE.
plus développées. Le slave, Talbanais et les langues celtiques présentent aussi des traits du même genre.
5. Il faut tenir soigneusement compte, à propos des pronoms conjonctifs, des formes doubles et des confusions véritables des cas. Chaque langue a ses particularités. 1) L'italien possède : ci) pour l'accusatif sing. masc. la double forme il et lo ; la première s'emploie élégamment devant les consonnes, sauf s impure, la seconde est d'un usage général : il vedo, lo sveglio, Vamo. h) La poésie est libre d'échanger à la rime les suffixes mi, H, si contre me, te, se, ainsi de dire par ex. lodarme pour lodarmi. c) On rencontre aussi du reste la forme absolue là où Ton s'attendrait à trouver la forme conjonctive, par ex. chez Dante : un poco me volgendo ; che purgan se ; per lui campare; mostraf ho lui etc. En valaque ce fait a passé à l'état de coutume. — 2) L'espagnol a trois formes doubles : lo et le pour illum, los et les pour illos, le et la pour illi au féminin, à) Lo pour illum, forme organique régulière à côté du datif le, domine dans l'ancienne langue, cependant on trouve déjà quelquefois le pour lo dans le PC. (v. 663, 720), plus sou- vent dans Berceo et dans les textes des xiii^ et xiv® siècles, assez souvent dans le Cane, gênerai, dans J. del Encina etc.; à partir du xvi° siècle le est la règle, bien que lo se hasarde encore çà et là, surtout chez Cervantes. Mais aujourd'hui le est considéré comme la forme correcte et on ne peut dire que le veo (je le vois) et non lo veo. b) Le pluriel les, proprement un datif, pour los est encore inconnu au PC, mais il apparaît dans des textes peu postérieurs, par ex. Alœ. 579 les pudo ventar ; CLuc. p. 11 fuéles ferir, et cette forme devient fréquente plus tard. La grammaire considère cet emploi comme fautif, c) La, comme datif du féminin, est très-usité dans les auteurs modernes à côté de le. On lit déjà dans Cervantes sin replicarla mas ; des- cubrila el rostro ; la diœo etc. — 3) En français les pronoms me et te, quand ils suivent immédiatement l'impératif et font pour ainsi dire corps avec lui, sdîit échangés contre les formes absolues moi et toi : on dit ne me donnez pas, mais donnez- moi, ai,de-toi, déjà en v. franc, pardonnez lo moi, mais lors- qu'un second suffixe suit, me et te restent autorisés : donne- m'en et non pas donne-moi-en. En v. français moi, toi, soi, lui sont généralement aussi employés comme des conjonctifs, sans qu'on cherche pour cela à insister sur le pronom : ainsi moi est avis ; ce poise moi ; je vanterai moi ; pour toi conforter ; prent soi à correcier ; chauça soi e vesti ; pour lui veoir ;
PKONOM PERSONNEL. 49
dans les Liv. des rois : pur mei ocire 11 ; pur sei aiser 93 ; pur sei salver 106 ; pur li [lui) salver 74 ; encore au xv® et au XVI® siècle : pour tuer moy ; de toy rendre ; soy monstrant Gh. d'Orl.; soy trouvant Gom.; soy rigoller Rabelais.
6. Outre le pronom conjonctif il existe encore deux particules pronominales, qui peuvent représenter d'une manière concise et nette la troisième personne lorsque l'on ne veut pas la mettre en relief; cet usage n'est toutefois pas commun à toutes nos langues. 1) Le rapport exprimé par la préposition de peut être rendu par l'adverbe inde, c'est-à-dire ital. ne, prov. en, ne, franc, en. Gela a lieu le plus souvent lorsqu'il s'agit d'objets, ou d'une phrase déjà exprimée, auxquels cas le véritable pronom (ital. egli, franc, il, voy. § 2) n'entre pas en jeu. Exemples : ital. quanto ne voleté ? {di quelle cose) ; ne fece una ghir- landa {de' r ami) ; io me ne ricordo ; il en est de même en provençal. Franc, j'en ai assez ; fen suis content ; qu'en pensez-vous ? il pourrait en mourir {de cette maladie ; d'elle serait incorrect). Mais on désigne aussi de cette façon des personnes. Ital. noi navremo huon servigio {di lui) Dec, 3, 1 ; erane amante {di lei) Orl. 5. 64. Prov. una'n sai {d'elhas) ; aissi cum suelh del senhor de Narhona chantar ah gaug, ne chanti ab dolor Choix lY, 77 ; amicx a vos mi ren e faitz en so queus plaia (où en renvoie à la l""® per- sonne : « de moi ») I, 183. On ne dirait pas en allemand hier hin ich, macht damit {mit mir) was ihr wollt. Fr. il avait deux fils, il lud en est mort un, Get usage roman se rattache immédiatement à l'emploi latin de inde qui peut, en se rappor- tant à des objets ou à des personnes, remplacer ex illo, ex illis, ou le génitif partitif ; des chartes du plus ancien moyen âge en offrent déjà des exemples : si inde potis manducare (franc. en manger) Form. jB. n. 11 ; qui inde aliquid vult dicere Form. ital. app. L'espagnol ne dispose que du pronom {de él, de ellos)\ mais pour le génitif partitif il peut employer l'accusatif de la forme conjonctive, p. ex. romances, como los hay (fr. il y en a) para ciegos ; un vaso de vino, si le hay. Mais le v.esp. connaissait un adverbe pronominal ende, p. ex. hagades ende sabor PC. 2110 ; so ende bien certero Bc. Mil. 353 ; èl non quiso ende {de la ganancia) parte Alx. 1294 ; lo que ende ha notado en su corazon Cal. é D. p. 11^ On a aussi en v.port. ende et em : que Ihi dé ende alguna cousa SRos. I, 422; nunca vos raais direi en Trov. p. 19. — 2) Pour le rapport représenté par ad, en tant qu'il ne répond pas au datif proprement
DIEZ III 4
50 PROPOSITION SIMPLE.
dit, auquel un pronom conjonctif a déjà été affecté, on a l'adverbe iBi, ital. vi ou ci, v.esp. v.port. y, pr. y (hi, i), fr. y. Ital. io vi penso (a questa cosa)\ metteteci delV acqua\ ci vuol molto. Esp. si algun otro embargo y no fuere ; port, non me val y. Prov. non hi vuelh tornar jamais (se. al turmen). Franc. j'y répondrai dans la suite ( se. à la lettre ; à elle serait incorrect, comp. § 2); je n'y ai pas pensé \ je l'y ferai con- sentir. Cet adverbe renvoie à des objets et à des propositions entières ; il se prête difficilement à être rapporté à des personnes : fr. c'est un honnête homme, fiez-vous-y ; prov. er don per dieu sa vid' e la y prezen (qu'il donne maintenant sa vie à Dieu et qu'il la lui offre) Choix lY, 110^. Ici encore le latin donne l'exemple avec ibi, dans les cas où ce mot peut s'expliquer par ea re, et ce procédé est aussi fort usité dans le plus ancien bas-latin (voy. des exemples dans le Choix I, 62). En espagnol le pronom se maintient : me fio en ello ; no pienso en ello. — Au reste les deux adverbes n'en conservent pas moins leur signification d'adverbes de lieu : ital. me ne son tornato ; vi vado ; non ci sono stato mai ; prov. ieu ni en anarai ; tôt lo bes hi es ; franc, il en vient ; j'y passerai ; esp. de alli pour inde, alli (aqui) pour ibi.
7. Pronomen reverentiae. — Dans tout le domaine néo-latin on peut s'adresser à une seule personne au moyen de tu, et le daco-roman (ainsi que le polonais) ne possède même que ce seul mode d'interpellation pour la deuxième personne ; on s'adresse à l'empereur lui-même en lui disant meria ta (ta majesté); mais dans les autres langues on a introduit un pluriel de courtoisie vos\ enfin dans quelques-unes d'entre elles on se sert de la troisième personne, c'est-à-dire d'une interpellation indirecte, ce qui a entraîné l'emploi régulier de constructions anti-gramma- ticales.
Vos (possessif vester) suggéré, comme l'a déjà remarqué Dante [dal voi che prima Roma sofferie Par. 16, 10), par l'expression nos pour ego, que les princes revendiquent d'après l'exemple donné par les empereurs romains. Ce mot, déjà cou- ramment usité dans les plus anciens textes romans, a refoulé toujours plus loin l'expression plus naturelle tu. Seuls le langage de l'amour et de l'amitié la plus intime, comme d'autre part celui de la colère et du mépris, se servent encore de Tinterpellation
1. Sur la combinaison provençale lo y, la y comp. cependant tome II, p. 90 note.
PRONOM PERSONNEL. PRONOME N REVERENTIAE. 51
au moyen de tu ; ce mot est aussi appliqué à des individus d'un ordre tout-à-fait inférieur par des personnes plus haut placées. On se conforme encore à l'ancien usage en s'adressant à l'être suprême et aux saints, bien que l'emploi de vos dans ce sens ne soit pas sans exemple au moyen âge, non plus qu'en espagnol encore dans certaines occasions. Dans la langue poétique les choses se passent un peu différemment. La plus ancienne poésie, à la vérité, ne s'écarte pas beaucoup de l'usage du discours fami- lier : vos prend déjà une grande extension, mais il ne se sépare pas encore si rigoureusement de tu qu'ils ne puissent être em- ployés tous deux à l'égard d'une même personne, par ex. Fer. 3585 ss., cf. Orelli 149*. Des poètes espagnols, provençaux et V. français rapportent sans difficulté vos à des objets personnifiés : ils interpellent ainsi le cœur, la pensée, l'orgueil, la mort, le monde et même le sang (voy. Num. 4, 3, p. 86)-. Dans un ancien poème épique français, par exemple, le célèbre héros Renaut dit vous à son cheval Baiart, et même à son épée Frohert [ahi Frohert, quel bonté en vous a!) Ren. de Mont. p. 301. 434. Un vieux poète portugais applique sans hésiter le pronom vos à un étourneau : ay estorninho do avelanal, quando cantades vos, moir' eu Trov. Vat. p. 14. D'autre part la poésie moderne a fait de nouveau des concessions au classique tu ; elle l'a surtout réintroduit dans les peintures du monde antique. Des poètes italiens appliquent par ex. ce mot à de hauts protecteurs, Pétrarque à J. Golonna, le Tasse à Alphonse, tandis que l'Arioste et Camoëns s'adressent au pluriel au cardinal Hippohie et au roi de Portugal. Dans la littérature française vous prédomine jusqu'aux abords du xvr siècle : Charles d'Orléans encore dit vous à Dieu (Dieu par vostre courtoisie p. 203), mais Clément Marot n'emploie que tu dans ce cas, de même qu'à l'adresse de hauts personnages (approche- toi, (7^aWe5.'), et cet usage s'est maintenu dans l'ode. Dans la
1. Cette confusion n'est pas moins fréquente dans le latin du moyen- âge : nolui sine consilio vestro, tu autem dixisti Gr. Tur. 5, 19 ; qui timor tibi in deum sii. . . omnia quae gloria vestra profert 8, 30 ; ut dignemini quasi finno amico tuo Form. B. 1 ; tu domine mi rex, audiat me clementia vestra Esp. sagr. XXXIV, 474 (ann. 985).
2. Conformément à ce procédé, certaines personnifications sont quel- quefois accompagnées du titre seigneur ou dame. Prov. En et Na : En Leutatz (employé comme masc.) LR. I, 413, Na Discordia Poes. der Trouh. 200; v.franç. sire, dame : sire Yver NF. Jub. II, 40, aussi dans Denier ibid. 265, dame Envie Ruteb. 1, 81 ; csp. Don, Doha : Don Jueves, Doha Quaresma Rz. On connaît le m. h. ail. hêr Meie, vrou Minne.
