KiEiyiOIRES ET DOCUMENTS
PUlîLIÉS PAR LA
SOCIÉTÉ SAVOISIENNE
D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE
La Société laisse à chaque auteur la responsabilité de ses assertions et de ses opinions.
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MÉMOIRES ET DOCUMENTS
PUBLIES PAR
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D'HISTOIRE
ET D'ARCHÉOLOGIE
TOME XXXV
DEUXIÈME SÉRIE — TOME X
CHAMBÉRY
IMPRIMERIE V^'« MÉNARD, RUE JUIVERIE (uÔTEL d'aLLINGES)
1896
BULLETIN DES SÉANCES
DE LA
SOCIETE SAVOISIENNE
D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE 1895-1896
TRAVAUX DE LA SOCIETE
Séance du 7 juillet 1895.
(Présidence de M. Mugnier.)
Le procès-verbal de la séance du 9 juin 1895 est lu et adopté.
M. Michel, l'un des secrétaires, présente diverses brochures envoyées par leurs auteurs à la Société : le premier volume de la seconde série des Monumenta historié patrie, ainsi cj[ue les tomes I et II de la troisième série de Miscellanea cli storia patria.
Cette seconde série des Monumenta est éditée en un format beaucoup plus commode que la première dont les in-folios étaient peu maniables.
Le tome P"" de cette seconde série contient le Codex diplomaiicus Cremonœ (715-133-4; 400 pp.) de M. Laurent Astegiano.
Le tome P'" de la troisième série de la Miscel- lanea renferme les travaux suivants, tous écrits en langue italienne : Notices et documents de quelques chartreuses de Piémont, par M. Fran- çois-Xavier Provana di Collegno, 347 pp., l'ouvrage n'est pas complètement achevé ; — Recherches historiques sur le bienheureux Bonifcice de Savoie, archevêque de Cantorbéry (1207-1270), par le P. Joseph Strickland, docteur en philosophie et en lettres. — On trouve au tome II : l'Epoque du Comte Vert en Piémont, 260 pp.^ par M. Ferdinand Gabotto ; — de l'Esclavage et du servage en Sardaigne , par M. Pierre Amat de Saint-Philippe ; — sur la famille de Gaëtan Pugnani, par M. le baron Dominique Carutti ; — Maria-Luigia-Gahriella di Savoia, sposa di Filippo V re di Spagna, in Ni^::;a nel 1701, par M. Jérôme Rossi.
M. Mugnier signale le grand intérêt que l'ouvrage de M. Gabotto présente pour l'histoire de Savoie. Il en est de même des recherches du P. jésuite, J. Strickland, sur Boniface de Savoie; mais on ne s'explique pas pourquoi l'auteur a doDuéj vingt fois au cours de son ouvrage , le nom de Pierre d'Aiguebelle à Pierre d'Aigue- blanche (de la famille des sires de Briançon), évêque d'Héreford, en Angleterre. A la page 388,
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il cite aussi le château de Saint -Maurice sur l'Isère. Comme il s'agit de Saint-Maurice en Valais, l'auteur aurait dû dire Saint-Maurice sur le Rhône. Un grief plus grave pourrait encore lui être fait , c'est de s'être appliqué à vouloir mettre le chroniqueur Mathieu Paris en contradiction avec lui-même dans les reproches dont il accable Boniface, cet étranger devenu archevêque de Cantorbéry par la pure faveur de Henri III. Les différences de textes citées ne sont véritablement que des atténuations qui n'entachent pas la véracité du moine de Saint- Albans.
M. Mugnier relève dans un morceau de parchemin du xv^ siècle le nom d'Oi/selei (Jean), appartenant à un paysan de Dingy-Saint-Clair, entre Annecy et Thônes.
M. Guigues envoie les deux communications suivantes :
Inscription gravée sur l'ancien pont DU torrent des Aravis, a la Giettaz (Savoie).
Le village de la Giettaz est situé au pied des Aravis, dans l'étranglement formé par le confluent de la rivière de l'Arondine et du torrent des Aravis. Sur ce torrent existait autrefois un pont en bois servant de passage au chemin de grande communication no 18 qui relie entre eux les deux départements savoisiens. Cette passerelle de bois fut remplacée en 1757 par un ouvrage en pierre,
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aujourd'hui en très mauvais état. Il n'a pas été entretenu par suite de la rectification ou déviation dudit chemin. Ce pont en maçonnerie fut construit en forme d'une arche assez régulière par le desservant de la paroisse de la Giettaz, M. Vitloz, qui y fit placer une inscription originale, encore bien conservée. Elle est gravée en lettres de sept centimètres de hauteur, sur le parement intérieur d'une pierre du parapet :
NIL VANI VENANS
SED PUBLICA COMMODA SPECTANS
HUNC PONTEM STRUXI
CURISTE MEMENTO MEI
1757.
Ce n'est pas par vanité mais en vue de l'intérêt public que j'ai construit ce pont. 0 Christ, souviens- toi de moi! — 1757.
D'après la tradition , les matériaux du pont furent transportés sur place patiemment par les enfants de l'école dont M. Vitloz était l'instituteur, sous l'ancienne dénomination de régent (autrefois petites écoles).