52 PROPOSITION SIMPLE.
tragédie le vous plus cérémonieux est employé entre personnes d'un rang élevé, le tu entre les personnes inférieures et quelquefois dai)s le discours de deux amants ; tout cela est en rapport avec les usages du jour. — Au point de vue de la syntaxe il faut noter comme un fait commun à tout le domaine roman que le verbe avec vos se met au pluriel, mais que l'adjectif ou le participe se règle sur le genre ou le nombre de la personne à qui l'on s'adresse, ainsi en italien on dit, en s'adressant à une seule personne : voi siete arrivât o (et non arrivati); voi siete gra- Zlosa (et non graziose) ; esp. vos habeis llegado ; vos sois hermosa ; franc, vous êtes arrivé', vous êtes bonne. Mais le plus ancien bas-latin disait, d'après le strict principe gram- matical, à une seule personne vos estis inhonorati (Grimm, ly, 300) et le grec moderne se comporte encore de même. Mais le passage de la construction grammaticale à une construction plus matérielle était tout indiqué, car le substantif attributif ne pouvait pas se plier au nombre du pronom ; voi siete donna, voi siete donna graziosa devait nécessairement entraîner voi siete graziosa. Dans l'interpellation dirigée à plusieurs per- sonnes la langue n'a pas réussi à distinguer le premier degré du second : voi siete arrivati, vosotras sois hermosas, vous êtes bonnes permettent de supposer qu'on interpelle chacune des personnes aussi bien par tu que par vos.
Le français s'en est tenu à vous\ les autres peuples ont poussé plus loin l'obséquiosité, a) L'italien a donné le titre de vostra siGNORiA, prononcé vossignoria, écrit V. S., d'abord seulement à des personnes de haut rang, enfin' à tout individu qui est censé faire partie de la bonne société, bien que des personnes du même monde et dont les relations ont un certain caractère d'intimité reprennent volontiers la formule voi. Le pronom qui remplace V. S. est ella (posses. suo), au plur. elleno (posses. loro), mais ces pronoms peuvent aussi être sous-entendus. Les plus anciens auteurs accompagnent vostra signoria de voi au lieu de ella et reviennent donc à la deuxième personne (voy. Guit- tone Lett. 2Q et CN. 10 : dinanzi alla vostra signoria domando che mi facciate etc.). Ella ne débute qu'avec le XVI® siècle, on le trouve dans Machiavel, Annibal Garo, le Tasse etc. (Blanc 273). Les formes des cas obliques sont le, la,
I. Ce n'est qu'en s'adressant à des personnages très-haut placés que l'inférieur parle à la troisième personne, par ex. Son Excellence veut-elle que je lui raconte ce qui s'est passé ?
PBONOM PERSONNEL. PRONOMEN REVERENTIAE. 53
plur. loro, le, quand on parle sans insister sur le pronom. Le participe ou l'adjectif qui se rapporte à V. S. ou à ella s'accorde volontiers avec ces expressions, cependant beaucoup d'écrivains procèdent ici comme pour voi. Exemples : F. S. è stata sempre bene? ha (ella) da comandarmi qualche cosa? perdoni signora ; ascoltino un poco ; serva umilissima di lor si- gnori (de vous, messieurs); ho da supplicarla ; se le place ; gliene sarô obbligato ; non faccio che secondare la sua (aussi la di lei) inclinazione \ son serva loro. Au lieu du nominatif ella et elleno on se sert généralement de l'accusatif lei et loro, nouvel exemple de la faveur accordée à ce cas : dove va lei? loro Inglesi sono ricchissimi etc. L'allem. Sie difîère par deux côtés de ella, ce mot est un pluriel et, comme renforcement de l'ancien Er (d'après Grimm), il tient lieu d'un titre concret (der Herr) et non de l'expression abstraite Euer Gnaden ; il est inférieur à ella en ce qu'il n'admet aucune dis- tinction de nombre. — b) k l'ital. vossignoria répond l'esp. VUESTRA MERCED, abrégé usted^, plur. vuestras mercedes , ustedes, écrit Fm., Vmd., plur. Vyns., Vmds. Ce pronom de courtoisie a pris peu à peu dans les derniers temps une grande extension, cependant vos (d'après le dictionnaire de l'Académie) continue à être employé par des personnes inférieures à l'égard de gens plus haut placés et réciproquement. Usted ne peut pas être remplacé par ella, on doit répéter le premier mot ; mais au datif et à l'accusatif les pronoms conjonctifs sont applicables. Le participe et l'adjectif se règlent per synesin sur le genre de celui à qui l'on parle. Exemples : digame vuesa merced\ vuestras mercedes se queden a la puerta ; no diga Vmd.\ no digan Vmds.; soy de V7nd.\ Vmd. quedard satisfecho; Vmds. sean bien venidos; le quiero decir\ yo se lo daré d entender ; pléonast. (voj. § 9) yo las halle d Vms. ; avec suppression de Vmd. : si otra cosa quiere ; no lo entienden. Le possessif su se renforce souvent au moyen de Vm. : beso sus manos de Vm.\ sus muchas qualidades de Vm., senora. Le correspondant portugais vossa mercé, pron. vosmsé (familière-
1. L'abréviation est forte, mais elle est certaine. On en trouve la confirmation dans des formes correspondantes, comme usencia de vuesira rêver encia, aussi usehoria et même usia de vuesira senoria. Le v initial est tombé, comme dans os pour vos, mais il s'est conservé dans les formes catalanes vosté (qui est aussi usité en sarde), vosencia, vosenyoria. La dérivation du persan-arabe ustâd (maître, seigneur) est dépourvue de tout fondement.
54 PEOPOSITION SIMPLE.
ment vos se), écrit V. M., suit la même règle. — c) En valaque on trouve un correspondant de l'ital. vossignoria qui est dum- niatà (Dtà), plur. dumniile voastre, mais le verbe se construit avec cette expression à la deuxième personne et non à la troi- sième, et nous avons encore là un exemple de trouble apporté à la grammaire : imde ai fost dumniatà ? (où avez- vous été ? littéral, ubi fuisti dominatio tua?); ce cugetzi dumniatà? (que pensez- vous ? ) ; eu tzi multzemesc pentru hunetatea dumniei taie (je vous remercie pour votre bonté). Les titres honorifiques du grec moderne ne sont pas autrement traités : '(] £ÙY£V£tà aou Tj^cùpsiç cTi G£ aYaTTô) (Votre Grâce sait que je vous aime). On passe du reste de dumniatà au simple tu : eu am tremes dupe dumniatà, se te chieme (je vous ai envoyé quel- qu'un pour vous appeler). A la troisième personne on dit de même : unde merge dumnialui, -ei, -lor (où va le seigneur, la dame etc.?). — 11 existe dans quelques langues- certains verbes pour exprimer les diâerents degrés de l'interpellation : b.lat. tuissare, vohisare, esp. tutear, vosear, cat. tuejar, franc. tutoyer, v.fr. envouser, patois genevois vousoyer, ital. seule- ment da?' del tu, del voi, del lei.
8. Réfléchi. — Lorsque le pronom de la première et de la deuxième personne renvoie à lui-même, le latin emprunte l'ex- pression de ce rapport à la série de ses cas obliques, comme dans ego me laudo, tu te laudas. Les langues filles ne se sont pas écartées de ce principe. Si le sujet est une troisième personne, le rapport réfléchi est de même indiqué par le pronom de la même personne se, sihi, sui : omne animal se diligit ; malus sihi nocet. Ce dernier pronom est le réfléchi par excellence, aussi le nominatif lui fait -il complètement défaut. Les cas obliques du démonstratif is servent au contraire à renvoyer à un objet qui n'est pas le sujet de la phrase. Lorsque le pronom se trouve dans la proposition subordonnée, le renvoi au sujet de la proposition principale s'opère également au moyen du réfléchi : multi nil rectum nisi quod placuit sibi ducunt ; Herculi Eurystheus imperavit, ut arma sibi afferret. On constate certaines hésitations : dans le cas par ex. où l'inconvénient d'une équivoque ne se présente pas, is peut aussi prendre la place du réfléchi : Camillus mihi scripsit, te locutum esse cum eo (secum); dicam cognatis, ut bona mea inter eos {se) par- tiant.
Quelle forme ce rapport a-t-il prise en roman ? Les diverses langues s'accordent assez bien, cependant il vaut mieux étudier
PRONOM PERSONNEL. REFLECHI. 55
le français à part. 1) Si le pronom rétrospectif a son sujet dans la même phrase, le réfléchi est presque partout maintenu et le conjonctif se, surtout lorsque le pronom auquel il renvoie le précède immédiatement (eglino si maravigliano), ne se laisse échanger contre aucun des cas de ille. Ital. diceva fra se ; dicevano fra se ; eglino non pensano che a se ; erano fuor di se. Esp. hace esto de si mismo ; hacen mal d si; no estan en si. Prov. pensava entre si; dieus vos a mandai a se venir. Dans le sens réciproque on emploie en italien après des prépositions loro : dicevano fra loro (entre eux, esp. decian entre si, comme lat. inter se) ; domandavan tra loro. En provençal on évite généralement après des prépositions l'emploi du pluriel du réfléchi, on lui préfère lor ou els : las dompnas lo partran entre lor Choix IV, 69 ; sunt abraizat en els mezeus (sibimet ipsis accensi sunt) GO. 1^. En italien à l'inverse on remplace volontiers par seco les formes con lui, con lei, par ex. quel ben perdut' hai seco (avec elle) P. Cz. 22, 2 ; a partir seco (avec lui) 8on. 317 ; comp. prov. annet se sezer lonc se (à côté de lui) Jfr. 169^. — 2) Si le second pronom renvoie à un sujet placé dans une autre phrase, on choisit au lieu du réfléchi le démonstratif ille avec le sens du pronom personnel, on dit ainsi ital. egli disse a colui che Vaveva invitato [qui se invitaverat) ; egli prego Filippo che sedesse con lui (ut sederet secum). Esp. decia tainhien al que lo habia corabidado ; rogô a Felipe que se sentase con el. Prov. endrepetava a els en totas las escripturas que eran de lui meteis (interpretahatur illis in omnibus scrip- turis, quae de se ipso erant) GO. 112^. A l'hésitation du latin classique sur ce point a succédé dans le latin de la décadence une tendance de plus en plus marquée à admettre cette expres- sion ; ainsi dans Pétrone : scripsit, ut illi (sibi ipsi) semen mitteretur; en b.lat. orans, ut sibi sanctus succurreret atque ei (sibi) concederet gratiam Gr. Tur. 5, 14 ; se ven- turum in imper ium, quod olim fuerat illi (sibi) datum Nith. 2, 1. Le v. h. allemand est entré dans la même voie, tandis que le gothique est resté fidèle au réfléchi : au lat. dicebat ei, qui SE invitaverat répond le goth. qvathuth than jah thamma haitandin sik ; v.h.allem. tho quath her themo ther inan ladota. On procède de même avec des infinitifs et des participes qui peuvent se remplacer par une proposition relative comme ital. egli aveva veduto un uomo imporgli la mano (sibi imponere). Mais seco peut aussi rester dans la proposition
56 PROPOSITION SIMPLE.
subordonnée : la donna attenta stava, acciô che nulla seco (auprès d'elle) il mago avanzi Orl. 4, 23.
Le français se comporte avec le conjonctif se de la même manière que les autres langues ; pour soi et lui on a établi les règles suivantes. 1) Soi réfléchit des idées impersonnelles; on dit le vice est odieux de soi. — 2) Il peut aussi représenter des personnes d'un caractère indéterminé, surtout des pronoms indé- finis : chacun travaille pour soi; on pense trop à soi; pren- dre garde à soi ; mais, ce pronom n'étant pas usité volontiers au pluriel, on dit pourtant quelques-uns dirent en eux-mêmes, ainsi comme déjà en provençal. — 3) Lui renvoie à des personnes définies : le Pharisien priait en lui-même ; il prie Philippe de s' asseoir près de lui; de même en v.fr. le duc disoit en lui ; Artus por faire de lui parler (pour de soi) Brut.; por lui vengier (soi) 242; por lui aaisier (se reposer) RCam. 146; pur els eshaneier (soi) Roi. p. h; por aus garir (soi) FI. Bl. 832. Avec le pronom conjonctif : il dit a celui qui l'avait invité {qui se invitaverat). — 4) Pour éviter des confusions on tolère aussi soi au lieu de lui, et l'on dit ainsi qu'il fasse autant pour soi que je fais pour lui. Dans l'ancienne langue et même dans la langue moderne on surprend soi employé dans d'autres circonstances encore, par ex. Rollant et li XII. per od sei (avec lui) Charl. v. 232; la roïne ses amies fist à soi venir Brut II, p. 104 ; mil damisiax avoit à soi 108 ; Jésus con- noissant en soi-même etc. (Jésus cognoscens in semet ipso viriutem quae exierat de eo). On voit que la méthode fran- çaise présente cette particularité que lui peut faire Toflice de pronom réfléchi, même dans la proposition simple, oflîce qui est attribué au démonstratif aussi dans d'autres domaines. Des écri- vains négligents l'emploient même pour l'accusatif se ; Comines par ex. a dit : ces gentils-hommes s'estoyent desarmez pour eux rafraichir (p. 503), il arrive souvent aussi à Froissart de commettre cette méprise ^
9. Pronom personnel pléonastique. — 1) Il arrive quel- quefois qu'après avoir déjà exprimé le sujet on joint encore pléonastiquement au verbe le pronom de la troisième personne au nominatif, surtout en français, par ex. la fille donc du plus grand roy du monde elle est à toy Mar. II, 293. Si dans cet exemple le pronom a charge d'insister à nouveau sur le sujet séparé du verbe par d'autres mots, il est d'autre part, dans
1. Dans le dialecte du Berry par ex. on dit : c'est soi {lui) qui a dit cela.
PRONOM PERSONNEL PLÉONASTIQUE. 57
l'ancien style épique, immédiatement uni au sujet comme pléo- nasme, ainsi dans ces passages : li nies Marsilie il est venuz avant Roi. p. 27 ; reis Cor salis il est de l'altre part ibid. 28; e Berenger il fiert Astramariz 41, déjà dans Léger 20 reœ Chielperings il se fud mors. On est peut-être autorisé à attribuer à cet usage une origine allemande. Il est tout-à-fait reçu dans la poésie populaire anglaise, danoise et suédoise, et très-familier au V. h. allemand : ki/MC Constantin der gap s6 vil ; sîn herze daz was tugende vol, bien que le pronom ici précède plus volontiers le sujet : do wâfent er sich drâte Karl der vil reine. Ce procédé est connu également de la poésie allemande de nos jours : der Thûrmer er schaut ; das Kind es denkt. — 2) Souvent on utilise le pronom conjonctif pour annoncer un -cas oblique qui suit ou pour y renvoyer lorsqu'il a déjà été exprimé. C'est là un procédé extrêmement usité au sud- ouest jusqu'à nos jours et qui a presque passé à l'état de règle lorsque le substantif est en tête de la phrase. Exemples : ital. queW uomo non lo posso vedere ; eccolo quelV imper- tinente. Esp. aquelas non las puede lehar PC; capa no la tenian; d mi hermano le parece\ d mi me parece\ a él le pesa ; le dixo el senor d la Magdalena ; damos vos en don d vos] port, do que moiro gran prazer end' ei Trov. 199 ; ao doente nâo se Ihe ha de fazer a vontade S. de Mir. II, 135 ; as merces os rreys as daâo CGer.\ a meu pai jd Ihe peza ; a mim bastame saber ; nos ficou a nos. Prov. de sol lo dig n'ai eu lo cor jauzen Choix III, 371 ; li volia gran be ad ela V, 46 ; a my me sembla (comme esp. a mi me parece) Chr. albig. HL. III, col. 87 ; v.fr. ceste bataille veirement la ferum Roi. p. 35; del vin asez nus en donastes Charl. V. 650 ; corner uni li les oyHlles à celui (tinnient ei aures) LRs. 12. En français moderne il est de règle d'annoncer le pronom absolu en le faisant précéder d'un conjonctif : il me l'a dit à moi; on leur a répondu à eux. Aussi en val. minci- nosului nu i se crede {mendaci non creditur) ; m' au trimis pre mine (misit me). D'anciennes chartes d'Espagne et de France présentent souvent ce pléonasme : ipsam civitatem restauramus eam Esp. sagr. XL, 365 (ann. 760) ; ipsas piscariaSy quas didtis, habuit cas antecesor meus XIX, 368 (ann. 961); ipsas villas senior meus michi eas dedid HL. I, 25 (ann. 782) ; ipsas res volemus eas esse donatas ibid. 33 (ann. 804); ut quasdam villas. . . eas confirmare non denegaremus Mab. II, 696^ (ann. 845). Grégoire de
58 PROPOSITION SIMPLE.
Tours dit eœutos veste juhet eos ad reginam deduci 5, 50, mais ici le pronom contribue à la clarté de la phrase. Il faut encore citer à ce propos un usage de la langue basque, en vertu duquel chaque verbe se fait accompagner d'un pro- nom qui a la valeur d'un régime, et dans le cas aussi où le substantif dépendant lui-même suit (W. de Humboldt dans les Tableaux comparatifs de Vater). — Si le cas oblique placé en tête est séparé par plusieurs mots du verbe qui le régit, le pléonasme peut contribuer à la clarté de même qu'il favorise l'inversion (voy. à la quatrième section) : ital. di quest' anime st anche non poterehbe famé posar una Inf. 7, 65 ; esp. la fama de mi belleza pocas lenguas hay que no la publi- quen Nov. 10 ; port, a linguagem daquella terra nam a sabiam R. Men. c. 6. Quant à la manière dont un nominatif placé au début de la phrase peut être rectifié par un pronom, nous nous réservons d'en parler à propos de la construction. — 3) On renvoie de même à un relatif au cas oblique, lors même que le cas serait indiqué assez clairement pour pouvoir se passer de tout secours de ce genre. Ital. fortezza cui valenza di coraggio la chiama alcuna gente BLat. 111 ; ombre ch'amor di nostra vit a dipartille Inf. 5, 69 ; tu hai unaltra cosa che non la ho io Dec. 3, 10. En espagnol ce procédé est usité en toutes circonstances : el rei que la naturaleza lo hizo S. Prov. 148; las ramas que el peso de la nieve las desgaœa Gare. Egl. 1 ; romances que los cantaba Nov. ; aquella région do no se espéra en ella un dia sosegado Num. 2, 2. V.fr. de qui . . . doit li renons de lui aller. Yal. hertia, carea o ai cumperat. Le grec moderne dit de même 6 àvOpwTîoç, Tov oTuotov (7'r][j.£pov Tov l'Ba. Mais lorsque Térence dit quem neque fides neque jusjurandum neque illum misericordia re- pressit Ad. 3, 2, illum a pour fonction de rappeler à l'esprit le régime éloigné : c'est là un emploi avec lequel le procédé roman n'a certainement aucune relation. — 4) On attribue géné- ralement aux adjectifs totus et ambo, lorsqu'ils sont employés comme absolus et au cas oblique, le pronom conjonctif, qui usurpe ici en quelque sorte les prérogatives de l'article (p. 35). Ital. egli ama tutti i fiori et gli ama tutti, tutti gli ama. Esp. todos los quebrantaron \ d amas (c.-à-d. ambas) las cubriô PC. 2817 ; port, deos que todo o manda. Prov. todas las mescre Choix III, 69 ; ambedos los rete IV, 100 ; franc. je les aime tous. Comp. grec mod. cXa xà Yix,ou(7a, allem. ich habe es ailes gehô'rt ; ich sah sie beide. — 5) En grec, en
PRONOM PERSONNEL. PÉRIPHRASE. 59
latin et en allemand on intercale souvent un datif du pronom de la première et de la deuxième personne pour donner plus de chaleur à l'expression (dativus ethicus), comme wç /.aXcç [xzi 6 Tiariuo;! quicl mihi Celsus agit? das war dir eine Geschichte! Si Ton met à part les cas où le pronom donne au verbe un sens moyen et où par conséquent il doit toujours, au point de vue de la personne, s'accorder avec le sujet (ital. io 7ni taceva ; ella si sedea), cet usage semble se présenter moins souvent dans nos langues. Cependant il faut considérer comme attenant à ce procédé l'emploi de ecce lorsqu'il est uni à tibi ou vobis : ecce tibi Sebosus ; ital. eccoti un nuovo accidente ; v.esp. afevos dona Ximena ; prov. vecvos l'emperador ; v.fr. es-vous un 7nessagier\ val. eaccetelu. C'est le v.français surtout qui nous en fournit d'autres exemples : pernez mei Michée ! {tollite Michaeam !) LRs. 338 ; ce pautonnier me pendes ! ÈCam. 310; la me noiez! NFC. II, 2Q ; le m' ochies! SSag. p. 119; de même regardez moy la mine de ce galand H. Es tienne Hypomn. p. 172 ; je vous luy ay bien chanté sa leçon ibid.
10. Une expression périphrastique destinée à représenter le pronom personnel a été formée en provençal et en v.français au moyen du mot corpus (corps, cors)^ en sorte que meum corpus a un sens identique à ego. C'est en provençal que cette périphrase est le plus usitée, par ex. non puescon mesclar vostre gent cors encontral mieu (ils ne peuvent pas séparer votre beau corps du mien , c'est-à-dire vous brouiller avec moi) Choix III, 142 ; quel vostres cors so teinh' a mal ibid. 8 ; bem 77ieravil cwn vostre cors s'orguelha 22 ; ieu noii sai ges son cors s'el s'azauta de me Jfr. 90^; v. franc, mon corps se pendera QFA. 564; mes corps est liiés du fort lien de mariage Ccy, 218 ; ne volray mon corps remarier ChCyg. 679 ; quant men cors y venra HCap. 119 ; par un des siens e par mon cors soit la bataille Parton. I, p. 93 ; de même aussi le cors Rollant pléonastiquement pour Rollant, voy. Roi. p. 19. En v.esp. cuerpo peut signifier personne, vie, âme, on trouve Bacus, mi cuerpo venturado Alœ. 218, comp. Bc. Mil. 850. 869 ; mando vos los cuerpos servir PC. 1880; quitar el cuerpo 1043; alegrôsle tod' el cuerpo 3195 ; puso el cuerpo en aventura Sanch. I, 175. Le latin employait aussi corpus, comme le grec awjjLa, pour personne (salvete optuma corpora Enn. ex. Med.). Une expression plus abstraite que le roman corps et beaucoup plus usitée est le m. h. allemand lîp : got hazze sînen lîp=z i^r. dieus azir S07i cors: Sïvrides
60 PROPOSITION SIMPLE.
lîp = v.fr. cors Rollant ; min lîp der was gedanke vol ; ir lîp ist vro \ ez bekumberte minen lîp. De nos jours les langues romanes emploient avec une valeur pronominale le clas- sique PERSONA, autrefois on usait moins de cette liberté : ital. struggon di dolor la 7nia persona = me GCav. 282 ; cam- patemi la persona CN. 88 ; pr. ai ma persona plena de gran tristor Choix lY, 78 ; guarda ma persona 421. Gomp. encore l'anglais no hody, every hody.
2. PRONOM POSSESSIF.
1. Quelques langues possèdent deux formes pour le possessif, Tune conjonctive, l'autre absolue; dans les autres la même forme sert aux deux emplois. 1) En espagnol mi, tu, su et mio, tuyo, suyo sont conjonctifs, mais seuls les trois derniers ont en même temps la valeur absolue : mi amigo, el amigo mio ; aquel es enemigo tuyo y no suyo ; el mio, lo mio, los mios (v.esp. lo so pour lo suyo par ex. FC. 986). La seconde forme n'est pas plus expressive que la première, aussi les voyons-nous employées comme synonymes l'une à côté de l'autre : mal tratas mi amor y la fe mia\ mi bien y gloria mia! — 2) En provençal aussi mon, ton, son et mieu, iieu, sieu sont con- jonctifs, et la seconde forme est aussi absolue : mos amies, lo mieus amies ; no sia fâcha la mieua voluntat, mas la tieua ; despendre lo sieu. — 3) En français mon, ton, son sont seulement conjonctifs ; le mien, tien, sien seulement absolus. Le pronom absolu ne s'emploie plus guère comme attribut : au lieu de ces fruits-là sont miens on dit mieux sont à moi ; ce livre est à vous, mais ital. questa casa è sua ; esp. este jardin es tuyo ; port, isto he meu.