Donation d'un terrain a Montmélian
POUR LA construction DE l'ÉGLISE DES CAPUCINS
L'an 1596 et le 10 septembre . . . par devant moy notayre ducal soubsigné. , .personnellement s'est estably et constitué noble Estienne Brunet, seigneur de Sainte Plélaine du lac le quel de son bon gré et libre volonté pour luy et les siens hoirs. . . meu de dévotion envers les Rfis pères relligieux de l'ordre de Saint François dit
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les capuchins (1) donne baille... par donation pure simple et irrévocable laquelle se dit faitte entre les vivans, a ce qu'il soit fondé une église du dit couvent de capusins, a l'honneur de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie sa digne mère et de Monsieur Saint- François, à sçavoir :
Une maison assise a Montmélliant hors la ville en la rue de Marmachère avec une pièce de vigne verger y confinant jouxte la rue ou chemin public tendant de Montmélliant à pont vieux du costé de la montagne de la Tuille, le cours de la rivière d'izeire du costé de la Chavane, la maison curlil et islle des hoirs de noble Bernardin Blancbin du couchant, etc., pour icelle pièce estre et demeurer à perpétuité audit couvent par œuvre pie et service divin et à ce que les relligieux cappuchins diceluy couvent soient tenus prier Dieu pour lame diceluy s''s donnateur, ses antecesseurs et successeurs quelconques et ce en la pure réception et acceptation de honf8s Jean Panisset et Laurent Burdet scindics modernes dudit Montmélliant icy présents et acceptants pour ledit couvent et relligion d'iceluy ; de la quelle pièce le donateur s'est desaisy et desvélu et lesd» couvent et relligieux diceluy en la personne desds scindics en a investi par tradiction d'une plume etc sous toutes fois les réserves et conditions suivantes : Premièrement que led. s^' donateur s'est réservé la prise (récolte) pendante en la susdite pièce. Item que là ou la volonté des s''^ provincial et relligieux dudit ordre de capuchins et commodité du lieu ne permettraient y édiffier les susdits église et couvent de manière que ne y
(1) Prononciation générale du mot italien capuccini ; voir P. de l'Estoile, etc.
édifiassent aucune église ny couvent cliceux, que audit cas la présente donuation demeurera nulle et comme non faite ; en tout autre cas sera bonne et vallable en faveur de la susd. église et couvent de capuchins. Item qu'il sera permis aud. s^" donateur faire apposer ses ar- moiries en la susdte esglise et couvent à sa volonté et aux lieux qu'il trouverat luy estre plus commode. Item que le s"" donateur pourrat eslire sa sépulture en la susd' esglise là ou les dits s^^s provincial et relligieux le trouveront bon et se pouvoir faire et dans le cœur dicelle église promettant led* s^ donateur par son serment par luy preste etc. de maintenir et faire exécuter la donation.
Fait et passé à Montmelliant dans la maison d'honte Antlioine Boisson, pr^s noble Jean Berol de Pingon, seigneur et baron de Cusy et de Bonvillard, noble Jean Brunet seigneur d'Espierre, frère dud. s' donateur, noble Pierre Louys de Lescliereine et noble Mauris Grand dud. lieu et ville de Montmelliant témoins a ce requis et moy François Dufour no^ ducal bourgeois dud. Montmelliant.
Extrait dud. original collation faite et relevé par moy noe ducal soussigné le 4 may 1630. Signé Testa.
M. Mugnier présente un acte de donation fait par un gentilhomme de la Roche à la veille de partir pour la France, « et même pour Paris », où l'appellent le service de son seigneur le duc de Genevois-Nemours , Henri de Savoie, celui de Son Altesse le duc de Savoie, ainsi que ses affaires particulières.
C'était là un grand voyage, fort périlleux pour un officier de ce duc de Nemours qui avait
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longtemps tenu tête à Henri IV et avait presque osé lui disputer la couronne de France. Après la mort de son frère Charles-Emmanuel de Sa- voie (juillet 1595), Henri de Savoie, appelé jus- qu'alors le marquis de Saint-Sorlin, s'était rap- proché de son parent le duc de Savoie Charles- Emmanuel P'"; c'est ce qui explique que Boniface de la Grange, le maître d'hôtel du duc de Nemours, eût obtenu du duc de Savoie des assignations ?ur les tailles et la gabelle du sel en Faucigny, fief du duc de Nemours, mais où « Son Altesse le duc » exerçait des droits réo-aliens.
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L'acte nous fait connaître un certain nombre de Rochois importants et parmi eux un frère du donateur , noble Pierre de la Grange , écuyer, chevalier de l'empereur d'Allemagne Rodolphe II, le châtelain de la Roche, le curial, etc.
Les diverses dispositions contenues dans la donation sont révocables de plein droit si Boniface de la Grange revient au pays. 11 semble qu'il n'en a rien été, puisque la copie présentée à la Société a été délivrée en 1731 à R"^ Claude -François Raphy, cusios de l'église collégiale de la Roche et recteur de l'hôpital de cette ville. Le chanoine n'en aurait pas fait les frais si les établissements qu'il régissait n'avaient pas considéré cette pièce comme un titre de crédit.
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Donation de Boniface de la Grange.