2. Sur le rapport du pronom avec l'article, dont nous avons réservé jusqu'ici l'explication, il faut observer ce qui suit. 1) L'article défini est absolument nécessaire au possessif grec (ô Goç BouXoç), le possessif gothique et v. h. allemand le prend à volonté {so giba theina, thaz mînaz hluot). En roman les diverses formes du possessif conjonctif (car c'est de ce pronom seul qu'il est question ici) aussi bien que les différentes périodes de la langue déterminent la distinction suivante : les formes qui ne peuvent que précéder le substantif écartent partout l'article à l'époque moderne, celles qui sont mobiles (voy. à la quatrième section) s'accommodent avec lui. a) Le possessif italien demande l'article {il mio libro, il lihro mio), sauf dans les cas suivants :
PRONOM POSSESSIF. 64
a) Des titres de parenté employés au singulier le rejettent : mîo padre, vostra madré, loro zio^\ si le titre de parenté est caractérisé par un nom propre ou accompagné d'une épithète, l'article reprend ses droits : il vostro figlio Antonio, la vostra signora madré, la sua hella moglie, et de même partout au pluriel : le vostre mogli etc. (i) Des titres abstraits se passent également de l'article : vostra Maestà, sua Santità. Mais ni la règle, ni les exceptions ne sont strictes : il arrive souvent qu'on supprime ou qu'on tolère l'article là où la grammaire en prescrit ou en défend l'emploi. — b) Le possessif espagnol mi, tu, su se passe partout de l'article : mi lïbro, sus caballos. Mais les ainciens l'appliquaient à leur gré : le Poema del Cid débute par de los sos ojos et présente encore las sus hocas 19, las sus fîjas 21h, el mi corazon Bc. Or. 537 ; les Castigos disent el tu padre, el su cuerpo, la tu vida, la mi simiente, mais aussi sans article tu fecho etc., au xv® siècle encore on le trouve chez le marquis de Santillana, J. de Mena, dans le Cane, g en. , plus tard dans les poèmes populaires, dont Cervantes imite le style quand il dit dans une chanson la mi madré Nov. 7. Aussi lorsque don Quichotte veut parler à l'ancienne mode dit-il la vuestra fermosura. Le second possessif m.io, tuyo, suyo consent au moins à se placer après le substantif précédé de l'article : el suceso mio, los sucesos nuestros ; les anciens le mettaient aussi en tête avec ou sans article : el ynio senor PC. 1942, los mios dias 220, mio amigo 1472, mio buen cavallo 506. — c) Le possessif portugais est traité presque de la même manière que le possessif italien : il s'emploie avec ou sans article, et ce dernier cas se présente lorsqu'il s'agit de noms de parenté ou de titres : a minha casa, minha casa, meu tio, minha mai, teus filhos, vos s a Mage stade. — d) Le provençal mieus etc. se fait volontiers accompagner de l'article : la mieua ma, lo tieus renhatz, H tiei sospir, per los nostres peccatz ; mais aussi mei oill, nostre senher ; mos, tos, sos le laissent de côté. — e) L'article est tout-à-fait étranger au fr.
1. Peut-être parce qu'ils sont assimilés à des noms propres et qu'ils n'ont pas besoin d'être individualisés? En v. h. allemand on dit aussi bien min fater que der mîn fater. Mais le bulgare se com porte comme l'italien : basta mi (mio padre) sans article, mais ke'ste te mi {la mia casa) avec l'article, voy. Miklosich Vergl Gramm. I, 263. — Toutefois Mussafla remarque à propos de l'exemple cité ci-dessus : « Non loro zio (p. es. andô), ma il loro. L'articolo s'omette solo quando è predicativo : io sono loro zio. »
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mon, ton, son. Chez les anciens les formes primitives mis. Us, sis le repoussent, tandis que les formes dérivées miens, tuens, 5wen5 s'en font escorter, par ex. tu ies H miens filz Psaut. Choix Yl, 145; les meies leis TCant. p. 68; lœtoie merci G Vian. 492; pur le soen deu Roi. p. 3, la sue grant ire 154 ; au contraire deus H doinst sue amur. Cet usage s'est maintenu jusque dans le courant du xvi^ siècle, époque à laquelle Marot et Rabelais disaient encore le sien traict, les membres siens. — f) Le possessif valaque ne peut pas se passer de l'ar- ticle ; on dit ainsi prietinul meu (ital. l'amico mio) et avec un adjectif : prietinul meu gel mai hun (l'ottimo mio amico). Les noms de personne même l'exigent, et il les suit lorsqu'ils sont masculins : Petrul meu, dat. Petrului yneu, sans posses. lui Petru ; cependant les noms de parenté au singulier peuvent s'en passer comme en italien : frate meu, socru seu. — 2) Le roman a aussi la faculté de construire Varticle indéfini avec le possessif, qui se présente alors sous sa forme absolue. Il faut à ce propos remarquer une circonstance particulière. En italien, de même qu'il mio servit or e signifie « le serviteur que j'ai », un mio servit or e signifie « un serviteur que j'ai » {servum aliquem meum) et non « un de mes serviteurs » (unum ex servis meis), ce qui serait rendu par uno de servitori miei. Parfois le possessif forme tout-à-fait pléonasme : avea una sua moglie CN. 112; aveva una sua donna Dec. 4, proem.; per far una leggiadra sua vendetta P. Son. 2. Esp. un criado mio {una su hermana pour suya BQuix. 1, 35); port, hum meu amigo, hum filho seu. Pr. us mieus amicx (quelquefois avec le possessif conjonctif W5 505 filhs Choix Y, SS)\ v.franç. un suen humme, un soen drut, un lur deu Tervagant, un vo ami RCam. 78, eyi une siemie épistre H. Etienne, un 7nien allié Mont.; pléonastiquement comme en ital. : Gunter avoit un soen chastel Havel. v. 53. Cette combinaison élégante n'est plus permise au français moderne : il ne peut plus disposer que du génitif partitif. — Ainsi se comportent aussi avec le possessif certains pronoms indéfinis et noms de nombre, surtout en italien : gli altri suoi consorti, alcun suo atto, ciascun vostro parente, nessun tuo passo, nulla sua ten- zone, ogni lor casa, tanti amici suoi, duo miei sensi, tre nostri cittadini, mille miei mali. Esp. algun escritor nues- tro, sin ningun merecimiento vuestro, qualquiera razon tuya, con mucho dolor suyo, con tanta solicitud mia ; port. outro seu irmâo, qualquer meu amigo. Prov. nulhs mos
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plazers Choix II, 238; v.fr. un mien autre hostel TFr. 527, quelque sienne dévotion Mont. 1, 3. En v.h. allemand et en m. h. allemand on dit comme en italien : ein thîn gisihha, ein mm wange, dehein sîn kint.
3. Emploi àxx personnel pour le possessif . — 1) En grec les possessifs de la première et de la deuxième personne sont souvent remplacés par les génitifs des pronoms personnels, et le possessif de la troisième par le génitif de aùiéç. En latin cet échange n'est pas admis pour le génitif de possession et lorsqu'il se présente on le considère comme un hellénisme. En roman il n'est pas non plus d'usage de dire il libro di me, le livre de moi, un amico di te, un ami de toi, au lieu de il mio lihro, mon livre, un tuo a^nico, un de tes amis. Le gr. r.izzp y][jl(Ï)v ne peut donc être exprimé en latin que par pater noster, en roman que par nostro padre, notre père, à quoi répond aussi l'ail. Vater unser. Le pronom personnel ne se présente que rare- ment : ainsi par ex. en esp. el aima de mi CGen. 313 ; juro al cuerpo de mi GVic. 95; et un peu plus souvent déjà au nord-ouest : prov. al cuiamen de me LR. II, 430; por Vonor de se Chants rel. n. 18 ; segner de nos 14 ; seinor de me Jfr. 120^ ; sciencia de lu{i), separacio de lor, voy. Revue des lang. rom. I, 10; v. franc, par la salveté de tei (per salutem animae tuae) LRs. 155 ; la feblece de nos Brut I, p. 309 ; l'ame de vous TFr. 488 ; le cueur de vous Mar. II, 343. Tout cela ne s'applique toutefois qu'au personnel dépourvu de genre ou personnel proprement dit, lat. mei, tui, sui ; le mot variable ille, qui doit à la nouvelle langue d'être entré dans la classe des pronoms personnels, remplit souvent les fonctions de suus (voy. le paragraphe suivant); c'est surtout à l'égard de la personne à laquelle on parle qu'on est tout-à-fait libre de dire en italien la sua ou la di leicasa. Si le sujet, au heu de posséder, est dans une relation de dépendance, le génitif du personnel est bien à sa place, comme lat. pars mei, ital. una parte di me, prov.per amor de me, îrsmç.pour l'amour de moi. Le passage qui s'opère en latin du personnel objectif au possessif (à'invidia tui à invidia tua) n'est pas non plus étranger au roman, sans parler de la formule bien connue per amor mio, por mi amor. Exemples : ital. in Amor mess' ho tutto mio pansare ed in sua suggezione (soumission envers lui) PPS. I, 47; chi non ha già l'ingiurie nostre intese? (= lat. injurias nostras) Ger. 4, 12, comme esp. vengar su injuria, franc, venger ses injures ; esp. su Victoria estimo (la victoire
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sur elle-même) Cald. I, 90^ ; mi respeto (respect à mon égard) 13^; port, saudades tuas (= desiderium tuum aspiration vers toi), expression très-usitée ; prov. vist ai vostre trachor (c.-à-d. trachor de vos celui qui vous trahit) Choix III, 402 ; franc, sans votre respect (au lieu de le respect de vous) Mol. Crit. de l'école des ferames, se. 4. La tournure italienne un suo migliore pour un migliore di se (un qui soit meilleur que lui) Nann. Lett. I, 75 se rattache à ces expressions. — 2) Gomme dans d'autres langues le datif du personnel, quand il se trouve sous la dépendance d'un verbe, peut avec élégance, ou lorsqu'on n'insiste pas sur la possession, prendre la place du possessif. Ital. egli mi è figliastro ; voi mi sete amico ; ruppemi l'alto sonno nella testa Inf. 4 ; vedendoti la notte al lato P. Son. 317; hen fu rabbiosa tigre a lui nutrice Ger. 4, 77. Esp. si vostio no me fuessedes etc. SRom, p. 13; port, vejote o coraçào triste (c.-à-d. vejo o teu cor. tr.) R. Egl. 2. VvoY. serai li hom Choixlll^ 11 \ li sui amans ibid. 123 ; franc, je me suis cassé le Iras (on ne dirait pas bien j'ai cassé mon bras). Lat. pater mihi m^ortuus est; pes mihi tardus erat ; abii ad proœumos tibi, qui erant. Ter. Heaut. 5, 2.
4. Réfléchi. — A côté du réfléchi personnel sui dont il a été question plus haut se place en latin le possessif suus ; il renvoie au sujet logique qui grammaticalement peut être régime : bestiis homines ad utilitatem suam utuntur ; hune sui cives amant (= hic a suis civibus amatur), tandis qu'on emploie ejus lorsque le pronom n'est pas réfléchi : Cleopatra sibi aspidem admisit et veneno ejus eœstincta est. Dans les cas où il ne peut y avoir d'équivoque suus est susceptible de prendre aussi la place de ejus, comme dans la phrase Scipio suas res Syra- cusanis restituit. Les langues filles connaissent aussi cette distinction, mais elles ont troublé l'ancien rapport. Il faut rap- peler à ce propos qu'en vertu d'une atteinte portée à l'organisme de la langue suus, qui se rapportait en latin à un seul ou à plusieurs possesseurs, a été supplanté par le démonstratif zY^orwm (en sarde par ipsorum) quand il exprime la possession de plu- sieurs. Seuls l'espagnol et le portugais ne se sont pas conformés à cet usage. Il arrive "parfois, à la vérité, de trouver suo pour loro même chez d'anciens auteurs italiens, par ex. Inf. 9, 24 Eriton che richiamava l'ombre a' corpi sui; Lee. 5, 2 poichè gli arcieri del vostro nimico avranno il suo saet- tamento saettato ; voy. par ex. Gorticelli 1, 19, Blanc p. 283.