L'an 1598 et le dernier jour d'octobre, comme ainsy soit que noble seigneur Boniface de la Grange, conseiller et maître d'hôtel de Monseigneur le duc de Genevois et Nemours eut assignation et mandat de prendre et recouvrer (1) sur la ville de la Rocbe, les paroisses de Pers, Amancy, Mugnetier (2) et Mornex, Passerier, Saint-Pierre de Rumilly et autres, a luy bailliés par Son Altesse, sur lesquelles lui restent dues plusieurs sommes, pour lesquelles exiger et recouvrer il ne peut retarder et séjourner en ce pays, étant requis [tant] pour le service de la dite Altesse et de Monseigneur que par ses affaires particuliers de partir le prochain mois de novembre et faire un voyage eu France et même au lieu de PariSj car advenant que par le vouloir de Dieu il vint a décéder au pays de France. . .il veut et donne de sa grâce spéciale a prendre sur les dites assignations : lo pour la réparation de l'église de La Roche, 500 florins ; — 2'^ pour la réparation du collège (3) de la dite ville, 500 florins ; — 3° pour la réparation de l'hôpital, 500 fl. a employer sous la surveillance des syndics et de noble François de la Grange et Estienne Constantin ; — 4° a ses nièces demoiselles Cesarine, Janique et Marguerite,
(1) Ces assignations étaient des dons faits par le souverain aux personnes dont elles recherchaient les services ou voulaient récompenser le concours. Elles étaient payables sur la caisse des receveurs ducaux.
(2) On dit actuellement Monnetier.
(3) Le petit collège de la Roche était assez important. On sait que Saint François de Sales y fit ses premières classes.
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filles de nobles s>" Pierre-Paul de la Grange écuyer, et chevalier de Sa Majesté impériale, et a chacune d'elles, 1,000 florins; — 5° a n. François de la Grange fils de feu Estienne, 500 florins ; — 6° aux héritiers de feu noble Boniface de la Grange son cousin 500 florins ; — 7° a n. Estienne Constantin chastelaiu de La Roche, 500 fl. ; — a Aimard feu Aymé Lombard, 500 fl. En tout 6,500 florins ; le tout sous la formelle reserve que revenant le dit s»' de la Grange au pays de Savoye et ville de la Roche le présent don gratuit sera nul, car ainsy lui plaît et sans la présente reserve le présent acte de don et déclaration n'eut esté fait.
L'acte est reçu par M® Claude Barbier, notaire et curial de La Roche, dans la maison appartenant à n. Etienne Constantin, châtelain, et à son neveu, en présence de messire Pierre Peroni, chanoine^ etc.
La première expédition est délivrée à honorable Janus Vulliand directeur de l'hôpital et député du collège de la ville par les syndics et administrateurs de celui-ci pour l'exaction des « légats » du si" de la Grange.
Séance du 11 août 1895.
{Présidence de M. Mugnier.)
Après lecture , le procès-verbal de la séance précédente est adopté.
M. le chanoine Bombard, ancien secrétaire de S. Em. le cardinal de Lavigerie, curé de Sainte- Croix à Tunis, fait don à la Société de l'ouvrage de M. d'Anselme de Puisaye : Etudes sur les
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dioerses publications du R*^ P. Delattre relatives à ses fouilles et à ses inscriptions de Carthage. Il présente à la réunion une petite statuette et de petites urnes en terre cuite que l'on rencontre à chaque instant dans les fouilles de Tunisie. De vifs remercîments sont adressés à notre compa- triote et sociétaire.
M. Mugnier lit deux lettres inédites du « comte de la Roque », un membre peut-être de la famille Graneri de la Roche, adressées à sa mère en juin et juillet 1734 et relatives â la guerre dite de la Succession de Pologne. Elles sont suivies d'une relation de la bataille de Parme gagnée sur les Impériaux par les Franco-Sardes commandés par le duc de Broglie et le roi de Sardaigne, Charles- Emmanuel III, et d'un état des tués et des blessés appartenant à l'armée des alliés.
Une troisième lettre du 22 mai 1742 se rapporte à la guerre de la Succession d'Autriche, dans laquelle le même roi de Sardaigne était allié aux Autrichiens contre les Espagnols qui venaient d'envahir la Savoie et l'occupèrent durant sept années.
I
Du camp devant Parme le 30 juin 1734.
Hé bien ma chère mère, il y eut hier une grande battaille icy sous le canon de Parme, qui a été des plus vives, et des plus sanglantes qu'on ait vu depuis long- tems, elle a durée depuis 11 heures du matin jusqu'à
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9 heures du soir ; le Roy n'y a pas été, parcequ'il n'est arrivé que ce matin à 5 heures, et tous nous autres. S. M. est d'abord allé au champ de bataille, dont nous sommes restés les maîtres, les ennemis s'étant retirés ; on dit qu'ils décampent de l'endroit, où ils etoyent, mais on ne sait pas encore où ils se sont repliés, ils nous ont attaqué vigoureusement, mais de notre coté on s'est defïendu de même. La cavallerie n'a du tout point donné, ce n'étoit pas un païs pour elle. Nous ne savons pas encore le nombre des morts et des blessés, mais il en est resté considérablement de part et d'autre, mais je crois que les ennemis ont beaucoup plus perdu, on croit qu'il peut y auoir 150 officiers françois entre morts et blessés, et 60 des nôtres. Le marquis de Sénantes a eu une petite egratignure au front très légère , et sitôt qu'il a été pensé il est allé retrouver son père qui se porte fort bien, vous voyez que cela est bien beau pour luy. Des gens de connoissance de tués, il y a M. de Senerclan lieutenant collonel du régiment de Rietman, le chevalier Blancardi di Ci- gale capitaine dans Monferrat, le lieutenant-collonel de Cbolembourgj et quelques autres capitaines, ou lieu- tenants. De blessés il y a le chevalier de Siez, le che- valier Bolgaro tous deux assez considérablement. Pas- toris de Monferrat assez légèrement, le comte de Santena a la cuisse cassée et plusieurs autres. Mons. le marquis de Suze est aussy légèrement blessé à la hanche. Les François ont perdu plusieurs généraux, le marquis de Lille, et de Mison tués, tous deux maréchaux de camp, le marquis de Valence, brigadier, tué, M^s de Cadrieux et de Savignes blessés , de même que mons. de Louvigny maréchal de camp, M. de Coigny a une contusion à la cuisse. Les armées etoyent l'une
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contre l'autre, derrière chacunne d'un fossé, n'ayant entre deux que des chemins, de façon qu'on se tiroit à bout touchant. L'afïaire n'auroit pas même finie, si le général Mercy n'a voit été tué, on dit aussy le prince Louis de Wirtemberg, et de Colembak blessés, de même que le général Wactendon tué. Le chevalier de la Roche capitaine de grenadiers de Savoye a été blessé très légèrement à la main ; toutes les compagnies de grena- diers de nos trouppes sont restées qui plus, qui moins à 12, ou à 15 par compagnies ; nous sommes encore campés dans le même endroit, oii nous sommes venus hier, notre gauche à Parme, et notre droitte s'étend vers le Taro.
II
De la chartreuse de Parme, ou du camp S. Lazard, le 2 juillet 1734.
Je vous écrivis bien à la hâte ma dernière ma chère mère, et il en est de même de celle cy. Nous sommes dans un continuel mouvement. Hier toute l'armée décampa , nous passâmes la Parme tout à coté de la ville de Parme, et nous sommes venus camper à S. Lazaro tout le long du grand chemin de Parme à Reg- gio, qu'on nomme la strada Romana que nous avons devant nous. Notre droite est apuyée vers Parme, et notre gauche s'étend à San Prospère sur deux ligues, et les ennemis sont vis à vis appuyez contre le fort de Castel-Cerugolo. Le quartier du Roi est icy à La Chartreuse, qui est assez belle, mais nous n'y serons pas longtemps, puisqu'aujourd'huy vers midy l'armée décampe de nouveau pour aller camper plus en avant du côlé de Sorbolo aux bords de la Linze. Hier le Roy
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escorté de trois régiments de Dragons fransois, alla jus- qu'au grand Pont, qui est sur cette rivière, que nous passâmes pour reconnoiire le païs^ mais nous nous en revînmes ensuitte, parceque nous aperçûmes à droite, et à gauche du monde qui fit croire que les ennemis avoyent de ce colé là des grandes gardes. Les Impériaux doivent cependant avoir entre 5 à 6,000 hommes de tués, ou blessés; de notre coté les Fransois en auront 3.000, et nous, plus de 800; dont 200 sont tués, et plus de 600 blessés, compris les officiers, dont je vous envois une liste.
Dans le moment qu'il est, huit heures et demy du matin, nous venons d'apprendre que les ennemis décam- 23ent avec précipitation de leur camp de Castel-Cerugolo, et qu'ils filent vers la Linze pour la passer, ce qui nous a déterminés à y envoyer à leurs trousses tous les régi- ments de dragons , et les carabiniers , et une brigade fransoise, et une des nôtres qui est celle de Monferrat, ce qui ne sera pas fort difficile à bien réussir, car ils ont abandonné leur camp avec des tentes, et des equippages, car des marodeurs fransois y ont étés, et ont emportés des tentes, des cantines, et autres choses. C'est AD" le maréchal de Broglio qui commande cette trouppe qui poursuit du coté de Reggio, et en attendant notre armée marchera à Sorbolo pour pouvoir aller à la Vittoria au de là de la Linze, avant que les ennemis y arrivent. Il est certain qu'ils sont absourdis [sic], et en deroutte ; c'est M. le prince Louis de Wirtemberg qui commande, parce qu'il n'est blessé que très légèrement.
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III
DU CAMP DE s' PROSPERO LE 2*^ JUILLET 1734.
L'on a connu que le lendemain les avantages de la battaille donnée prez de Savone le 29 juin. Les ennemis proffîttant des ténèbres pour cacher leur consternation et leur desordre se rendirent le 30 au matin dans leur ancien carap, laissant leur morts, et leur blessés tout le long des chemins depuis le champ de bataille jusques à leur camp. Le lei" du mois on eut avis qu'ils marclioienl de nouveau dans un très grand desordre, et prenoient le chemin de Reggio par la colline du coté de Monte Cliiavigolo ; sur quoi S. M. a fait marcher son armée, après avoir donné les ordres les plus précis, et les plus deltaillez pour la sépulture des morts, pour l'établissement des hôpitaux pour nos blessez, et même pour ceux des ennemis, dont on a pris un grand nombre, et dont on en trouve à tous moments à mesure que nos partis s'avancent à la suite des ennemis ; dans le nombre de ces blessés prisoniers sont M. De la Tour général de battaille, et M. le comte De Colmenero ajutîant général , et colonel. 11 vient sans cesse des déserteurs en foule, qui anoncent la ter- reur, ou est l'armée ennemie dénuée de chefs, et dont la perte monte a plus de 6/m hommes. En faisant marcher l'armée au deçà de la Parme pour venir camper entre S*' Prospère et S* Lazaro le long de la tête de nôtre camp, dont la droite est à S'^ Lazaro, S. M. a ordoné quelques détachements de cavallerie pour suivre les ennemis, ces détachements les ont trouvé décampez , ayant laissé dans leur camp des tantes, des cantines, des équipages, batterie de cuisine et marchant à la hâte vers Reggio, ou
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sont leurs magasins, ce qui nous met à portée en les sui- vant, de reprendre les bords du Crostolo, et de tirer nos subsistences du Modenois.