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— Les règles qui président à l'emploi du possessif de la troisième personne vis-à-vis du démonstratif 27/(? sont les suivantes : 1) Le sujet exige, comme en latin, que sa possession soit indiquée au moyen du possessif : it. 7nio fratello vide la sua casa, i miei fratelli videro le loro case ; i suoi condttadiyii Vamavano ; esp. mi amigo ha visto d sus priynas, mis amigos han visto d sus priynas ; franc, il aime son ami, ils aiment leur ami, leurs amis. Mais de même qu'on trouve çà et là le personnel de la première et de la deuxième personne employé pour le possessif (voy. plus haut § 3), on constate aussi cet échange pour la troisième personne, par ex. v.fr. H rois ert affeblis del sanc de lui (de son sang) Gar. I, 41. — 2) En outre, tandis que l'emploi du pronom personnel qui répond à suus s'est beau- coup restreint (voy. plus haut p. 55), le pronom possessif de la troisième personne prend souvent la place du lat. ejus et cela : a) Lorsque le possesseur n'est pas nommé dans la même phrase : ital. il suo cavallo è hello ; conosco il suo amico ; esp. sus razones son malas ; he visto sus grandes aposentos ; franc. son jardin est beau; il nourHssait leur père. Il peut résulter de là que les réfléchis suus et se se rapportent à des personnes difierentes, comme esp. los discipulos se espantaron de sus palabras (discipuli obstupescebant in verbis ejus) et souvent. Le style le plus ancien présente quelquefois illius (= ejus), par ex. vaud. la ley de luy (fr. sa loi) deguessan gardar Choix II, 82; v. franc, li cors de lui (son corps) vaut bien chevaliers dis Gar. I, 29. b) Lorsqu'on attribue une possession au régime : ital. egli trovô un uccello nel suo nido ; esp. aquel le via en su resplandor ; franc, mon ami aime la rose pour ses couleurs. — 3) C'est au démonstratif (déterminatif) qu'il appartient d'écarter les équivoques, comme en latin et en allemand (ejus, dessen), mais ce soin reste souvent à la charge de la logique. C'est la langue littéraire italienne qui se comporte sur ce point le plus scrupuleusement, ainsi elle rend vidit patrem suum et ejus par egli vide suo padre et egli vide il padre di lui. L'espagnol semble plus néghgent, car si l'on trouve la distinction exactement établie dans aquel viô su padre (patrem suum) et aquel viô su padre de él (ejus patrem), on trouve aussi limpiô sus pies con sus cabellos (extersit pedes ejus capillis suis) où l'on aurait pu s'en tirer en mettant sus pies de él. Le français est à la vérité très- favorable au possessif, cependant il le remplace par l'adverbe en lorsqu'on attribue une possession à un être inanimé déjà DiEz in .5
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connu : cette affaire est délicate, le succès en est douteux pour son succès ou le succès d'elle, et cette dernière forme n'est pas tolérée par la langue d'après ce qui a été dit à la p. 44. En valaque la distinction classique entre suus et ejus (seu et lui) serait encore en vigueur (d'après Alexi), mais des phrases telles que un tate supusilor lui {pater suhditorum suorum) vont à rencontre de cette opinion. — L'hésitation entre suus et ejus remonte jusqu'au plus ancien moyen âge, on trouve par ex. quia mihi ah adolescentia eorum deservisse noscuntur Bréq. 112^ (ann. 615); haheat casa[m]cum adjacentia sua Mur. y, 1009 (ann. 754); dictas villas cum illorum fines HL. I, 26 (ann. 782); vir autem suus {ejus) in grandem tribulacionem erat Rev. des lang. rom. II, 52 (viiiMx® siècle).
5. L'usage d'un possessif pléonastique s'est surtout implanté au sud-ouest. En effet, lorsque la possession a déjà été indiquée par le génitif de la personne qui possède on ajoute encore souvent et avec élégance le possessif à l'objet possédé. Exemples, avec le génitif du pronom personnel : esp. los sus f échos dellos S Part. I, 49; nonpongas gran fieldat en su mano de aquel que te quiere mal Cast. de JD. Sancho ; su hermano dellos ; su merito de Vm. ; port, sua fermosura délia. Avec le génitif du substantif : so sohrino del Campeador PC. 142\ SOS manas de los Infantes 2181 ; su senorio de Assuero S. Prov. 52 ; su madré de dios Flor. 1,6^; que diœese a sus padres de Leonisa Nov. 2 ; port, dos sanctos nào me maio em seus louvores S. de Mir. I, 266. On trouve même un double possessif : esp. su mugier de sus parient es FJ. 60^. Ce n'est pas le personnel qui dans les phrases citées forme pléonasme, mais très-certainement le possessif, aussi ce dernier accompagne- t-il tout aussi bien les substantifs au génitif, qui ne peuvent être suspects de faire pléonasme : su padre dél se comporte comme su padre de mi amigo. Les autres langues ne s'inter- disent pas non plus absolument ce procédé. Ital. cotai d'amore è sua malvagia legge PPS. I, 404 ; di quel sigyiore la sua gran dolcezza II, 120. Gâtai, tu es d'amor son enemich mortal A. March C. de 7nort 5. Pr. (assez usité) son hellas sas faissos de lieis Choix III, 379 ; de cui vos vuelh comtar sa via LR. I, 549^; per esproar de quascun son semhlan Choix III, 50 ; tant era de Karle grans sos es fort z G Ross. 1746 ; son cosin del dalfln Choix V, 431 ; de met g es lor metgia B. 222; v.fr. des Normanz veient lor félonie Rou
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I, p. 91. Nous avons là un nouveau cas de cette prolixité dans l'expression dont la syntaxe romane offre de nombreux exemples. Mais ce pléonasme n'est pas étranger non plus à l'allemand : m.h.allem. durch zweier hiscoffe ir rât\ allem. populaire avec le datif : ihnen ihr Mann, dem Kind sein Spielzeug, comp. GrimralY, 351.
6. On peut obtenir au moyen de habere (tenere) une expression périphrastique du possessif qu'on accompagne quelquefois encore du pronom. Ainsi it. il gran piacer cKavea Orl. 1, 60. Esp. el deseo que ténia de verla Nov. 10; leia en los lïbros que ténia Cald. I, 12*^; très-souvent dans la poésie populaire : una madré que ténia ; la vida que ténia etc. ; port, rei que temos alto e suhlimado Lus. 2, 80. Prov. Vamor quel li avia ; ah gran dolor que n'a G A. 676 ; V. franc, la paour qu'ele a Bert. 19 ; cheval qu'il out bon Rou p. 247 ; sa prouece que il avoit Ccy. 346 ; vostre vair qu'avez Gar. II, 179 ; franc. mod. avec cette soif que j'ai de la ruine Corn. Pomp. B.lat. de filio vestro quem habetis Cap. Car. Calv. tit. 52, 4. Gothe aussi a dit : Gih sie dem Kanzler, den du hast; m.h.allem. sÎ7ie liste, die er hât. Facere aussi peut dispenser de l'emploi du pronom : ital. lo troppo dimandar ch'io fo Pg. 18, 6 ; v.fr. pur le mesfait qu'il fist TCant. p. 12. De même m.h.allem. ir scheiden, daz si tuont (Grimm IV, 350).
3. pronom démonstratif.
1. Ce pronom possède des formes d'adjectif et de substantif qu'il faut distinguer exactement. 1) Adjectifs : ital. questo, coiesto, quelle ; esp. este, ese, aquel ; port, este, esse, aquelle ; pr. est, cest, aquest, cel, aicel, aquel ^\ franc, seulement cet (devant les consonnes ce), fém. cette ; val. est, cest, acest, acel. Dans cette dernière langue ce pronom, ainsi qu'on l'a observé plus haut p. 38, peut s'adjoindre l'article quand le substantif est accompagné d'un adjectif. On dit bien acest om, acest om mare (ce grand homme), mais avec le démonstratif intercalé omul acest mare, omului acestui mare. — 2) Comme
1. Les variantes de ['Alexandre d'Albéric chest et chel (= ital. questo et quello), avec une gutturale à l'initiale, que Tobler (Bemerkungen zum Alexanderlied Zurich 1857 p. 39) a soumises à une étude attentive, ont été par hasard omises au tome 11, p. 92 de cette grammaire. Voyez pour plus de détails le mémoire cité.
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pronoms substantifs personnels on a en italien questi et costui, cotesti et cotestui, quegli et colui, fém. costei, cotestei, colei. Questi, cotesti, quegli sont restreints au nomi- natif singulier, bien que quegli ait été employé par Dante Inf. 2, 104 à l'accusatif, par d'autres au génitif et au datif; au nominatif il est interdit de les échanger contre l'adjectif, mais cela est autorisé pour les autres cas, ainsi nom. questi (costui), gén. di questo (di costui) etc., fém. questa (costei). Quelquefois ces démonstratifs personnels représentent des êtres impersonnels, surtout lorsqu'on attribue à ces derniers une certaine spontanéité, par ex. questi (leone) parea che contra me venesse Inf. 1 , 46 ; questi (naturale istinto) ne porta *l fuoco inver la luna Par. 1, 115. Ni l'espagnol ni le por- tugais n'ont de formes substantives. Le français celui s'applique aux objets aussi bien qu'aux personnes. En v. français il a aussi la valeur d'un adjectif : celui temps Berte 10, de celui soir NFC.l, 375, a cestuijor Rom. fr. p. 68 et Marot dit encore celluy dieu, Rabelais iceux bœufs. Le daco-roman à côté des adjectifs déjà cités possède encore des formes en a, comme acesta, acela, fém. aceasta, aceia qu'il emploie sinon préci- sément comme substantifs, du moins à la place du pronom absolu, par ex. acest vin è mai reu de eut acela (ce vin-ci est plus mauvais que celui-là); cunosc pre acesta si pre acela (je connais celui-ci et celui-là); care caute, acela afle (qui cherche, trouve); mais ils peuvent aussi s'unir au substantif déjà muni de l'article : use casei aceia (les portes de cette maison). On renforce leur sens en ajoutant si, par ex. el è acelasi (c'est lui-même). — 3) Formes neutres : ital. cid pour hoc^, prov. so et aissô pour hoc, aquô pour illud , formes auxquelles correspondent en espagnol et en portugais les mots susceptibles de genre esto, eso, aquello ; isto, isso, aquillo. En valaque le féminin prend ici, comme dans d'autres cas, la place du neutre, ainsi asta, aceasta, aceia.
2. Si l'on considère ces pronoms au point de vue de leur signification locale, on voit que le rapport du latin s'est main- tenu passablement intact en italien, en espagnol et en portugais. En italien à hic, qui désigne l'objet le plus rapproché de celui qui parle, répond questo, questi, costui ; pour iste, qui indique un objet plus rapproché de celui auquel on s'adresse, on a cotesto.
1. D'anciens poètes l'emploient quelquefois comme adjectif pour questo : di cio partimento Nann. Lett. I, 127; a cià trapassamento PPS. I, 324.