Jusques à ce jour 1er juillet voicy l'état des officiers généraux et principaux des ennemis morls, ou blessés à la battaille de Parme, ce qui est confirmé par les priso- niers, et déserteurs.
Blessés. Morts.
M. le maréchal de Mercy » 1
M. le prince Louis de Vlrtemberg. 1 »
!M. de Palfi 1
M. de Vins » 1
M. le prince de Culonbak » 1
M. Diesbak, blessé à mort 1 »
M. de Vactendon 1 »
M. de Valdek 1 »
de battaille ) M. le chevalier de la Tour, blessé
et prisonnier 1 »
M. de Palfl » 1
M. de Castelbarco, blessé et pri- sonnier 1 »
7 4 On ne peut pas avoir la note des autres officiers.
Etat des officiers français blessés et morts.
Blessés, l'orls.
, . , , i M. de Guerchois 1 »
Lieotenanls- m. de Savines 1 »
g™^ / M. de Cadrieux 1 »
ÎM delTsle » 1
M. de Mison » 1
M. de Louvigny 1 »
M. de Boissieux 1 »
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Blessés. Morts.
/ M. [de] Valence » 1
l M. Delachatre » 1
Brigadiers Prince de Montauban 1 »
/ M. deCadeville 1 »
\ M. de Biron 1 »
M. de la Trimouille 1 »
M. de Crussole 1 »
M. de Contade 0 »
M. de Timarion 0 »
M. de Hantefort 1 »
M. de Maillebois 1 »
L'on ne scait pas précisément le nombre des morts, et des blessés, mais on juge que ce peut être environ 3/m tout compris.
Etat des morts et des blessés des troupes de S. M. le Roy de Sard.^igne.
S. A. Monseig. le marquis de Suse blesse favorablement.
Morts. Blessés.
Capitaines 4 17
Lieutenants 2 46
Enseignes .... 1 6
Sergens 10 19
Caporaux 15 61
Soldats 172 566
204 685
Lieutenant-colonel M. de Senercland mort.
Autres blessés 4
Aujourd'huy 2^ juillet S. M. a fait la disposition sui- vante :
M. le maréchal de Broille avec tous les dragons de l'armée tant françois, que piemontois, les 10 escadrons
XXI
des carabiniers et trois brigades d'infanterie à sçavoir celle de la Reine, celle de Souvré, et celle de Monferrat ont ordre de rnarclier sans relâche pour s'emparer du poste de S'^ Vittoria sur le Crostolo, et S. M. avec M. le Maréchal de Coigny, et le reste de l'armée vont camper celte nuit aux maisons de Sorbolo pour soutenir M. le Maréchal de Broille.
Note plus spéc!fique des officiers blessés ou morts
DES TROUPPES DE S. M. LE ROY DE SaRDAIGNE.
S. A. Monseigneur le marquis de Suse blessé légèrement. Régiment des Gardes.
Le chevr de Ciglié (1) blessé. Baron de Valaise blessé. Comte des Hais blessé. Marquis de Candie le fils blessé.
Marquis de S'-Innocent blessé.
Régiment de Savoye. Le chevalier de la Roche La Grave blessé.
blessé légèrement. Dumilly {d' Huiiiilly) blessé.
M. de Lornaix blessé.
Régiment de Scholembourgh. M. War, lieutenant-colonel mort.
Régiment des Fusiliers. Bolgaro blessé à mort. Piossasque blessé.
Gerardi point trouvé. Bagnot tué.
Borel blessé. Villafallet blessé.
Berta tué. Corsiglia tué.
Alfatio tué. Franson {ou Frcineon) blessé.
Solar blessé.
Régiment de Rehinder. Quesne blessé.
(1) Ou de Oglié.
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Régiment de Monferrat. Pastoris blessé. Blanc-ardi tué.
Régiment (suisse) de Déportes.
Bourlamaqui mort. Pittet blessé.
Blouay blessé. Boulade blessé.
Décroisé blessé. Bugat tué. Deceppui blessé.
Régiment (suisse) de Rietmant.
Senerclan, lieut'-colonel Rietmant blessé.
tué. Berly blessé.
Gacon blessé. Peigea blessé.
Soutin blessé. Ducoster blessé.
Bicler blessé. Bousser blessé.
Kalbermater tué. Satter {ou Sortter) blessé.
Battaillon de Turin.
Santena mort. Brichanteau blessé
Senantes blessé légèrement. Franco blessé,
Tarantaise. Deshesmilieres mourant. Barcalliere {sic) blessé.
La Tour blessé. De Volée blessé.
Metrail blessé.
IV
Du camp de Collegara le 22 may 1742
Je ne doute point mon cher amy, que l'on ne débite à Turin quantité de fausses nouvelles sur ce qui se passe icy, et que même on ne nous ait déjà fait battailler avec M^"» les Espagnols, vu qu'ils ne sont qu'à 3 milles de nous , le Panaro entre deux que l'on peut égayer {passer à gué) partout, et qu'à notre droitte on peut passer presqu'en battaille n'y ayant pas demy pied
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d'eau. Et affin que vous sachiez au vray ce qu'il en est, je me flatte que vous serez ravi de savoir notre position, et tout ce qui se passe icy à cet égard, tant de noire coté, que de celuy des ennemis, pouvant les ap- peler tels, vu que les hostilités ont commencé^ et que nous avons déjà 400 et plus de prisonniers des leurs, sans qu'il nous ait coûté un seul homme jusqu'à présent.
Leur armée est à la hauteur du Fort Urban sur 3 lignes, dont la première est de cavalerie, les deux autres d'infanterie, et les Miquelets à la tête des trois lignes. Leur force est de 49 Bataillons^ dont 26 sont forts et bons. Le reste est réduit à rien, et de la Racaille ramassée aux 4 coins du monde , outre la désertion énorme, qu'ils ont souffert, et qu'il ne discontinue point, ayant depuis 6 jours, que je suis dans ce camp, yù. plus de 600 de leurs déserteurs, sans conter ce qui passe ailleurs qu'à l'armée. Leur artillerie est copieuse, savoir de 50 pièces de campagne très courtes, mais de gros calibre, et montée sur de petits afïus bas, et ressemblants aux afïus marins. La cavallerie est de 36 es3adrons ; on la dit, et assure, belle et presque complette, mais leurs chevaux sont détruits et en mauvais état. Il y a outre cela 400 miquelets gens faits pour la petite guerre, et pour empêcher la désertion ; la position de leur camp est comme je vous ay dit à la hauteur du fort Urban, moitié à la droitte et moitié à la gauche du grand chemin qui vient de Bologne à Modene à 3 milles du Panaro. Les deux capitaines généraux sont peu amis entre eux, et toujours de différens sentimens ; l'argent manque à leur armée, jugez du courage qu'elle peut avoir.
Notre armée est composée de 23 bataillons de nos trouppes, faisant 4 Brigades d'infanterie, et de 18 esca-
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drons de cavallerie, 12 Bataillons autrichiens, 2 régiments de cavallerie, et 1 d'Houssards. Notre artillerie est de 13 pièces pour notre contingent et autant pour les Autrichiens. Notre position est à un petit village dit Collegara ; la droitte vers Castelnovo, la gauche vers Navicella ; le grand chemin de Modène à Boulogne entre les Autrichiens et lestrouppes du Roy. Notre cavallerie est sur notre droitte, celle des Autrichiens sur la gauche, et nous ne formons qu'une ligne à la reserve de la Brigade du Piémont, où je suis, qui est en seconde ligne auprès du quartier du Roy. Le premier bataillon des Gardes est derrière la maison ou le Roy loge, les Gardes du corps sur le devant. Le camp est fort et bon, et nous avons pratiqué des communications devant nous, pour aller au Panaro à droite pour nous étendre vers Castelnovo, et Spilimbert, et à gauche pour y rester si le besoin y est. Le païs est tout couvert d'arbres, traversé par de fossés, et de ruisseaux, qu'on nomme le Tiepido et la Nizzola^ outre plusieurs canaux, dont le passage ne laisse pas que d'embarrasser ceux qui veulent venir à nous. Le Roi est arrivé hier au matin à l'armée, les trouppes autrichiennes de même, et 9 escadrons de notre cavallerie ce matin, ainsy nous sommes en très bonne posture et prêts à bien recevoir les Espagnols, s'ils se ravisent de venir à nous, ce que je ne crois pas, vu qu'ils ne nous ont point attaqués le 19, 20, et 21, que nous étions très foibles, n'étant que 17 battaillons sans artillerie, et avec 9 escadrons seuls de nos dragons. Nous nous y attendions le 20 au malin, et pour lors nous n'avions pas beau jeu, mais maintenant nous nous moquons des Espagnols, et seroit à souhaitter qu'ils vinssent à nous , car la volonté de notre armée est bonne, et il seroit probable qu'on les battit. Comme
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qu'il soit , je soiihaitte qu'on prenne au plus vitte un party, car je suis las de coucher sur la dure, de manger mal, et d'être sans equippage.
T[on] Ffrère?]
Du camp de Collegara le 23 may 1742.
Les ennemis s'avancèrent' le 20 à 4 milles de distance de notre camp, le Roi qui etoit à Reggio ce jour là en partit immédiatement le lendemain malin sur le premier avis pour se rendre icy dans la ferme resolution de les combattre. Il y donna d'abord toutes les dispositions, et nous avons cru avant hier ou hier une action. Mais les Ennemis qui n'ont point fait de mouvement ces deux jours passés ont battu ce matin la Générale et la Marche. Sils viennent à nous à droiture, ce qui n'est pas probable (?) parce que ils seroient trop mal reçu, il pourroit encore y avoir aujourdhuy un combat, et sils prennent du coté de la Montagne cela peut arriver au plus tôt demain, et au plus lard après demain. Nous tenons cela pour infaillible, trop de raisons nous le persuadent.
La Société reçoit de notre bon collègue M. le capitaine Césaire Carbon, en retraite à Amiens, une belle photographie du tombeau du chanoine Thomas de Savoie, petit-fils de Thomas II de Savoie, comte de Flandre, fils de Thomas III et de Guie de Bourgogne, cousin du comte de Savoie Amédée V. Cet ecclésiastique, décédé à Amiens le 4 mai 1335 et enseveli dans la cathédrale de cette ville, avait été nommé maître des requêtes en 1311 par le roi de France
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Philippe-le-Bel. Il fut chargé, conjointement avec Bertrand , évéque d'Autun, et François-Pierre de la Palu , de l'exécution du testament de Jeanne de Bourgogne, épouse de Philippe V le Long, et dans ce testament il est désigné comme parent de la princesse (1).