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cotesti, cotestui ; quant à ille, qui renvoie à quelque chose d'également éloigné des deux interlocuteurs, il est rendu par quello, quegli, colui. Pour parler correctement il faudrait donc dire : questo lïbro che io le g go ; cotesto libro che tu tieni ; quel libro di che egli 7ni parla y en observant l'emploi du démonstratif de la première, de la deuxième et de la troisième personne. En espagnol on emploie este pour hic, ese pour iste et aquel pour ille\ le portugais dit de même este, esse, aquelle. En provençal on peut encore distinguer deux degrés : les mots tirés de iste s'emploient pour hic, les dérivés de ille pour ce pronom lui-même, par ex. est vostr' ainicœ (cet ami à vous, c'est-à-dire moi-même); aquesta chansos (cette chanson à moi); aicelh mestiers mi platz (cette affaire dont il a été question). En français l'ancien système a plus souffert encore. Hic est rendu par cet , mais on indique avec plus de précision la proximité au moyen de l'adverbe de lieu ci uni comme suffixe au substantif, et l'éloignement (lat. ille) de même par là, par ex. cet ho^nme est aimable ; ces chevaux sont beaux ; voyez ce livre-ci ; ces femmes-ci \ en ce temps-là. Comme mots neutres on a ceci, cela. L'absolu celui aussi peut-être amené à indiquer un rapport de proximité ou d'éloignement par l'addition de ci et là : voilà plusieurs étoffes, prenez celle-ci ; entre tous ces tableaux, celui-là est le plus beau. Dans l'ancienne langue on obtenait cette distinction au moyen de cest et cel, ce dernier, avec icel, était encore usité du temps de Montaigne.
3. Sur le rapport respectif de hic et de ille il faut observer ce qui suit. 1) Tous deux peuvent renvoyer à l'objet grammati- calement le plus rapproché ou le plus éloigné ; cependant ils sont souvent confondus dans les nouvelles langues : c'est ainsi aussi que le lat. hic peut être rapporté à l'objet logiquement le plus rapproché, par ex. cave Catoni anteponas ne istum quidem ipsum (Socratem) \ hujus (Catonis) enim facta, illius (Socratis) dicta laudantur Cic. Lael. — 2) On les emploie l'un à côté de l'autre, sans tenir compte des idées de proximité ou d'éloignement, pour représenter deux objets indéterminés, comme ital. questa e quella parte (cette partie-ci et celle-là); questo e quello (ceci et cela); questi lo lodavano e quelli lo biasiynavano. Et même un seul démonstratif peut être employé dans ce sens indéterminé (distributif) : ainsi it. quella col capo e quella colle piante Inf. 34, 14 ; esp. délia é délia parte (c.-à-d. de una y de otra parte) PC. 2089; val. se aude ciasta si ciasta veaste (on apprend cette nouvelle-ci et celle-là) ;
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h.lat. in illa et inilla parte Tir. 38^ (ann. 813), comp. lat. un et un y gr. xb y.ai t6, v.h.allem. thaz inti thaz^. Une formule très-usitée qui distingue le genre est pr. seUa ni sellui, sel ni sela, sesta ni sest, v.fr. sil ni seles. — 3) Les deux pronoms peuvent aussi être rapportés à une seule et même idée, c'est-à- dire que l'objet est d'abord présenté par ille comme encore éloigné, puis rapproché au moyen de hic : hic est ille seneœ, cui verha data sunt ; il existe en réalité une différence entre ces deux pronoms qui ne peut être ramenée à l'identité que par celui qui parle. Ainsi ital. quest' è colei ch'è tanto posta in croce Inf. 7, 91 ; esp. esta es aquella de quien he hablado ; pr. esta es aicela que plus mi platz ; fr. cet homme est celui dont je vous ai parlé.
4. Pour le déterminatif [lai. is, iste) le roman ne possède pas d'expression spéciale : il applique ici le deuxième démonstratif composé avec ille, le français notamment celui et non celui-ci, celui-là. L'espagnol emploie en outre et de préférence le pronom simple dérivé de ille : el, la, lo, déjà connu comme article, et qui dans cette nouvelle acception se fait munir de l'accent ; il ne faut pas confondre avec ce pronom le personnel él, ella, ello. Le même usage existe en portugais pour o, a. Voici ce qu'il faut remarquer à propos du déterminatif: 1) Il se place devant le relatif lorsque l'objet qu'il indique doit être déterminé dans la proposition subordonnée qui suit. Voyez pour plus de détails à la proposition relative. Il n'y a guère à faire ici qu'une observation, c'est que dans ce rapport, après une particule de comparaison, ce pronom peut prendre la signification d'un pronom indéfini, comme ital. como quella che tutta era modesta 07^1. 3, 13; esp. como aquel que ha dado dos veces en sus manos Nov. 9 ; prov. com celui que nos (no se) torna PO. 254 ; fr. cume celui kl ben faire le set Roi. ^. 14: \ comme celuy qui conti- nuellement me couve de mes pensées Mont. 1, 19. Il s'agit ici du sujet lui-même et non pas par comparaison d'une autre personne ^ — 2) Devant des génitifs il tient la place d'un subs- tantif qui précède. Ital. quai principio fu quello (celui) délia
1. L'adverbe sic répété exprime de même une difîférence dans la manière d'être : modo sic, modo sic = modo haec, modo illa eveniunt Pétrone ch. 45; ail. bald so, hald so\ v.fr. n'einsi, n'einsi (ni de cette manière, ni d'une autre) Dolop. p. 107.
2. Il en est de même lorsqu'en v.français ne... cel exprime le sens de nemo : n'i a celé qui ne vousisi que etc. Voy. tleiffenberg sur Phil. Mousk. v. 19227.
PRONOftI DÉMONSTRATIF. 74
città di Roma? esp. he visto el retrato de mi padre y el de mi hermano ; franc, son cheval et celui de son ami ; val. el caute folosul seu, iare nu cela al domnului s eu (il cherche son profit, mais non celui de son maître). En provençal et en V. français on trouve, à titre d'exception rare, l'article comme en espagnol et quelquefois la marque du génitif est sous-entendue (voy. le Génitif § 1) : sa calor ab la del solelhLR. IV, 2^; ma pars et la mon frère (celle de m. f.) [Gar. I, 111 ; si ciune fud le (le cuers) David LRs. 297 ; de la Jeroheam (de la 7naisun J.) 332 ; gr. b èjjibç xaTYjp x,al ô xoD çiXou. En latin is ne peut être appliqué en ce cas, le rapport du génitif s'explique de lui-même : amicitiae nomen tollitur, propinquitatis manet ; ce n'est qu'au moyen âge qu'on a dit en copiant la langue vulgaire : de vinea S. Eulaliae et de illa de S. Justi E^p. sagr. XXXIV, 441 (ann. 916). Mais en roman aussi on supprime avec élégance le pronom : ainsi it. l'amico mio e non (quel) délia ventura Inf. 2, 61 ; i suoi costmni e similmente (quelli) de' suoi fratelli. Esp. hesaron las manos del rey è despues (las) de mio Cid PC. 3435; nuestros servicios ni (los) de sus pasados Nov. 4 ; port, he perda grande (a) dos membros Lus. 4, 29. Prov. son nom non ac tal cors com a (cel) de comte Raim. Vid. — 3) L'usage de préposer à un génitif attributif le déterminatif à titre d'apposition et de pléonasme est plus propre à l'ancien style qu'au nouveau. Prov. Folquets cel de Marselha ; lo coms sel de Mont fort ; Elena sill de Troia\ lo coms aisel de Bar GA.\ Taulat aquel de Rogimon Jfr. 63^; v. franc. Gautier cel de Vimeu Roi. Mais on trouve ici aussi le simple article : Joiouse la Kallon (celle de Charles) G Vian. 2893; v.esp. mio Cid el de Bibar ; Estrangilo el de Tarso Apol. 435 ; aussi gr. ^iXiTTxoç h iiib Erjôcaï^a ; goth. Filippus sa fram Bêthsaeida. — 4) Un trait de l'ancienne poésie française est l'emploi du démonstratif ce^ à la place de l'article défini. Des exemples tels que ceux qui suivent se présentent en grand nombre : cil des- trier courent GVian. 1617 ; cil veneor chascent 3491 ; cil char s'aroutent Gar. I, 215; cil clerc dient que n'est pas sens Part on. I, p. 4 ; cil duc et cil conte et cil prince chascun s'apareille Bolop. p: 101 ; por oïr les chans de ces oœillons m'alai chevachant Rom. éd. B. p. 104 ; voit sor ces hauhres (arbres) ces oisellons chanter, et parmi Saine ces poissonssiauœ noer, et par ces près ces flors renoveler RCam. 242. Il est difficile d'admettre que le pronom ait ici
72 PROPOSITION SIMPLE.
une valeur emphatique. — 5) Les ellipses d'un substantif (en général homo) devant un complément qui précise l'idée, sont également indiqués par le pronom démonstratif, au lieu de l'être par l'article : ital. quelli nella ciità ; quella d'iersera (celle d'hier au soir); franc, ceux de la ville ; val. cel de aici (celui d'ici); cel de eri (celui d'hier). Mais esp. el de la triste figura ; los de vuestro. nacion; port, os de Luso\ prov. li Evvrui (les gens d'Ébroin) S. Lég. 20; gr. oi èv àaxei; oi abv tw Pac7tA=T. 5. Les pronoms, dérivés de is, ipse et idem, sont rendus en roman par un seul et même mot tiré de ipse : ital. stesso, medesimOy esp. mismo , port, mesmo, prov. eis, meteis, franc, même, val. insu. — 1) Pour rendre le sens de ipse ils s'associent : a) A un autre pronom, surtout un pronom per- sonnel après lequel ils se placent : egli stesso, esso stesso, noi medesimi, yo mismo, nosotros mismos, de si mismo, eu mesmo, de mi eys, de se meteis ; en français aux formes absolues mentionnées plus haut p. 45 : moi-, toi-, soi-, lui-, elle-même, nous-, vous-, eux-, elles-mêmes ; val. eu insumi etc., voy. t. II, p. 104. A côté de ipse quelques langues se servent de proprius. Ital. cosa impetrata per me proprio Ann. Caro Lett. Esp. segun tùpropio me has dicho ; es ella propia', port, a si proprio (= a si mesmo). Franc, le per- sonnage propre Com. 1, 10; en ce propre jour ^dihel. 2, 1. On trouve à l'inverse ipse pour proprius avec le possessif : ital. le mie mani medesime lo faranno ; esp. tu misma persona', prov. dieus la fetz de sa eissa heutat Choix lll, 111 ; per mon mezeis follatge 285 ; val. eu insusi gura sa (avec sa propre bouche), h) A des substantifs qu'ils précèdent ou qu'ils suivent : Ital. Vautore stesso lo dice ; gli stessi delirj sono indicj d'ingegno (même les délires). Esp. los mismos cabellos le servian de toca (seuls les cheveux). Prov. eps li satan Bth. 18 ; en eyssa la semana, en la semana eyssa (dans la semaine même); eys est ici en dehors de l'article comme tôt, comp. v.h.all. selba thiu sîn muoter, ther truhtin selpo. Fr. ses amis mêmes le quittent ; ce vieillard fut la même vertu (généralement la vertu même) Corn. Le français a un adverbe même qu'il rapporte notamment à plusieurs substantifs : les hom^nes même, les animaux même ; il lui a tout donné, même ses habits ; de même port, mesmo, prov. eis. Le daco- roman rend ici ipse par singur (lat. singulus) qui a aussi le sens de proprius ; à cette expression répond le grec mod. h(iù \ {/.Gvoç txou, le grec ancien a à l'inverse auxoç pour le lat. solus. ^ï
ï
PRONOM INTERROGATIF. 73
— 2) Dans le sens de idem, il est de règle qu'ils se placent, comme le gr. 6 olutôç et l'ail, derselbe, immédiatement devant le substantif. Ital. lo stesso modo ; una medesima cosa. Esp. al mismo tiempo ; una misma patria ; port, o mesmo sem- blante. Prov. d'eys draps (du même drap) LR. III, 98; fr. le même homme \ une même affaire-, j'ai toujours même cœur Corn. Cid (rarement sans article). L'italien possède en outre un pronom spécial desso qui ne s'emploie qu'attributivement avec les verbes être et paraître, comme ella è ben dessa (c'est elle-même); tu non mi pari desso ; ditemi quale è dessa (se. cosa) Dec. 1,8. En valaque enfin c'est le démonstratif qui est chargé d'exprimer le sens de idem : intr' acel loc (au même endroit), intr' acelasi rund (dans la même rangée), voy. plus haut p. 68.
4. PRONOM INTERROGATIF.
1. Ce pronom aussi est représenté par quelques mots qui s'appliquent à des objets et à des personnes et qui ont une valeur d'adjectif et de substantif. — 1) U adjectif ^^ro^ve est qualis; il est susceptible de prendre la place d'un pronom absolu ou conjonctif et peut se rapporter, qu'il contienne une interrogation ou une exclamation dans le sens du latin quis et qualis, à des objets de toute nature. Exemples : Ital. quai è quel grande ? quai uomo è costui? Esp. quai es tu intencion? quai su alegria fuel quai culpa teneis? port, de quai falla? quaes sâo os livros? Prov. quai vos enfollezic? {quis vos fasci- navit?) GO. 113^ ; cals honors vos es! quins ho7n es Karles mayne ? Fer. v. 880 ; quinh (cosselh) l'en donaretz vos ? G A. 1991 ; quinas gens es vos? Choix III, 409. Franc, quels sont les biens de cette vie? quel (et non que) temps fait-il? quelle belle journée ! quelle fut sa réponse et quel devins- se ! (mieux que devins-je neutre) Rac. Iph. Val. care om? (quel homme est-ce?). — 2) Pronoms substantifs personnels : ital. chi, pour les cas obliques aussi cui : chi ve l'ha dato? a chi ou a cui voleté dirlo? Esp. quien, et pour le génitif ordinairement cuyo : quien se lo diœo? de quien hablas? cuya es esta casa ? cuya casa es esta ? port, quem, cujo. Prov. qui (nom. et ace.) : qui m'auzira? qui venelz querer? franc, qui (également nom. et ace.) : qui l'aurait cru ? qui cherchez-vous? qui sont ces personnes ? cette dame, de qui est-elle fille ? (l'esp. est plus bref : cuya hija es esta dama ?)
74 PROPOSITION SIMPLE.
Val. cine et cui : pre cine cautzi? (qui cherches-tu?), cui scrii? (à qui écris-tu?). Ce qui roman se sépare du quis latin en ce qu'il ne se construit jamais avec un substantif. — 3) Neutres : ital. che, che cosa, ou simplement cosa, aussi chente : che voleté? che cosa avete? cosa avete? chente v'è paruta questa vivanda? Dec. 4y 9. Esp. que et que cosa : en que piensas^ que cosa os ha acontecido? Fr. que, de quoi (t. II, p. 101, 102) : que dit-il? de quoi est-il question? Port. pr. que, val. ce. — 4) Le même que peut être employé aussi, dans la plupart des langues comme adjectif, de même que l'angl. what. Ital. che tempo fa ? che uomo ! con che occhi dolenti vedev'io te! Pg. 12; aussi chente sde g no? Bec. 1, 7. Esp. que hombre es este? en que manos has dado! port, a que f%m? Val. ce feliu? (quelle manière?) ce feliu de om? (quelle espèce d'homme). Le provençal et le français se servent ici de quai, quel. — 5) Uter n'a pas de correspondant en roman. Pourtant le français emploie pour l'interrogation disjonctive (lequel de plusieurs ?) quel uni à l'article, par ex. lequel de ces livres désirez-vous ? ; l'italien et l'espagnol se contentent du simple quai, tandis que le provençal et le valaque peuvent aussi ajouter l'article au pronom (voy. plus haut p. 38). — Il n'y a rien à remarquer sur quantus comme interrogatif.
2. Les nouvelles langues n'admettent pas l'emploi de quis pour aliquis ; mais elles accordent d'autre part une valeur distrihutive aux interrogatifs, ce qui permet de les employer
pour aller aller, alius alius. Ex. : ital. chi èricco,
chi è povero^; quai fior cadea sul lemho, quai sulle trecce bionde P. Cz. 14. Esp. quien canta, quien baila ; quai por el aire claro va volando, quai por el verde valle paciendo Gare. Egl. 1 ; port, quem se affoga nas ondas encurvadas,
quem bebe o mar e o deita juntamente Lus. 1, 92; quai
quai 4, 90, 91. Pr. tenian los eretges qui en castel, qui en tor G A, 354 ; quai mais, quai mens LR.\ franc, ils étaient dispersés qui ça, qui là (cette expression commence à vieiUir). — Le neutre que peut aussi rendre l'idée de partim. It. regnô tanti anni che re de' Romani, che imper atore. V.esp. que enfermes, que sanos cadieron Bc. Mill. 244. Prov. cascus dels auzels chantava que aut, que bas Choix V, 342 ; v.fr. il tient bien trente que chastiaœ, que donjons RCam. 80.
1. Malespini emploie souvent le simple chi pour unus et aller (plu- sieurs) : chi la chiamava la piazza di S. Cicilia cap. 41.
PRONOM INDÉFINI. 75
Cette forme archaïque que . . . que répond tout-à-fait pour le sens au lat. qua ... qua {qua feminae, qua viri), et aussi à l'angl. what . . . and what.
Il sera question dans la deuxième section du pronom relatif.
5. PRONOM INDÉFINI.
1 . Le nom de nombre unus, malgré son emploi comme article, n'a pas renoncé à sa valeur pronominale. 1) Employé comme adjectif il désigne l'objet qu'on nomme comme indéterminé , de même que aliquis ou quidam . Cela a lieu surtout lorsqu'on introduit un objet dans le discours, comme ital. una donna aveva una gallina ; franc, une femme avait une poule ; val. 0 muiare aveà o geine; lat. 9nulier quaedam habehat gallinam ; gr. yuv/j tiç cpviv eixe. Il est vrai que dans les exemples romans on peut aussi considérer unus comme l'article, de même que \)m dans la phrase gr.mod. ^icL ^uvaixa ûyz {Aiav cpviOa, mais le sens pronominal se laisse pourtant reconnaître sans peine. En espagnol, portugais, provençal et valaque on peut aussi se servir du pluriel, qui en dit moins que algunos : eran unos mercaderes toledanos ; apparecem huus peque- nos bateis ; viron puiar unas gens Jfr. 167^; sunt unele femei care o doresc (il y a quelques femmes qui le désirent), comp. p. 18. L'indéfini est aussi préposé dans quelques langues aux noms de personnes, lorsqu'on ne veut pas désigner plus particulièrement la personne : ital. un Sandro Agolanti, esp. un Fabio, port, hum Manoel. Placé devant des noms de nombre il leur donne une valeur incertaine, comme ital. un cento fiorini, esp. unas dos cahms GVic. 44^, mais fr. quel- que vingt jours, comme lat. quadringentos aliquos milites (quadr. unos mil. signifierait « seulement quarante ») et gr. Yjixépaç Eé^opi.YixovTa Tivaç. — 2) Comme pronom substantif il contient l'idée d'une personne indéterminée, il est synonyme de aliquis. Ital. uno si lusinga (quelqu'un se flatte, on se flatte). Esp. muchas veces dice uno lo que no piensa. Prov. us non 0 preza Boèce v. 8 ; v. franc, uns esposa une famé ; fr.mod. non pas un, mais quelqu'un, excepté devant le relatif : il en faut trouver un qui le sache. Val. cunosc eu pre unul, pre unii. Lat. tradidit uni (alicui). — 3) Unus devient précis et prend la valeur d'un nom de nombre, lorsqu'il sert à exprimer une identité. It. tutti parlavano ad una voce. Esp. esa razon y la que digo es una. Prov. son tug d'un semblan ; fr. dans
76 PROPOSITION SIMPLE.
la locution c'est tout un. Ipse peut s'ajouter en ce cas comme le lat. idem voy. p. 72.
2. Alter a des formes spéciales suivant qu'il est adjectif ou substantif. 1) Adjectif: ital. altro, esp. otro, port, outro, fr. autre y val. ait. — 2) Substantif personnel : ital. altri, gén. d'altrui, dat. ad altrui (v.ital. altrui quelquefois comme nominatif), prov. autre, d' autrui, a autrui, franc, un autre, d' autrui, à autrui ; ce pronom se passe volontiers en italien et en provençal des particules casuelles, surtout lorsqu'il précède le substantif qui le régit {l' altrui fallo, las autrui heretatz) et en français, au moins lorsqu'on supplée un objet déjà nommé (notre droit et V autrui). Il faut remarquer sa valeur absolue dans ital. Valtrui, prov. v.fr. Vautrui (le bien d'autrui). Le portugais a outrem, négat. ninguem outrent ; l'espagnol n'a que l'adj. otro (arch. otri) et pour le rapport du génitif apeno : las casas agenas = it. le altrui case. — 3) Une forme propre pour le neutre est dans plusieurs langues al. V.esp. qui al quisiey^e PC.\ non quiero al levar Alœ.\ port, nâo entendem en al\ 0 al (subst.) nào he de louvar R. Ègl. 1. Prov., où il s'unit aussi à res : non soi aie grès per al ni al res nom fai viure; v. franc. /« n'en aurez el que la mort. Ce mot persiste encore en provençal, tandis qu'il a été remplacé en italien par altra cosa, esp. otra cosa, fr. autre chose.
3. Sur l'emploi de ce pronom voici ce qu'il faut encore obser- ver : 1) Il est quelquefois synonyme de aliquis, quidam ou du roman unus (ail. einer), en ce qu'il désigne une personne indéterminée sans idée d'opposition. Ital. oh quanto tarda a me ch'altri qui giunga (qu'un autre, qu'un certain vienne) Inf 9, 9 ; màrtiri che soglion consumare altrui (ici pour quilihet : qui consument un homme, c.-à-d. tout homme) GGav. 336. Y. esp. si otri non mintiô (si quelqu'un n'a pas menti) Bc. SU. 571. Pr. qu'om jutf autrui a tormen (qu'on condamne quelqu'un au tourment) PO. 210. — 2) Lorsqu'un substantif est désigné relati- vement à un autre substantif qui le précède par alter, les deux substantifs doivent avoir entre eux le même rapport que l'idée res- treinte avec l'idée générale, p. ex. « l'or et les autres métaux », « la haine et les autres passions ». Mais il arrive quelquefois que le second substantif exprime une idée aussi spéciale que le premier, comme si l'on disait « de l'or et de l'autre argent », « de la haine et de l'autre cupidité ». Ici alter forme pléonasme, ou bien plutôt il semble devoir ajouter un second objet au premier, résultat qui serait plus clairement obtenu au moyen de
PRONOM INDÉFINI. 77
l'adverbe altresî : oro ed altresï argento. Ex. It. nonper fa- tica ne per altra paura (pas plus par lassitude que par crainte) BLat. 23; o per invidia o per altro odio mossi Orl. 2, 5*. Esp. très doncellas e otros escuderos Cron. rimad. éd. Michel V. 341; acompanada de mi madré y de otras criadas BQuix. 1, 28. Prov. un non y ha s'il a un gaug, non aia autre pessar (il n'y a personne qui en ayant un plaisir n'ait en même temps un chagrin) Choix IV, 114 ; lais men mais per paor que per autr' essenhamen (je m'abstiens de cela plutôt par crainte que par expérience) III, 88. Cette expression remonte jusqu'aux chartes du plus ancien moyen âge, par ex. curte, [h]orto vel alia tecta Mur. II, 1023 (ann. 759) ; tam in eccle- siis quam in aliis hominïbus HL. I, 126 (ann. 875). On trouve de même en grec : oi TroXtTat xal oi àXkoi Çévot, et en m. h. allem., dans les comparaisons où ander désigne l'image équi- valente à l'idée principale : der lewe M im lac als ein ander schâf (le lion gisait près de lui, comme s'il eût été une brebis); er sweic als ein ander stein (il était muet, comme s'il eût été une pierre); v.fr. en bois estes comme autre serve (tu es dans le bois comme une esclave, dit la reine en se parlant à elle- même) Trist. I, p. 107, voy. J. Grimm Reinhart cclvii.
4. Unus et ALTER s'emploient comme corrélatifs et en ce cas unus peut aussi être mis au pluriel. Unus et aller corres- pondent à uterquCy unus alterum au classique aller alterum, alius alium ou à l'ail, einander (ex. au ch. 10, § 1, §3);
unus aller sont usités avec une valeur distributive, et il faut
observer à ce propos que l'italien emploie aussi altro . . . altro là où les plus anciennes chartes du moyen âge ne connaissent guère que unus . . . aller ou unus . . . alius (uno caput tenente in fossa et alio inpalude Brun. 843 ann. 730), par ex. altre son a giacere altre stanno erte Inf. 34, 13 ; tanto sa altri, quanto altri. On trouve même uNO ... uno : due squadre, una di Mulga, una d'Arzilla Orl. 14, 23; de même en b.lat. : calices duo, unum aureum et unum argent eum Marin, p. 106.