Le tombeau du chanoine Thomas est placé dans la chapelle de la Sainte- Vierge, vulgaire- ment appelée la petite paroisse. On lit à ce sujet dans le premier fascicule de la Picardie histo- rique et monumentale, p. 42 :
« La chapelle centrale , désignée sous le nom de Petite Paroisse^ â été restaurée de 1859 à 1862... Dans les deux travées a voisinant l'autel, du côté de l'Evangile, on a retrouvé en les remettant au jour, deux tombeaux enclavés dans le mur. Le premier en entrant est celui du chanoine Thomas de Savoie, mort en 1.335 ; le second a été élevé à la mémoire de l'évêque Simon de Goucans, mort en 1325. Les dispositions de ces monuments funèbres sont identiques : niche profonde en ogive dentelée de fleurons , abritant l'une la statue couchée du chanoine, l'autre celle de l'évêque. Au-
(1) Description historique de l'église cathédrale de N.-D. d'Amiens, par A. G. M. Gilbert; Amiens 1833; p. 240 à 243.
Un frère du chanoine Thomas, Pierre III de Savoie, après avoir été chanoine de Salisbury fut, en 1308, archevêque de Lyon. M. François Rabut a publié un sceau de Pierre III de Savoie dans les Aiti délia R. Accademia de Turin, t. XII, février 1877.
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dessus de chaque niche, gable avec rosace dans le tympan, clochetons et pinacles ; soubassements composés d'une série de niches encadrant des figurines de chanoines et de moines pleurant. »
La réunion décide d'accompagner, dans son tome XXXV, cette petite notice de M. Carbon d'une pbototypie du monument funéraire de Thomas de Savoie.
Séance du lO novembre 1895.
(Présidence de M. Mugmer.j
Le procès-verbal de la séance du 11 août est lu et adopté.*
M. Dullin, conseiller à la Cour de Grenoble, présente un récit rédigé par le marquis d'Yenne de la visite faite à cette petite ville le 21 août 1775, par le roi de Sardaigne, Victor-Amédée III. Déjà au tome XXIV des Mémoires de la Société, notre regretté sociétaire, M. Marie-Girod, a publié la narration du curé de Motz, Claude-François Delbène,de la journée du lendemain, 22 août, que le roi consacra à visiter dans la Chautagne les travaux d'endiguement du Rhône sur la rive savoisienne (rive gauche). Les deux récits se complètent l'un l'autre. Celui du marquis, moins pompeux que celui du curé, entre dans de petits détails, parmi lesquels on peut regretter qu'il
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n'ait pas écrit le menu du dîner du roi. Nous savons cependant que s'il n'aimait pas les pêches, les poires lui plaisaient.
La suite de Victor- Amédée III était de qua- rante personnes, dit M. Delbène; M. d'Yenne nous apprend que le roi était accompagné du duc de Chablais, son fils, dont, au tome XXXIII de nos Mémoires, M. Max Brucliet nous a révélé le caractère bizarre.
Venue du Roy a Yenne.
Yenne ce 21 aoust 1775. — Le plus beau jour de ma vie, le roy, Mgr le duc de Chablais et leur suite, y étant arrivé le matin ont couché chez moi et le roy m'a fait l'honneur de m'admettre à sa table.
J'étois allé l'attendre a my montagne du côté du Bourget (1) et comme il faisait extrêmement chaud, je lui ay porté un panier de très belles pesches et poires; il a mangé de ces dernières n'aimant pas les pesches. De ce moment là jusqu'icy j'ay eu l'honneur de le suivre sans quitter la droite de son cheval, lui nommant tous les objets qui se presentoient à sa vue. Il trouvât en haut de la montagne (2) une espèce de portique soit arc de triomphe élevé en sapins verds par les habitants de Chevellu, au haut duquel étoit l'inscription cy après :
Victor Amedeus ii (3) visitavit et fecit redemptionem plebis su^
(1) C'est-à-dire à moitié du versant oriental du Mont-du- Cliat, au-dessus du lac du Bourget.
(2) Au col du Mont-du-Chat.
(3) Il fallait III.
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J'eus l'honneur de lui observer que feliciiatem auroit beaucoup mieux convenu que redemptionem, expression d'autant pins fausse et déplacée qu'il ne pouvoit y avoir captivité ny servitude où predominoit la liberté ; étant lonjours libre a l'empliiteotte de faire cesser la redevance en rendant au vassal le fond qu'il avoit concédé pour se la procurer (1).
500 pas avant d'arriver ici il trouvât une troupe d'une centaine de jeunes filles toutes vêtues de blanc et garnies en ruban de couleur rose, dansant au son des violons. Elles le suivirent ainsi jusque dans la ville où il y avoit un peuple innombrable et une compagnie composée des habitants en uniforme verd et blanc, boutons et chapeaux bordes d'or, qui bordoit la haye, parmi lesquels 24 grenadiers qui lui montèrent la garde. Le marquis de Chevellu, mon fils, avoit l'honneur de les commender. Force décharge de leur mousqueterie, de mes spingaudes, et de l'artillerie de Pierre-Châtel (2) qui fit trois décharges.
Les mêmes jeunes filles continuèrent a danser dans la rue sous les fenêtres du roy. L'heure du diner s'appro- chant on mil dans la cour une table pour les quatre jeunes filles que je dottois et mariois en réjouissance de la venue d'un si bon maître. Leurs père, mère, parents ami tous dînèrent avec les époux; l'on y buvoit, chantoit a s'y epoulmoner comme dans la rue.
J'avois fait préparer le dîner pour le détachement des gardes du corps et comptois en aller faire les honneurs,
(1) Allusion aux édits d'affrancliissement des biens féodaux.
(2) La garnison française du fort de Pierre-Châtel rendait ainsi les honneurs militaires au roi de Sardaigne.
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mais le roy me fit celui, la faveur signalée, de m'ad- mettre a sa table et me faire manger avec lui. Mgr le duc de Chablais étoit a sa droitte et M. l'Evesque (1) a sa gauche ; le reste des convives se placeat comme on se trouvoit. Mes deux fils allèrent tenir ma place avec Messieurs les gardes du corps et leur faire les honneurs de la table.
L'apres dîner les grenadiers demandèrent permission au roy de danser sous sa fenêtre ce dont ils s'acquilèrent avec assez de gaieté pour lui en inspirer beaucoup,
Le roy et sa suitte monta à cheval l'apres dhier pour aller voir les digues de la Balme ou j'en l'honneur de le suivre marchant toujours a sa droite, un peu en avant entre le fleuve {le RJione) et son cheval, et je le priay de vouloir bien mettre pied à terre dans les parties dangereuses ce qu'il fit. Arrivés à la Balme je cedday le poste d'honneur à M. le o,^^ de Seyssel qui en est seigneur, on allât visiter les digues et revint icy ( Yenné) à l'entrée de la nuit ; on commenceat d'illuminer toute la façade intérieure de ma maison et successivement l'extérieure ainsy que la porte de fer et mur du jardin vis à vis avec force lampions en dessin qui faisoient très bon effet ; on y voyoit comme dans le plus beau jour. On commenceat alors a livrer un grand tonneau de bon vin au peuple, avec force pain de boulanger, la joye redoublât. Le roy, le prince furent longtemps sur le balcon et parurent y prendre grand plaisir.
Mes enfants furent faire les honneurs du souper comme du dîner a M'» les gardes du roy.
(1) L'évêque de Belley, Gabriel Courtois de Quincey. Le mandement d'Yenne apjmrtenait encore alors au diocèse français de Belley.
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Sa M'é couchât dans la chambre de M^^^ d'Yenne sous un dey de damas cramoisi galonné avec frange d'or, et les amples rideaux du cosié rattachés en plusieurs endroits avec force touffes de ruban blanc qui en formoient des festons. Les chants et danses de la rue cessèrent.
Le roy entendit le lendemain matin la messe dans ma chapelle ; M. l'abbé d'Yvoley la célébrât et ce fut Mgr de Belley qui donnât l'eau bénite. Au sortir de la messe je fis voir au roy les charrues étrangères que j'avois tiré de France. Il les examinât beaucoup et en approuvât la légèreté mais non le charriot du devant, celles du Piémont n'en ayant point.
On montât a cheval pour aller voir les digues ; les plus près d'icy se trouvant dans une isle séparée du continent par un gros bras du Rhône on le traversât en bateau où le roy était assis sur un banc ayant Mgr l'Evesque à sa droite, M'estant assis sur la bande soit costé gauche du bateau, S. M'^ craignant que je ne tombât dans le Rhône, me dit de m'asseoir a costé d'elle ce que je refusay par respect, elle eut la bonté d'insister, de me tirer mesme par la basque de mon habit pour m'y faire mettre. Il fallut céder à ses derniers ordres ne pouvant mieux lui marquer mon respect que par mon obéissance. La digue vue on repasse le fleuve, monte a cheval, et va à la digue de Richaudon , où j'ai eu l'honneur de suivre le roy lui expliquant comme la veille tout ce qui s'offroit a sa vue tant en France (rive droite du Rhône) qu'en Savoye. Cette digue vue le roy allant en Chautagne j'eu l'honneur de prendre congé de lui et me retiray toujours plus pénétré des nouvelles marques de cette bonté qui lui est si naturelle.
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M. Mugni'er signale l'octroi de Lettres de retenue de gentilhomme ordinaire de la Chambre du roy, accordées par Henri II, roi de France, le 25 septembre 1548, en faveur de son bien cher et amé cousin , Jehan , comte de la Chambre et de Leuille, vicomte de Maurienne. A la restau- ration d'Emmanuel- Philibert , le comte de la Chambre demanda l'enregistrement de ces lettres au Sénat de Savoie, ce qui lui fut accordé par décret du 29 novembre 1559 ( Registre dit de basane, f° 14).
M. Félix Perpéchon rappelle que le manuscrit n° 27 de la Bibliothèque de Chambéry, renfermant divers traités d'Aristote, Porphyre, Boéce, contient sur quelques feuillets de velin, qui étaient restés en blanc, une copie d'un poème du xiir siècle, VArt d'ainors , de Jacques d'Amiens (1). Ce poème paraît avoir été publié intégralement par MM. Kœrting et Brackelmann, d'après les trois manuscrits connus des bibliothèques de Dresde, d'Uirecht et de Paris (Bibliothèque nationale). M. Perpéchon présente une copie des 1059 vers du manuscrit de Chambéry, formant environ le tiers de l'oeuvre totale. L'auteur de