5. Certus est l'expression romane pour quidam (un certain que je ne nomme pas; on la reconnaît déjà en latin dans
1. Mussafla remarque à ce propos: «Mérita d'esser notato l'uso d'altro colla negazione. Gomunissime sono dizioni come non voglio altrimenti che il facciate; non accettai altrimenti il denaro offertomi per non voglio punto, non accettai punto. Cosi in Dante Pd. 11, 117 ed al suo corpo non voile altra bar a per non voile bara di sorte alcuna. »
78 PROPOSITION SIMPLE.
certi homines). Il n'y a rien à signaler à propos de ce mot si ce n'est qu'il est libre de prendre ou de laisser de côté l'article indéfini (p. 38), et qu'employé comme pronom il précède toujours son substantif. Mots personnels : ital. certuno, certuna, esp. fulano, fulana, zutano, zutana, port, fulano et sicrano, ce dernier mot n'existe que dans des locutions où il est corrélatif de fulano : fulano disse a sicrana. D'autre part le franc. certain n'a jamais de valeur absolue, on dit donc un certain homme, une certaine femm^e.
6. Aliquis. 1) Gomme a G?/ech/ ce mot est représenté par les composés dont il forme le premier membre : ital. alcuno, esp. algun, port, algum, prov. alcun. Le franc, aucun est arrivé à prendre le sens de w^^w5 , mais à l'origine et encore pendant toute la durée du xvi® siècle au moins, par ex. dans Marot, Rabelais et Montaigne, il s'est tenu au sens admis par toutes les langues romanes qui s'est encore conservé aujourd'hui dans le style de chancellerie. Il est remplacé par quelque qui n'est usité que comme conjonctif, jamais comme absolu : il y a quel- que apparence ; quelques écrivains ont traité ce sujet. L'emploi de l'ital. qualche est restreint de la même manière; il se présente à peine au pluriel {in qualche verdi hoschi P. Sest. 7) et prend souvent l'article indéfini {un qualche impiego un emploi quelconque), il en est ainsi aussi du prov. qualque. — 2) Un substantif personnel (quelqu'un, nonnemo) dont l'emploi est restreint au singulier est esp. alguien, port, alguevn (ha venido alguien'^). L'italien le remplace par qualcuno, a qui est usité au pluriel et aussi comme partitif: mandatemi qualcuno ; conosco qualcune di queste donne ; on a de même qualcheduno. Le pronom français correspondant quelqu'un, plur. quelques-uns, en sa qualité de pronom substantif propre, n'a pas de forme féminine et peut aussi bien être rapporté à des objets avec une valeur de partitif : il viendra quelqu'un ; quel- ques-uns sont arrivés ; quelques-unes de ces fleurs, jamais conjonctivement quelqu'une fleur, mais quelque fleur. — 3) Toutes les langues ne possèdent pas le neutre aliquid. L'es- pagnol a algo, par ex. mas vale al go que nada ; hay al go nuevo {aliquid novi)\ le portugais de même algo à côté de al go-rem, qui sont vieillis tous deux. Le provençal et v. français alques, auques, grâce à l'addition de 1'^, a tout-à-fait pris la valeur d'un adverbe et d'un adverbe de degré : alques helh signifie « assez beau »; cependant il s'emploie aussi pour aliquid et comme adjectif pour aliquis : alque novelh entresenh Choix
PRONOM INDÉFINI. 79
IV, 189 = fr.mod. quelque nouveau signe-, qui auques a (celui qui a quelque chose) Ruteb. I, 227. Oh exprime d'ailleurs le sens neutre par la périphrase connue : it. qualche cosa, esp. alguna cosa, fr. quelque chose.
7. Le pronom indéfini aliquis remplace quelquefois l'article indéfini lorsqu'on veut exprimer quelque chose de tout-à-fait général, «quoi que ce soit, tout ce qu'on voudra ». Ital. se tronchi qualche fraschetta (un rameau quelconque) Inf. 13, 29 ; s'avvisô di fargli una forza da alcuna ragion colorata Dec. 1. 3; pone alcun fine a miei gran danni Ger. 4, 59. Esp. arrima alguna escala d la muralla Num. 4, 4 ; lantejas los viernes, algun palomino de anadidura consumian las très partes de su hacienda DQuiœ. 1, 1. Franc, il menaça de la tuer estimant que ce feust quelque sorcière yioni. 1, 20; cela serait bon à quelque dupe. On peut chercher l'origine de cet usage en latin où aliquis, quidam, quisquam s'emploient souvent aussi de la même manière. En allemand irgend serait très-lourd dans des cas analogues à ceux que nous avons cités, l'article indéfini suffit.
8. Le pronom indéfini est aussi représenté par des substantif, qui alors désignent une personne ou un objet de la manière la plus indéterminée possible. 1) Homo, qui s'applique dans ce sens sans article, est vieilli. Ital. com' uom che pinge bene (comme quelqu'un) PPS. I, 69; com' uom che riverente vada Inf. 15, 45. Esp. hombre de ellos no quedase d vida (aucun d'eux) S. Prov. 58; port, nâo ha mayor vencer que vencerse homem a si R. Egl. 1 ; onde nunca homem chegou (où jamais quel- qu'un n'est arrivé) GVic. II, 58. Pr. (très-fréquent) tornon hom en folor Choix IV, 20 ; v.fr. j'ay 7nari sage que pour homme ne fausser oie (pour personne). Lat. accipit hominem nemo melius (personne ne reçoit un homme meilleur) Ter. Eun. 5, 8, 52. Sur un emploi tout-à-fait abstrait de homo avec le verbe voy. plus bas chap. 11, 8. Un synonyme est persona : ital. Vho sentito da persona degna di fede e\Q.^. — Causa, res,
1. Christianus aussi, pour le dire en passant, était usité comme syno- nyme de homo ou persona. Voici quelques exemples : ital. non credo che al viondo sia crisiiana si piena di beltade G. Guinicelli (Nann. Lett. I, 43); era il più bel crisiiano de' suoi tempi ; prov. ancmais non ausi crestians a nulha ren tan gran dol far Jfr. 114 b; que cristians ni crisiiana anc en neguna terra vi ibid. 165''; al mon non es crestians de lunh aire que sieus liges non fos Choix IV, 66 ; v.fr. une des plus bêles dames c'onques veist ne cristiens ne cristiene Chev. au lion {Romv. 552). Les sens de christianus et de homo se confondent même dans le roumanche cristiaun.
80 PROPOSITION SIMPLE.
également sans article : ital. se cosa appare ; quando s* ode cosa ; cosa non detta in prosa ; esp. no hay cosa ; prov. parlar cosa (ren) que sia d'onor ; franc, ils ne le fer oient pour chose du monde Mont. 1, 22. Dans le vers connu d'Ovide mittere rem si quis qua caret ipse potest Trist. 5, 13, rem correspond tout-à-fait au roman ren, rien. — Sans article, homo, persona, causa, res se restreignent presqu'à l'emploi négatif ou à demi négatif; quand ils ont une valeur positive l'article indéfini les accompagne. Voyez à la troisième section où l'on traitera aussi des pronoms négatifs.
9. La formule latine nescio quis, qui sert à désigner quelque chose d'inconnu, est aussi romane. Ex. Ital. risplende non so che divino Par. 3, 59; un non so che di flehile e soave Ger. 12, QQ\ m'appario un non sapea che hianco (où le temps du verbe est observé) Pg. 2,23. Esp. tiene un nosequè de honito\ no se que murmurando. Pr. respon a no sai que s' es Choix IV, 37 ; franc, un je ne sais quoi qui me pique. C'est de cette formule que semble dériver le pronom valaque niste, nestine, niscare (t. II, p. 419). Les adverbes nescio quando, nescio ubi etc. se comportent comme nescio quis.
10. Talis est aussi employé dans les langues modernes en qualité de pronom indéfini, savoir : 1) Pour nonnemo, et en ce cas il ne prend pas d'article. It. taie ride che pianse ; aussi taluno (comme angl. such a one). Esp. tal ha reido que llora\ port, tal se^nêa que nâo colhe. Prov. tal se cuia cal far que s' art ; v. franc, itel en plore encore qui or s'en vait riant ; ir.mod. tel rit aujourd'hui qui pleurera demain. — 2) Pour quidam, avec l'article. Ital. il taie me Vha detto ; conosco VM taie ; verrô alla tal'ora; una cotale infermità. Esp. un tal lo ha hecho ; un tal Gonzalo ; port, hum tal homem. Franc, il est chez un tel. Talis est aussi le mot propre pour désigner une personne hypothétique qu'on ne nomme pas parce qu'elle n'existe pas, par ex. prov. eu aitals, veguiers, promet a vos Coût. d'Alais 2, 2 = fr. moi tel, viguier, je promets à vous ; le b. latin emploie en ce cas ille, par ex. ille rex Francorum inlustri illi comiti dans les formules juridiques. — 3) Avec une valeur distributive pour aller ... aller . Ital. tali consentirono e tali rifutarono (de même i cotali...gli altret- tali). V. franc, tel (diseit) ben, tel anomal TCant. p. 40. En espagnol on dit hacer taies y taies cosas (ceci et cela). Comp. p. 39.
11. Au latin quicunque, quilibet répondent diverses formes
PRONOM INDÉFINI. S\
romanes qui s'emploient soit avec la valeur de conjonctions, soit comme de purs adjectifs. Des exemples donneront une idée claire de ce procédé. Ital. qualunque persona si sia ; quahmque donne si sieno (mais le pluriel est vieilli); divora con la lingua quahmque cibo ; di qualsisia ou qualsivoglia specie ; personnel pour quisquis : chiunque tu sia; lo dissero a chiunque ; venga chicchessia ; da chi che (chicche) tu Vahhia udito; les neutres cheunque (arch.), checchessia et che che (checche) se construisent de la même manière. Esp. de quai- quiera manera que sea ; qualesquier artes use ; esento de qualquiera temor\ personnel : de quienquiera que tû hahles; aussi qualquiera qui est en même temps neutre; port, qualquer que seja o i^esultado ; a qualquer sus amigos favorecem ; qualquer estranha gloria ; quemquer que por elle corra. Prov. qualsque dan m'en sia ; troha qualaquom pietat ; per- sonnel : qui que sia; neutre : que que sia. Le fr. quelconque, en dehors du stjle didactique, n'est employé qu'au singulier et avec la négation : il a la' valeur d'un adjectif et se place toujours après son substantif : il na mal quelconque; deux points quelconques étant donnés ; personnel : quiconque n'obser- vera pas cette loi sera puni ; je n'y ai trouvé qui que ce soit ; neutre : il ne s'applique à quoi que ce soit ; quoi que vous fassiez. Ces pronoms seront encore étudiés au point de vue de leur valeur conjonctionnelle dans la deuxième section ; quant à la combinaison française quelque . . . que et quel que il ne peut en être question que dans cette dernière partie de la syntaxe.
12. Pour QuiSQUE et omnis il existe diverses expressions en roman ; elles sont restreintes comme quisque au singulier. Un adjectif italien, qui peut s'employer aussi comme substantif, est ciascuno, aussi ciascheduno, dans d'anciens écrivains on trouve aussi caduno ou catuno (cade notte dit GiuUo PPS. I, 10); ognuno, a est purement substantif. Il faut ajouter encore à ces formes ogni qui ne peut s'employer que comme adjectif, par ex. dans ogni di, ogni or a, ogni chiesa, en v. italien il est usité aussi au pluriel : la potenza che cose ogni sostene PPS. I, 396. L'espagnol et le portugais ont l'adjectif cada, par ex. cada paso, cada ave ; les combinaisons cada uno, cada hum, aussi cada quai,